Président du Longueau Amiens Métropole Volley-Ball depuis 26 ans, Bernard Couillet connait sûrement l’une des saisons les plus difficiles depuis qu’il est à la tête du club. Il revient sur l’année 2024, évoque la situation du LAMVB et lâche ses vérités sur les circonstances qui, selon lui, font que l’équipe élite se retrouve en danger.
Quel est bilan de cette année 2024 sur le plan sportif et plus largement du LAMVB ?
On est déçus, évidemment, avec l’équipe élite, parce qu’on est malheureux sur les résultats. Si on voit un peu en détail, on ne devrait jamais se retrouver dans cette situation-là. Mais voilà, on est dans cette situation-là. C’est un petit peu compliqué. Le club, lui, ne va pas trop mal au niveau des jeunes en particulier. On a un gros enthousiasme au niveau des jeunes. On a deux équipes qui sont montées en pré-nat. Les garçons, c’est un petit peu difficile par manque d’effectif. Les filles, elles se comportent très bien en montant d’une division en pré-nationale. Au niveau des Coupes de France, nos M18 qui sont en fait des M16, puisqu’elles avaient fait la poule finale en M15, se coltinent des M18 en permanence. Elles sont qualifiées pour les M2, les M18 garçons suivent aussi. Globalement, c’est satisfaisant. Il y a cette dynamique-là. Le point noir, c’est évidemment l’équipe élite puisqu’on ne pensait pas se retrouver là. Mais il y a des circonstances qui ont fait que…
Comment se porte le club en matière de licenciés ? Avez-vous observé un effet JO ?
On n’a pas eu un gros effet JO. Le volley-ball, on a beau être champion olympique, si on parle des exploits de Jeux olympiques, on n’est pas en première ligne pour les Français. On a eu quelques personnes mais on n’a pas eu ce qu’on a retrouvé en tennis de table, par exemple. Ça n’a pas été ce qu’on pouvait penser. […] On est à 160 licenciés réguliers. Mais ce qu’il faut quand même dire, c’est que cette année, on a eu la formation d’un club scolaire avec le collège de Longueau. C’est-à-dire qu’on intervient deux fois par semaine au collège. On intervient aussi dans cinq écoles publiques, sur neuf classes, pour faire connaître le volleyball, faire appréhender la discipline. On a un gros travail aussi au niveau de la formation. Notre leitmotiv, au niveau des jeunes, c’est formation et éducation pour tout ce que le sport peut amener dans l’évolution des jeunes. L’éducation, les règles, le respect, ça aide. On a aussi un rôle social et on s’y tient.
Comment avez-vous vécu cette intersaison avec cette réforme sur le championnat, qui était très impactante pour les clubs aux moyens les plus modestes ?
La condition dans laquelle le championnat Elite s’est décidé est vraiment frustrante et même un peu scandaleuse quant aux organisations de la Fédération (FFVB). On avait fait un recrutement en fonction de la poule dite amateur-pro. On a pris des petits jeunes qui sortaient du centre de formation avec quelques cadres. Ça a été très difficile tout l’été de trouver des joueuses françaises. D’un seul coup, la fédération nous impose d’avoir six joueuses de formation française sur la feuille de match. Ce qui fait que tous les clubs qui avaient plus de moyens que nous sont allés rechercher des joueuses avant nous. Mais on avait fait le recrutement en fonction de ce qu’on devait faire. Sauf qu’un mois avant le début du championnat, des clubs d’access mettaient la clé sous la porte, des clubs ne voulant plus avoir les conditions d’une montée, et ils se retrouvaient avec cinq ou six clubs, je crois, c’était difficile de faire un championnat. À partir de là, ils ont mélangé tout le monde et on se retrouvait dans une compétition avec des cylindrées qui n’étaient pas du même gabarit que nous. Ça a été le premier point qui a été difficile à gérer.
C’est vraiment scandaleux. Je n’ai jamais vu ça.
Bernard Couillet, président du LAMVB
En plus du championnat, la fédération a trouvé un nouveau système. Je ne sais pas d’ailleurs si le fait de faire ça si tard, sans vote de l’assemblée générale, est valide. Mais vu qu’on s’est retrouvé avec deux poules de dix équipes, ils ont décidé que les trois premiers de chaque poule vont se rencontrer pour faire les play-offs, du quatrième au neuvième pour faire les play-downs, et le dernier arrête de jouer le 1ᵉʳ mars pour le dernier match. Ce qui est quand même à tomber à la renverse quand vous savez que vous avez des filles sous contrat. Qu’est-ce qu’on va faire ? Je n’ai pas dit que ce serait nous. On va se battre et peut-être qu’on aura ce déclic mais sur le terrain, cette équipe manque un petit peu d’âme, d’une personnalité qui arrive à dynamiser tout ça. Si on termine dans la charrette, je ne sais pas comment ça va se passer. C’est vraiment scandaleux. Je n’ai jamais vu ça. Je n’ai jamais vu un championnat où vous engagez des joueuses et que, le 1ᵉʳ mars, c’est terminé, alors que le contrat court jusqu’en juin. La situation est un peu difficile à vivre.
Tous les clubs étaient scandalisés, réagissaient, et quand on s’aperçoit qu’ils ne seront pas dans la charrette… Le président vient d’être réélu, il n’y avait personne contre lui. La politique de la Fédé, bon voilà. En fait, les problèmes de la FED, c’est qu’ils font, j’allais dire, au pifomètre. C’est-à-dire qu’ils essaient de gérer des situations. Ils nous ont fait une vidéo pour dire : « Venez, venez en access », aux clubs qui s’étaient engagés dans l’autre division, « Venez, venez, vous verrez, on va baisser les critères, etc. » Mais personne n’a voulu y aller et, en plus, il y a des clubs d’access qui n’ont plus voulu y aller à cause de ces conditions. Ils ne se rendent pas compte. Ils sont assez loin des réalités du terrain, ils travaillent dans un bureau. Ils sont hors sol.
Comment vivez-vous le fait de passer d’une belle saison avec des play-offs l’an passé à un exercice très compliqué ?
C’est difficile à vivre. Difficile à vivre parce que les filles sont sympas. Il y a eu une meilleure ambiance que l’année dernière. Mais on n’avait pas les mêmes adversaires. […] On a fait de très beaux matchs contre les gros cylindrés. Sens, par exemple, le deuxième, l’entraîneur adverse nous a dit que c’était la meilleure équipe qu’il avait vue. On jouait très bien. Le problème, c’est que quand on a abordé les autres équipes, psychologiquement peut-être, on a un petit peu toussé. C’est vrai que c’est tous ces matchs-là qu’on a perdus, en perdant les sets 29-31, 27-29, au quatrième ou au troisième, vous rajoutez trois ou quatre points et Aminata Dia, qui est une petite perle, et vous gagnez. On avait récupéré une petite centrale qui n’avait pas pu faire les deux premiers matchs. C’était une perle. Elle rentre, elle met six points d’affilée en centre. Et le septième, elle se fait les croisés. Tout a découlé un petit peu de ça.
Les quatre derniers matchs, on a gagné le premier set. Pourquoi ? D’abord parce qu’il y a un énorme travail de l’entraîneur Ion Dobre qui dissèque pendant des jours entiers, des nuits entières, les équipes adverses. Il prépare vraiment tout ce qu’il faut, pour chaque phase du jeu, etc. C’est assez impressionnant, d’ailleurs. Quand on arrive sur le match, on a tout en tête, les consignes là, et on gagne le premier set. Et pour le dernier match, on a gagné le premier set, puis, on perd un peu le fil. C’est certainement, je pense aussi, le manque d’expérience qui fait qu’on perd le fil. À chaque fois, on est à couteaux tirés sur le troisième ou le quatrième set. Pourtant, ça ne bascule pas pour nous. Et on se retrouve dans cette situation préoccupante.
Quelles perspectives pour la suite, notamment en cas de descente de l’équipe première féminine ?
Honnêtement, s’il y a une descente, je ne sais pas du tout. Je ne vais pas me projeter là, mais pour les féminines, à Amiens, je pense que ça serait terminé parce que notre équipe de pré-nationale n’est pas capable de prendre la succession en N2. On n’a pas encore fait le point avec le comité directeur. L’objectif reste le maintien, évidemment. En plus, vous avez des filles qui viennent d’ailleurs, qui ne vont pas rester au club si jamais on descend et je ne vois pas comment on pourrait bâtir une équipe en N2. Je ne sais pas, je ne peux pas vous répondre dans un sens ou dans l’autre. D’abord, je pense que ça serait déjà nous mettre dans une étrange situation. Je sais qu’elle nous menace, je suis tout à fait conscient de ça. Mais on ne veut pas rentrer dans cette pensée-là. On l’a en tête, mais on ne veut pas l’exprimer parce qu’il faut que l’on se batte et peut-être que ça va aller.
César Willot
Crédit photo : Kevin Devigne, Théo Bégler – Gazettesports.fr