C’est une doublette amiénoise qui a remporté la première édition de ce championnat régional de para-pétanque adaptée, qui s’est déroulé samedi au complexe sportif Émile Guégan.
Philippe Sustar et Sébastien Lartisien. Ces noms vous sont sûrement inconnus, mais ce sont bien ces deux para-boulistes qui ont remporté ce tournoi et qui sont donc qualifiés pour les Championnats de France de para-pétanque adaptée. Après avoir survolé leur demi-finale (13-0), les deux hommes se sont imposés 13-3 en finale de la catégorie C/D face à Grenay. Dans la finale de la catégorie A/B, c’est Campagne-les-Hesdin qui s’est imposé face à Maubeuge. Au total, ce sont 15 doublettes qui participaient à l’événement, regroupant donc 30 joueurs.
Qui se cachent derrière Philippe Sustar et Sébastien Lartisien ?
Parmi les deux vainqueurs. Philippe Sustar, 63 ans, éducateur de la FFPJP (Fédération française de pétanque et jeu provençal) et Sport Adapté, a été diagnostiqué autiste de niveau trois il y a une quinzaine d’années (niveau le plus élevé de l’autisme). Il possède des facultés cérébrales exceptionnelles qui lui permettent de pouvoir effectuer des actions qu’il ne devrait normalement pas savoir faire à ce stade du handicap : « Avec ces facilités, j’ai quand même réussi à passer des diplômes à la pétanque. J’ai d’abord été initiateur, puis éducateur et maintenant, je passe les diplômes pour être entraineur en compétition, c’est le plus haut niveau possible. »
Malgré ces aptitudes, ses qualités sensorielles hors du commun lui jouent souvent des tours : « Parfois j’arrive à entendre aussi bien que mon chien. Un autre exemple, si on écrit des mots avec des stylos de couleurs différentes sur une feuille de papier, je vois la feuille en relief. Pourtant, je sais qu’elle est lisse, je la touche avec ma main et elle est lisse. Mais visuellement, elle est en relief. C’est la même chose avec la lumière du soleil. Quand la lumière change, mes yeux vont s’adapter beaucoup moins vite à cause de cette hypersensibilité. Il y a aussi l’odorat. Si je fais abstraction de la vue et de l’ouïe, il m’arrive parfois de sentir des odeurs extrêmement loin. » Enfin, il n’aime pas le contact physique : « Je n’aime pas et je n’ai jamais aimé qu’on me touche. Depuis quelque temps, j’arrive à faire la démarche pour aller serrer la main des gens. Mais ce que je n’aime pas, ce sont les gens qui me mettent une tape dans le dos en disant « Bien joué Philippe ! »
Il est aussi atteint de prosopagnosie, qu’on peut qualifier d’amnésie du visage : « J’ai deux filles, et pendant des années, je n’ai pas réussi à dire le bon prénom pour le bon visage. Même aujourd’hui, je dois avoir leurs photos dans mon téléphone. Tout ça est à cumuler avec l’autisme. Mais bon, je me débrouille ! (rires)« . D’après lui, il est même un cas pour la science : « Ce que m’a dit mon psychiatre, c’est que j’étais fabuleux et que comme j’arrive parfaitement bien à exprimer ce que je ressens malgré mon autisme de niveau 3, ça serait l’idéal pour la recherche. Mais je n’avais pas envie d’être un cobaye. » Aujourd’hui, il est bien intégré au club, il s’est adapté au lieu, aux gens et à l’humour des adhérents.
Avec Philippe, c’est donc Sébastien Lartisien qui complétait la doublette. Sébastien vit, lui, dans un foyer de vie suite à un très violent choc qu’il a subi.. Avant cela, il avait un très bon niveau à la pétanque, en témoigne son palmarès : il a participé à sept championnats de France, a gagné une dizaine de tournois nationaux et a été demi-finaliste du Mondial de Millau. Ce choc a sans aucun doute son ascension dans la pétanque, qui s’annonçait brillante. Suite à cet événement, il a arrêté la pétanque pendant 15 ans. Il a repris cette activité il y a seulement 2 ans, quand il a fait le choix de vivre en foyer.
Et d’après Sébastien, ils forment un duo très complémentaire avec Philippe : « Même si je suis moins fort qu’avant, je suis content qu’on finisse premier. On est qualifié pour les championnats de France. On forme un très bon binôme avec Philippe. Lui, il place très bien, et moi, je fais de mon mieux au tir. Il voulait jouer avec moi et comme je voulais aussi jouer avec lui, j’ai accepté. » Des propos confirmés par Sustar : « Oui, on forme un super binôme. Je suis très content parce que ça fait un an que je construis ce binôme. Ça a été compliqué parce que les directeurs de centre ne sont pas forcément favorables à laisser partir leurs patients. »
Cette journée fut donc une réussite pour l’ASPTT, mais aussi pour chacun des participants. Daniel Tavernier, le responsable des sections handisport et sport adapté, est aussi très content de la tournure qu’a pris cette journée : « C’est important d’organiser des événements comme ça. Ça nous apprend à nous, valides, de relativiser les choses. Ça permet aussi de donner du plaisir aux participants. Aujourd’hui, on a un participant qui est assez renfermé sur lui, mais quand il vient à la pétanque ce n’est pas le même homme ». L’ASPTT organise son prochain tournoi de pétanque le week-end prochain, pour le Championnat Féminin du National des Clubs.
Maxence Rico
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr