Sacrée championne du monde en W45 pour la seconde année consécutive il y a six mois, Olivia Cappelletti nous parle de son confinement et plus particulièrement du défi qu’elle a lancé sur les réseaux sociaux.
Pour commencer, peux-tu nous parler de ton quotidien en confinement ?
En tant que sportive je m’entretiens dans la mesure où l’on peut sortir une heure par jour : je vais marcher et je ne fais pas d’efforts soutenus parce qu’en ces temps un peu troubles, il ne faut pas pousser l’organisme. Ainsi, ça ne sert à rien de faire de gros entraînements, c’est vraiment plus de l’entretien, un maintien de forme plutôt qu’une recherche de performance !
Récemment tu as donc posté des vidéos de défis sportifs. Peux-tu nous en dire plus ?
J’avais lancé le défi de créer des petits parcours parce que j’ai pas mal de collègues qui sont dans le même état d’esprit que moi qui est de faire des petites choses sans en faire trop : en ce moment les réseaux sociaux sont assez inondés de séances de préparation physique. Personnellement je n’avais aucune ambition de vouloir proposer quelque chose de novateur, d’ailleurs sur mon profil Facebook je n’ai fait qu’une petite vidéo parce que je m’ennuyais et je me suis dit “tiens, tout le monde n’a peut-être pas de matériel pédagogique chez soi, moi j’ai deux briques et un bout de planche, qu’est-ce que je peux faire ?” Ça maintient ma créativité et ça m’évite de m’ennuyer parce que l’enseignement commence à me manquer ! Tout est vraiment parti de là : je m’ennuyais, j’ai créé un petit quelque chose pour voir si, parmi mes collègues au niveau national, il y en avait quelques uns qui répondraient à l’appel.
C’était lancer un petit défi en toute humilité et se dire qu’on le fait pour s’amuser plutôt que pour être performant. Il aurait été dangereux de mettre en place des séances trop intenses alors on reste sur une intensité moyenne avec par exemple des petites séquences « d’arrêt » : soit de la récupération complètement statique, ou bien de la proprioception, mais il ne faut vraiment pas que le cœur monte trop haut dans les tours !
Le lien manque à tous les joueurs, quel que soit l’âge, alors on essaye de le maintenir.
Ces vidéos sont donc destinées à toutes les personnes capables physiquement de réaliser vos défis ?
C’était tout d’abord destiné à mes joueurs, aux collègues coaches, c’était un petit clin d’œil ! Ce n’était pas “tout un chacun non sportif qui va s’amuser à venir faire des séquences en faisant des mouvements de tennis.” Pour quelqu’un qui n’a jamais rien fait ou qui a des problématiques de santé, ce n’est peut-être pas un circuit adapté. Là je l’avais fait volontairement sans intensité mais la semaine prochaine je vais plancher sur un autre petit sujet avec des moments d’action et de récupération toujours en étant très mesurée. C’est vraiment quelque chose qui m’occupe et qui me permet de faire un petit clin d’œil à mes joueurs qui me suivent un peu sur Facebook parce que tout le monde est en manque d’activité sportive et de lien social.
Dans le tennis on est toujours au contact de joueurs, jeunes et moins jeunes, et de par tous les messages que je reçois, je me rends compte que ça manque vraiment à tous ! Le lien manque à tous les joueurs, quel que soit l’âge, alors on essaye de le maintenir en off bien évidemment plutôt que directement sur les réseaux : avec les coaches de l’Académie on suit nos joueurs par messages ou en visio, on propose à ceux que l’on suit toute l’année et qui le souhaitent de faire quelques circuits, toujours en modérant l’intensité des séquences.
Tu parles de petits défis « pour s’amuser », pourquoi ne pas avoir choisi de mettre en place de « vraies séances » de préparation physique ?
Le danger de tout ça, c’est que nous ne sommes pas à côté de nos joueurs, on ne sait pas qui regarde : une personne sédentaire qui va regarder un circuit en se disant “oh je vais faire pareil”, je pense qu’il y a quand même un risque. Donc mon but était vraiment de faire quelque chose de léger avec des mouvements du tennis parce que ça reste tout de même mon créneau, et puis par rapport à ce que j’ai vécu en tant que joueuse je sais que ce sont des choses qui ne sont pas dangereuses et qui peuvent être amusantes à faire, on évite vraiment toutes les postures qui seraient trop difficiles à tenir sans coach. Ça permet aussi de garder un lien avec tout le monde ! Mon objectif pendant le confinement c’est aussi de garder un lien avec les joueurs pour qu’ils ne se sentent pas non plus délaissés.
Les joueurs et leurs parents sont contents qu’on puisse continuer à garder ce lien puisqu’à priori le confinement risque de durer.
Les joueurs en demande qui viennent vers nous, on leur propose des choses adaptées à ce qu’ils sont capables de faire. Il faut vraiment être prudent parce que ce qui convient à l’un ne convient pas forcément à l’autre donc c’est difficile de proposer des séances pertinentes et très poussées sur un réseau social sans être à côté du joueur. Dans ce cas on essaye aussi de mettre un peu les parents dans la boucle, on les initie un peu au rôle de coach ce qui n’est pas plus mal : on a certains parents qui jouent vraiment le jeu et on peut leur donner des petits conseils pour qu’ils puissent faire le lien entre nous et le joueur. Et puis quand les parents reviendront sur les bords des courts pour suivre leurs enfants en tournoi, ça leur permettra d’avoir quelques petites billes par rapport à des préparations de matchs ou des exercices à faire sur le travail d’œil et la vivacité. On a des bons retours par rapport à ça et c’est vrai que les joueurs et leurs parents sont contents qu’on puisse continuer à garder ce lien puisqu’à priori le confinement risque de durer.
On aurait pu penser que le confinement allait démotiver certains jeunes sportifs et les éloigner des courts, mais finalement vous constatez presque l’inverse ?
Le confinement éloigne physiquement oui, mais c’est aussi vrai que ça rapproche de certaines personnes. Et puis c’est aussi un moyen de se poser, de réfléchir à la suite : on se voit en visio une fois par semaine avec les coaches, on réfléchit à des concepts, à comment on va faire pour la reprise, ce qu’on va pouvoir proposer pour récupérer un peu les heures qui n’ont pas été faites. Le côté positif c’est que l’on prend un peu plus de temps pour mettre en place des choses comme des nouveaux exercices, des nouveaux jeux ; c’est vraiment le gros côté positif mais je n’en vois pas beaucoup d’autres malheureusement.
Il y a certains jeunes qui ne lâchent pas l’affaire mais je ne connais pas forcément la situation personnelle de tous les enfants que l’on peut avoir pendant l’année : c’est sûr qu’en fonction du lieu de confinement, c’est toujours délicat de proposer des choses.
Est-ce que votre initiative a permis de créer un petit réseau entre joueurs de tennis qui vous ont ensuite partagé leur propre défi ?
Oui bien sûr, j’ai reçu pas mal de messages privés avec des petites vidéos mais volontairement je ne les republie pas parce qu’après je ne peux pas être garante de ce que chacun fait et je ne veux pas prendre de risque par rapport à quelque chose que je ne vais pas maîtriser.
S’il n’y a plus de lien, il n’y a plus de motivation pour les enfants.
Je trouve que le côté des petits défis, c’est qu’il faut vraiment le faire de façon prudente sans rechercher la performance. Le but principal doit rester de garder un lien, garder du plaisir et de la motivation : s’il n’y a plus de lien, il n’y a plus de motivation pour les enfants, c’est trop compliqué pour cette activité du moins même si je pense que c’est le cas dans beaucoup d’autres disciplines. Cependant, ce n’est pas parce que l’on est confinés qu’il faut surcharger les enfants et c’est là toute la difficulté.
Propos recueillis par Océane Kronek
Crédits photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr