Louis Depil, 20 ans, s’est lancé le pari fou de réaliser seul un tour de la France, à la fois pour sortir de sa routine, pour en apprendre davantage sur ses limites, mais aussi pour réaliser le rêve d’un enfant malade.
Cette folle idée lui était venue il y a deux ans pour casser sa routine entraînement la semaine/course le week-end et se lancer un nouveau défi. Mais à 18 ans seulement, Louis Depil n’avait pas eu l’aval de son père, celui-ci considérant les routes de France comme trop dangereuses. Mais le jeune cycliste est revenu à la charge il y a quelques mois, plus déterminé que jamais à relever ce challenge : « Mon père m’a dit « tu ne lâches pas le morceau ». J’ai dit « non je veux vraiment le faire ». Et il m’a dit « monte le projet et je le valide ou pas ». Donc j’ai monté le projet. Il m’a même aidé et il m’a dit ok » explique le principal intéressé. Ce projet, c’est un Tour de France en solitaire, du 15 juillet au 2 août. 3430km à parcourir sur 19 jours, en 17 étapes de plus ou moins 200km. Une aventure si ambitieuse que beaucoup confondent son défi avec la véritable Grande Boucle : « C’est vrai que des élèves (il travaille en tant que surveillant à la Sainte-Famille, ndlr) me disent « tu vas faire le Tour de France avec Pogacar ? » Non ça n’a rien à voir, mais c’est vrai que ça y ressemble. Au niveau du kilométrage, c’est pareil, j’en fais même plus. C’est 110 km de plus et en moins de jours même si ce sera une allure nettement inférieure » compare Louis Depil.
Et même s’il est un cycliste aguerri, le pensionnaire du club de Flixecourt doit se préparer du mieux possible afin d’être physiquement prêt. Il a entamé un programme alimentaire spécifique, qui porte déjà ses fruits et s’entraîne chaque semaine. Car les entraînements se comptent davantage en heures qu’en kilomètres et Louis Depil confie osciller entre 13h et 15h hebdomadaires. Il pourrait en faire davantage, mais souhaite continuer les compétitions le week-end (il vient d’ailleurs de renouer avec le succès, le 25 mai) : « Dès le mois de juin, je vais entamer une préparation spécifique parce que faire 200 km chaque jour, ça ne se fait pas comme ça. Il faut surtout pouvoir maintenir le rythme, car faire 200 km une journée ça va, mais sur plusieurs jours je n’ai jamais fait » confie le cycliste de 20 ans. Et s’il sera seul sur son vélo durant son voyage, il pourra compter sur une voiture de directeur sportif personnel, ses grands-parents en l’occurrence, qui le suivront en camping-car : « A chaque fin d’étape, je les retrouverai le soir. Parce que le faire tout seul, ce n’est plus la même chose. Sur son vélo, il faut avoir plein de bagages, de quoi dormir. Le soir après une longue étape, il faut trouver l’hôtel. Ce sont beaucoup de contraintes. Je ne voulais pas m’en mettre autant. Je veux surtout que ce soit quelque chose qui me permette de prendre du plaisir. Le faire tout seul, je pense que ça se fait, mais quand on a plus la trentaine, quand on est un peu plus mature. »

Un vrai tour de la France
Si l’on a récemment été habitué à voir le Tour de France des pros débuter ou passer à l’étranger, celui de Louis Depil aura lieu exclusivement en France avec un départ et une arrivée à Amiens. Les communes étapes de son parcours n’ont, pour certaines, pas été choisi au hasard, souvent pour des questions de logistique. Gignicourt-sur-Vence, Soultzmatt ou encore Caromb sont des villages dans lesquels de la famille ou des amis de ses grands-parents vivent, de quoi faciliter l’hébergement. Le Tour de France des grands passera d’ailleurs tout près de ce dernier, ce qui relève de la coïncidence : « Quand j’arrive à Caromb, le soir, le lendemain, pour mon premier jour de repos, il s’avère que les coureurs du Tour de France arrivent au Mont Ventoux qui se situe à 20 km.« Et loin de là l’idée pour Louis Depil de grimper le Ventoux à vélo pour les observer à l’arrivée, mais au moins une occasion de profiter au mieux de ces 24 heures de pause. Enfin, la ville de Noirmoutier a aussi une symbolique particulière : « J’arriverai le soir du 29 juillet le jour de mon anniversaire et je rejoindrai ma copine et toute sa famille pour le fêter. Je n’avais pas trop envie de le passer tout seul sur mon vélo » s’amuse-t-il. Pour le reste des villages étapes, une application a été utilisée pour réaliser des parcours de distances similaires tout en évitant de rallier les métropoles : « Les grandes villes, on les connait quasiment toutes. Là, je vais découvrir et c’est ça qui est bien. Sur le Tour de France, souvent ils passent aussi par des petits villages et c’est peut-être eux, justement, qu’on doit mettre en valeur« lance Louis Depil.
Ces 3430km qu’il aura à parcourir, le pensionnaire du Team Flixecourt les a répartis en 17 étapes, entrecoupées de deux jours de repos. La plupart tourneront autour des 200km, la plus courte faisant 175km, la plus longue 225km. Côté dénivelé, celui-ci sera d’au minimum 36 000 mètres, un chiffre important alors qu’il a décidé de ne pas traverser de cols alpins ou pyrénéens : « Je ne me suis pas mis de col parce que faire déjà, une étape de 200 km, ça va me prendre toute la journée, donc si je rajoute des cols je pense que je vais rentrer à la lampe torche. Et me relever cinq heures après pour la prochaine étape, ce n’est pas le but » justifie le cycliste de 20 ans. D’autant que ces ascensions auraient été aussi difficiles d’accès pour le camping-car de ses grands-parents. Le manque de routes et l’obligation de faire de gros détours, c’est aussi une raison pour laquelle il a snobé la majorité de la région PACA. D’autres régions comme la Bretagne et le Nord-Pas-de-Calais ne sont pas au programme, la première parce que cela aurait ajouté trop de distance, la seconde parce qu’il connaît déjà trop bien les routes pour avoir roulé dessus à de nombreuses reprises lors d’entraînements et de compétitions.

Le mental et la météo comme facteurs de réussite
Physiquement, Louis Depil n’a que de légères craintes quant à sa capacité à réaliser le challenge qu’il s’est imposé : « La partie physique normalement je serais bien préparé. Je mets toutes les chances de mon côté. Faire 200 km, je l’ai déjà fait. Sur une étape ça va, par contre, faire ça tous les jours, je ne sais pas, mais pour en avoir déjà parlé avec plusieurs cyclistes, ils m’ont dit qu’à force le corps s’y habituait. » C’est surtout la partie mentale qui sera déterminante, selon lui, dans la réussite de ses objectifs : « Je pense que la partie mentale sera la plus dure. Au niveau du sport, même si je savais des fois que je ne partais pas gagnant, que je partais loin, je n’ai jamais lâché donc ce n’est pas maintenant que je compte lâcher. Je ne me mets pas de pression. Si je vois que j’ai des coups de moins bien, je continuerai jusqu’à arriver au soir de l’étape et le lendemain, je repartirai en me disant que tout va mieux. » Il espère simplement qu’il ne tombera pas malade, ce qui serait l’unique raison pour laquelle il devrait peut-être abandonner son défi ou au moins le retarder : « En plein mois de juillet, ce serait vraiment bête, mais ce sont des choses qui peuvent arriver » confirme, amusé, le principal intéressé.
La réalisation de ce tour de France sera aussi indéniablement impactée par des éléments extérieurs et notamment les conditions météorologiques : « Le temps, ça sera la grande surprise et le point qui me fait le plus peur » avoue Louis Depil, lequel est adepte du soleil, mais pas des grandes chaleurs : « boire de l’eau bouillante » ou « s’arrêter toutes les 20 minutes pour la remplacer » nuiraient à l’expérience et le plaisir. En revanche, ce dernier compte bien profiter de la pluie, s’il y en a : « S’il fait chaud, ça peut rafraîchir. Je roulerai sur un rythme régulier, il n’y aura pas de prises de risques dans les descentes, donc ça ne me dérangera pas. » L’autre facteur qui peut s’avérer problématique dans la progression de notre protagoniste, c’est le vent : « S’il est dans une seule direction et que je descends pleine face pendant 200km, ça va être vraiment long. Mon père m’a dit qu’au mois de juillet, le vent est du sud donc quand je vais partir, jusqu’au lac du Salagou, je l’aurai de face après normalement, pour remonter je l’aurai de dos » explique celui qui s’est lancé ce défi fou.

Rouler pour réaliser un rêve
Cette aventure, Louis Depil ne se l’inflige pas que par pur plaisir personnel. Il voulait aussi qu’elle soit utile et c’est tout naturellement qu’il a cherché une association avec qui, il pourrait s’associer. Il a finalement choisi Rêves, qui a pour but de réaliser le souhait d’un enfant malade : « Moi qui travaille avec les enfants, ça me touche. J’ai tout de suite contacté l’association et les personnes ont eu du mal à réaliser, ils ont dit on n’a jamais eu un projet d’une telle ampleur. J’ai rencontré l’un des dirigeants de la délégation de la Somme et il était enchanté. Il m’a tout de suite dit qu’il m’aiderait au maximum, je ne regrette pas mon choix. » C’est courant juin que le jeune cycliste choisira le rêve qu’il réalisera. Ce double projet de réaliser un tour de France à vélo et de financer le rêve d’un enfant a un coût et c’est pour cette raison que Louis Depil a lancé une cagnotte. « Je me suis fixé la barre des 3000 euros, mais si on peut la dépasser, c’est mieux. Tous les bénéfices iront à l’association. Mais imaginons que j’en ai pour 2000 euros de frais personnels et qu’il y a 2500 sur la cagnotte, je ne vais pas donner que 500 à l’association. Le but est de mettre l’association en lumière, pas moi. Au pire des cas, je paierai un peu de ma poche. »
Le Picard de 20 ans (il est né dans l’Aisne, ndlr) veut pouvoir donner au minimum 1500 euros à l’association Rêves tout en sachant que ses frais personnels seront nombreux, notamment le carburant et le péage pour le camping-car de ses grands-parents, mais aussi la nourriture et l’hébergement, certains campings réclament 40 euros pour un simple emplacement pour une nuit : « Je pense que pour la globalité il y en a pour au moins 1500 euros, sans compter le changement des pneus du vélo, tout ce qui est chaînes, cassettes où il y en a pour 300 euros. S’il y a des imprévus, ce sera de ma poche » assure le surveillant à la Sainte-Famille. Et si par bonheur, le montant de la cagnotte grimperait au-delà des espérances, celui-ci irait évidemment pour l’association : « Je vais me faire zéro bénéfice personnel, ce n’est pas le but de m’en faire. Cet argent-là, je l’utiliserais pour, pourquoi pas, réaliser un deuxième rêve. » La main sur le cœur et les pieds sur les pédales, Louis Depil n’a plus qu’un mois et demi pour préparer le plus grand défi de sa jeune vie.
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Simon Vasseur
Crédit photo : Rebecca Traulle – DR

