Ancienne rédactrice pour Gazette Sports, Julie Michel a mis de côté son métier de journaliste pour ces Jeux olympiques 2024 d’une autre manière. C’est donc en tant que bénévole, que Julie a vécu cet évènement de près et en témoigne !
Pouvez-vous me parler de votre expérience en tant que bénévole des Jeux, au judo, dans une discipline qui vous est familière ?
Je travaillais pour la Fédération française de judo en tant que bénévole depuis déjà deux ans, en tant que journaliste bénévole. Pour moi, c’était évident de faire les Jeux olympiques de Paris. Comme ce n’est pas donné à tout le monde d’être journaliste là-bas, je me suis dit que j’allais le faire bénévolement et pour le judo, car c’est mon sport. J’ai fait ma demande il y a deux ans maintenant, et j’ai été acceptée il y a un an.
Et quel était votre rôle de bénévole sur place ?
Je me suis occupée des athlètes, c’est-à-dire que je pouvais être avec eux pendant l’échauffement, les surveiller, leur apporter des bouteilles d’eau, des serviettes… Je me suis occupée de Shirine Boukli, qui est dans la catégorie des moins de 48 kg et qui a remporté la médaille bronze. Je l’ai accompagnée dès qu’elle a gagné son combat. C’est moi qui me suis occupée d’elle jusqu’à ce qu’elle reçoive sa médaille.
Et donc, à ce moment-là, c’était quoi votre parcours avec les médaillés ?
C’est simple, je les accompagnais pour leurs interviews, puis au contrôle antidopage. J’ai aussi rencontré Emmanuel Macron et Zinedine Zidane, parce que Shirine les a rencontrés. J’étais avec elle.
Combien de temps a duré cette mission ?
Ça a duré deux semaines. La première semaine, je m’occupais des athlètes pendant leur échauffement et leur entraînement, et la deuxième semaine, je m’occupais des athlètes pendant les Jeux olympiques.
Chaque jour, vous aviez un nouvel athlète ?
En fait, c’était plutôt des groupes d’athlètes. Je n’avais pas un athlète en particulier, sauf Shirine, parce qu’elle avait terminé troisième. Sinon, il y avait plein de délégations et de judokas qui arrivaient au fur et à mesure.
Et dans ce rôle-là, est-ce que ça vous a donné accès aux combats ?
Oui, j’ai pu voir des combats, mais pas tout le temps, car parfois j’étais en mission ailleurs, au Palais Éphémère par exemple. Mais il y avait des missions qui me permettaient d’être au bord du tatami.
Qu’est que cela procure de voir une athlète gagner une médaille de bronze ?
C’est incroyable. Je la vois, je la filme, je suis au bord du tatami, je l’attends, et j’en vois d’autres aussi gagner des médailles. Au moment où elle gagne la médaille, j’ai passé plusieurs heures avec elle. Pendant les deux heures suivantes, je l’ai suivie partout, et j’ai vécu ce qu’elle vivait.
J’imagine que c’est l’un de vos meilleurs souvenirs de ces Jeux?
Oui, vraiment. Je rencontre Emmanuel Macron, je rencontre Zinedine Zidane… Shirine ne comprenait pas ce qui se passait, mais moi non plus. Je la suivais partout, c’était incroyable. Je ne me rendais pas compte sur le moment.
Est-ce que vous pouvez me raconter un peu la routine que vous aviez ?
Il n’y avait pas vraiment de routine. Je pouvais commencer à 7h, donc je me levais très tôt. J’étais chez mes parents dans l’Oise à ce moment-là, donc j’avais au moins deux heures de transport. Je me levais à 4h30 du matin, je prenais mon train à 5h-5h30, et j’arrivais sur le site des Jeux à 7h. On avait un briefing sur les missions de la journée. On pouvait être placé à différents endroits, comme surveiller la pesée, les vestiaires, ou les médias. Il fallait que les médias respectent les distances et les lieux pour poser leurs questions. On surveillait aussi les judokas pendant leurs entraînements. Les missions s’arrêtaient à 14h-15h si on était du matin, et sinon, c’était de 15h à 21h.
On a beaucoup entendu parler de l’ambiance extraordinaire dans les tribunes. Comment l’avez-vous ressentie depuis l’intérieur ?
C’était incroyable. On ne se rend pas compte à quel point c’est intense. On vit toute la hype autour du football pendant l’Euro ou la Coupe du Monde, mais là, c’était pour d’autres sports, et c’était incroyable. Même si je vais souvent aux Championnats du monde de judo, je ne n’avais jamais ressentie une ambiance comme celle-là. Il n’y avait même pas une seconde où je n’avais pas des frissons. Les gens hurlaient, chantaient la Marseillaise, criaient les prénoms des judokas, et on voyait bien que ça les motivait sur le tatami. L’ambiance était incroyable, même quand on n’était pas au bord du tatami. Même à l’autre bout du gymnase, on entendait les gens hurler et applaudir.
Vous avez vécu le bénévolat tout en étant journaliste le restant de l’année. Qu’est ce que cela fait de vivre un événement sportif d’une autre manière ?
C’est différent. Parfois, on voit les journalistes et on aimerait bien être à leur place, mais eux, ils nous envient, car nous sommes vraiment au cœur de l’action, on voit tout en direct. Parfois, je me suis dit que ma place n’était pas ici, et d’autres fois, je me suis dit que j’étais bien à ma place. C’est un sentiment partagé.
Même si les JO viennent seulement de se terminer. Est-ce que vous avez réussi à prendre du recul sur ce qui s’est passé ?
Sur le moment, on ne se rend pas compte de ce qu’il se passe, tout s’enchaîne. Mais maintenant, quand j’en parle autour de moi, tout le monde me dit que j’ai eu trop de chance, que c’était incroyable. Je me rends bien compte de la chance que j’ai eue de participer à quelque chose qui ne se reproduira peut-être pas de mon vivant en France.
Vous avez eu l’occasion de vivre des moments privilégiés avec les athlètes, qu’ils soient Français ou non ?
Surtout avec Shirine, oui. Je l’ai aidée à se préparer pour sa cérémonie. Elle voulait être belle pour monter sur le podium, donc j’étais là pour l’aider, tenir son téléphone, vérifier sa coiffure…
Viviez-vous la pression avec elle ?
Ce n’était pas vraiment une pression, c’était plus un choc. On ne se rendait pas compte de tout ce qui se passait. Tout s’enchaînait si vite, avec le Président, Zidane, les grands du judo… On était un peu choquées.
D’autres bénévoles ont dit que c’était assez éprouvant…
Oui, c’est super fatigant, car on vit des moments émotionnellement intenses. C’est vraiment épuisant, surtout que peu d’entre nous viennent de Paris, donc il y a aussi les trajets, la chaleur, la pluie… On mangeait à des heures décalées. Tout ça, c’est vraiment fatigant.
Et la tenue alors, avez-vous eu des demandes pour l’acheter ?
Quand j’ai découvert la tenue des bénévoles, j’étais dégoûtée. Je la trouvais vraiment moche, surtout le bob. Mais finalement, il y avait tellement d’engouement autour de cette tenue que des gens m’ont proposé 400 euros pour mon bob ! Mais je ne l’ai pas vendu. Je garde tout, ce sont des souvenirs précieux.
Propos recueillis par Kevin Devigne
Crédit photo : Julie Michel