David Suarez et John Devignon oscillaient entre déception et enseignements utiles pour la progression de leurs groupes, à la suite de l’élimination des U18 de l’Amiens SC en coupe Gambardella.
Peut-on dire que c’était un match de folie ?
David Suarez : Oui, c’était un beau 1/8è de finale, avec le Stade de la Licorne, du public, deux belles équipes engagées, des buts, des émotions, un scenario renversant. Il a manqué des petites choses pour se qualifier, les garçons ont tout donné, jusqu’au bout. Mais, en première mi-temps, on aurait dû faire le break, on aurait dû s’asseoir sur le match et prendre un peu d’avance pour pouvoir un peu plus maîtriser dans la deuxième partie.
John Devignon : On dit que dans le haut niveau, ce sont les détails qui font la différence. En termes d’efficacité, à la fois offensive et défensive, ce sont les petits détails qui nous ont manqué pour faire cette différence, surtout en première mi-temps, où cela aurait pu se terminer à notre avantage bien plus largement.
On sent que techniquement, vous avez été au-dessus, qu’en première mi-temps, vous dominiez, qu’est-ce qu’il a manqué ?
J.D. : Le foot, c’est plus compliqué que simplement de la technique ou de la tactique. C’est un ensemble de choses. Il y avait les émotions, cet environnement inhabituel. Il a fallu le gérer et le digérer sur le début de match.
On était individuellement plus préparé, mais collectivement, il nous a manqué les petits détails pour aller plus loin, pour faire plus fort. Et c’est ce qui a permis à l’équipe adverse de rester dans la partie, ce petit supplément que nous, en tant qu’équipe, on n’a pas réussi tout de suite à mettre en marche.
Vous êtes aussi tombés sur une équipe très organisée derrière…
D.S. : On les a rapidement désorganisés en première mi-temps. On a vraiment eu beaucoup d’occasions, beaucoup de situations. On n’a pas été tueurs dans la zone de finition, on a manqué de nombre aussi dans cette zone. Parfois, ça a été contré, on a manqué un penalty avant la mi-temps, ce qui est un fait de jeu très important.
Mais ce sont des matchs où les jeunes, même si on est des compétiteurs, apprennent énormément. Aujourd’hui, on a vu qu’un match peut vite tourner, qu’un match qui semble bien engagé peut être difficile, qu’Ajaccio a toujours été organisé, et en vie, c’est-à-dire qu’on n’a jamais mis un écart de deux buts. On a eu les ressources mentales pour revenir, je trouve que ce n’est pas rien non plus. Après, il y a la séance de pénaltys qui est couperet, ça retombe un peu, avec ce qui s’est passé aussi sur le terrain, il a fallu mettre un peu d’ordre. C’est dommage, on est déçu pour les garçons.
Comment expliquez-vous ce trou d’air de 10-15 minutes en seconde période ?
D.S. : On savait qu’on était à la merci, sur un coup de pied arrêté, le ballon ressort, on ne fait pas le geste défensif qu’il faut, de dégager pour qu’on puisse se replacer. On pense que, et penser que, en football, cela fait qu’ils obtiennent un pénalty. Ça revient à 1-1 et dans les matchs de jeune, ça s’inverse très rapidement en termes d’émotions.
L’équipe a eu ce trou d’air, on a été désorganisé, il y a eu un peu de panique. On a été un peu en difficulté sur le jeu. Il a fallu les cinq dernières minutes pour mettre de la folie et être récompensé.
L’entrée de Digbeu a fait du bien ?
J. D. : Oui, il apporte du sang frais. C’est le moment où l’énergie s’inverse un peu et est positive. Il faut le souligner, c’est la qualité de nos joueurs, ils n’ont jamais lâché, jamais abandonné. Et mine de rien, on s’offre la série de tirs au but.
Vous êtes menés 1-3, il reste 5 minutes, vous y croyez encore, sur le banc ?
J. D. : Oui, on est obligés. Même si c’est un moment difficile, l’idée, c’est d’être dedans jusqu’à la fin du match. Et on le sait, on l’a vu, tout va très vite dans le football. Bien sûr qu’on y croit même si ce n’est pas facile sur le moment, il faut tenir bon. Quand on parle d’émotions pour les joueurs, on est les premiers à devoir mettre les choses en marche.
Cette coupe, ça compte beaucoup ?
D. S. : C’est l’aventure d’une génération, les 2004, la saison prochaine, ne pourront plus la jouer. C’est une aventure autour de laquelle on s’était créé une petite bulle et de très belles émotions. Cela change un peu du championnat, c’est couperet, il y a l’adrénaline de la qualification, ou de l’élimination. Tous les grands joueurs ont postulé en Gambardella. C’est attrayant pour tout le monde. Il y avait le cadre pour jouer au football. On remercie le club, les personnes qui nous ont soutenus sur cet aspect d’offrir aux jeunes la possibilité de voir un peu ce que représentent les prémices du haut niveau.
On a bien senti l’énergie qu’il y avait autour de ce match-là au niveau du club. On a créé une bulle, on s’est mis dans un état d’esprit différent.
John Devignon
J. D. : Ce sont les émotions, de toute manière, d’un match de coupe, à l’image de la coupe de France pour les seniors. Ce sont des souvenirs qui resteront gravés dans leur mémoire. C’est quelque chose qui est attendu par une génération quand elle peut la jouer. On a bien senti l’énergie qu’il y avait autour de ce match-là au niveau du club. Nous-mêmes, on l’a dit, on a créé une bulle, on l’a dit, on s’est mis dans un état d’esprit différent. Effectivement, c’est quelque chose de très important pour eux. Ça fait partie de leur histoire, de leur apprentissage de joueur de haut niveau.
Vous l’avez déjà un peu évoqué, est-ce un match qui peut être très formateur ?
D.S. : Exactement. On apprend dans la défaite, on grandit. Le but, c’est de s’en servir auprès des jeunes, sur les impacts mentaux, sur la mise en confiance. Vouloir devenir joueur de foot professionnel, c’est très difficile, c’est maîtriser tout son environnement. Il faut se mettre dans la tête qu’ils sont en construction, qu’en faisant des erreurs on apprend, on corrige. C’est aussi à nous, avec la vidéo, notre approche, de trouver les leviers qui font que ces matchs puissent être bénéfiques pour eux après.
J. D. : Ça va inévitablement nous servir dans les week-ends à venir pour le championnat, c’est sûr.
Justement, en championnat, cela se déroule plutôt bien, comment voyez-vous cette fin de saison ?
D. S. : Les équipes de jeunes à Amiens se comportent de mieux en mieux. On n’est pas axés sur le résultat forcément. C’est surtout le comportement et je pense que des matchs comme ça, ça réunit tout le club.
Le but est d’aller chercher des choses pour que le plus de joueurs de notre formation soient là le week-end. Après, c’est à chaque groupe d’aller se fixer des petits objectifs de résultats.
Bien sûr qu’on va se servir de la compétition au service de la formation, mais jamais on appuiera dessus pour n’être que dans le résultat.
Propos recueillis par Morgan Chaumier
Crédit photos : Léandre Leber – Gazette Sports