A l’aube d’une nouvelle saison, la 43ème au plus haut niveau français, le président de l’Amiens Hockey Elite, Jean-Luc Mention, nous a accordé un entretien afin d’évoquer le prochain exercice.
Déjà acté depuis la signature de Janis Svanenbergs, le bouclage de l’effectif était logiquement l’un des premiers sujets que nous souhaitions aborder avec le président de la structure. « On est sur un recrutement équilibré par rapport à la masse salariale et à l’enveloppe globale dont dispose Mario Richer. Je rappelle que Mario est à la fois coach et sélectionneur ; c’est lui qui gère à 100 % le sportif au niveau du recrutement. Il est assisté juridiquement sur les contrats par le manager général, mais c’est Mario qui a 100 % de la responsabilité de constituer son équipe […] Il a analysé les faiblesses de l’année dernière, à la fois en défense et au centre. Une équipe qui mise la moitié de son budget sur trois joueurs peut être grandement affectée si l’un d’eux est blessé ou ne performe pas comme attendu. Mario a donc cherché à équilibrer son budget pour éviter qu’une déception ou une blessure ne devienne catastrophique pour l’équipe. Nous n’avons pas de stars, mais un équilibre qui permet d’absorber des chocs éventuels. » dixit Jean-Luc Mention. À l’heure où les négociations ne se font plus seulement par rapport aux salaires, mais désormais par le biais d’exigences liées aux hébergements, les Gothiques d’Amiens peuvent se rassurer en approchant des joueurs attachés à la capitale picarde.
On voit dans la constitution de l’équipe actuelle qu’Amiens est un sacré club formateur.
Jean-Luc Mention, président des Gothiques d’Amiens AHE
C’est ainsi que Gauthier Gibert, Guillaume Roussel et Rudy Matima, ont acté leur retour à Amiens. « On voit dans la constitution de l’équipe actuelle qu’Amiens est un sacré club formateur. Même quand on perd un jeune pour une raison quelconque, il revient souvent à Amiens après avoir pris un peu d’expérience et vécu dans d’autres clubs, relève le président du club. C’est intéressant de constater que beaucoup de joueurs reviennent, car ils réalisent que d’autres clubs ne sont pas forcément mieux qu’Amiens.«
Gauthier Gibert, à droite, sous les couleurs des Ducs d’Angers. 
Rudy Matima, sous le maillot des Scorpions de Mulhouse. 
Guillaume Roussel, sous le maillot des Gothiques.
Au-delà des arrivées, certains départs ont pu être incompris. Tel est le cas d’Antoine Gilbert. Jean-Luc Mention nous explique : « C’était une priorité pour nous de sécuriser ce poste clé. Mario a donc mis la pression sur nos gardiens et a décidé de changer ce qui lui semblait ne pas être notre point fort l’année dernière. Même si nos gardiens n’ont pas été catastrophiques, ils n’ont pas été exceptionnels non plus. C’est ce qui l’a poussé à ne pas renouveler le contrat d’Antoine Gilbert. Moi, en tant que président, je reconnais qu’Antoine est un jeune gardien talentueux que nous retrouverons peut-être. Parfois, il faut se séparer d’un joueur pour mieux le retrouver plus tard.«
Toutefois, si les joueurs ayant défendu les couleurs des Gothiques semblent attachés au club, les contraintes financières ramènent le club à la réalité. A l’image de Tommy Giroux, qui retrouve le championnat français après une saison à Aalborg au Danemark, pour poser bagage à Bordeaux. « Ce sont des joueurs qui ont grandi grâce à Amiens et qui ont connu la Ligue Magnus grâce à nous. Il serait bien revenu chez nous si nous avions pu nous aligner financièrement, mais nous restons prudents. Notre patinoire a 3000 places, ce qui nous place en milieu de tableau, un nombre respectable mais limité par rapport à des clubs comme Marseille, Bordeaux ou Grenoble, qui ont de plus grandes patinoires. Les clubs avec de grandes patinoires remplissent plus facilement et génèrent plus de recettes, ce qui crée des disparités avec les petites patinoires de 1000 à 1500 places. Pour nous, avec nos 3000 places bien remplies, nous avons un budget correct que Mario respecte. »
Sans droit télévisuel, les clubs de hockey français doivent ainsi dépendre des recettes liées à la billetterie, mais également des partenaires. Durant cette inter-saison, nous apprenions l’arrivée de McCormick dans les partenaires du club. Si le constructeur américain de matériel agricole assure la sécurité du club, il ne l’enrichit pas pour autant. L’actionnaire et chef d’entreprise souhaite s’associer à plusieurs entreprises, pour ne pas risquer de dépendre que d’une seule et grosse marque. Dans les autres clubs de Ligue Magnus, nous pouvons voir des investisseurs s’intéresser à la discipline dans l’hexagone. C’est le cas de Bordeaux avec trois investisseurs canadiens, et Nice, qui devrait se voir injecter 300 000€ de la même manière. Le club d’Amiens, quant à lui, a plus de peine à intéresser ces profils, nous concède le président. « Aujourd’hui, nous nous tournons vers des clients grands comptes et des filières industrielles et agricoles adaptées à notre territoire » évoque-t-il.
Nous avons eu l’agrément de la Fédération et de la DNCG. Notre club a été validé sans remarques au premier tour.
Jean-Luc Mention, président des Gothiques d’Amiens AHE
L’autre information de ces dernières semaines, c’est la dissolution de l’équipe réserve des Gothiques. Après un bras de fer remporté par la Fédération la saison dernière, alors que le club amiénois souhaitait cesser l’activité de la réserve, l’équipe concernée se voyait rétrograder en D3 au cours d’une saison plus que difficile. Cette saison, les deux parties se sont entendues et l’AHE n’engage pas d’équipe en D3. Au lieu de ça, une entente avec Valenciennes, pensionnaire de D1, Compiègne et Wasquehal. Désormais, les joueurs issus de la formation amiénoise auront l’occasion de jouer dans une équipe adéquate à leur niveau de jeu. Un choix d’abord voulu pour encadrer au mieux les jeunes formés au club, mais qui profite tout de même au club sur le point de vue budgétaire, « parce que la D2 coûtait cher en déplacements, et c’était toute l’équipe qui faisait les déplacements. Alors que là, on divise par trois en fonction des niveaux des jeunes. Sachant que les jeunes de Valenciennes ont un appartement à Valenciennes. »
En ce qui concerne la saison qui arrive, les matchs amicaux n’auront, pour la seconde année de suite, pas lieu à Amiens. Un manque à gagner raisonnable pour le président de l’AHE, qui voit ces voyages comme une meilleure manière de souder l’équipe. Pendant ces voyages en Allemagne et en Angleterre, la patinoire du Coliseum fera peau neuve. « L’outil était obsolète, relate le chef d’entreprise. La ville a investi 1 500 000 € cette année et un million l’année prochaine. Nous ne pouvons pas cracher sur le fait que notre outil se rénove et devienne vertueux en termes de performance énergétique. Cependant, cela perturbe nos temps de glace lorsque les championnats s’arrêtent et reprennent. Il y a toujours l’impondérable que si l’entreprise dérape au niveau des délais, cela nous impacte directement. Par exemple, si nous avons un match à domicile le 17, il faut vraiment que tout soit prêt. »
Autre changement pour cet exercice 2024/25 de la Ligue Magnus, le nouveau diffuseur qu’est Sportway, remplaçant de Fanseat. A ce propos, les présidents des clubs ont pu échanger et ces derniers semblent conquis par le dispositif. « Cela va être excellent pour la notoriété du hockey sur glace. On va bénéficier d’une technique de caméra et d’une qualité d’image complètement différente, ce qui va attirer des sponsors nationaux qui vont enrichir notre fédération. Déjà, dans les négociations du contrat, on sait que ce partenariat sera lucratif pour la fédération et les clubs. On pourrait craindre que la diffusion de matchs de qualité réduise l’affluence dans les patinoires, mais ce n’est pas forcément le cas. Souvent, les gens regardent les matchs lorsqu’on joue à l’extérieur. En plus, les revenus ne proviennent pas uniquement des abonnements pour regarder les matchs, mais surtout des paris sportifs en ligne sur le hockey sur glace. Ces paris sont très lucratifs. Les plateformes de paris doivent passer par Sportway, qui détient la diffusion. » Sur la plateforme Magnus.tv, désormais rendue publique, nous pouvons apprendre que l’abonnement pour visionner les matchs de Ligue Magnus coûte 9,99€ par mois, même chose pour celui nommé « hockeyfrance.tv »(regroupant les matchs de l’équipe de France, la D1, D2, D3, etc). Pour bénéficier des deux offre, il faudra débourser 14,99€.
Enfin, l’autre changement qui concerne l’extra-sportif la saison prochaine, est lié la buvette qui restera ouverte après les matchs. Jusqu’alors ouvertes jusqu’à la seconde pause de chaque rencontre, celles-ci pourront subvenir aux besoins des spectateurs jusqu’à une heure après la fin de la rencontre. « Avant, à la fin du match, tout le monde partait. Là, il y aura la possibilité de prendre une dernière bière, que l’on soit étudiant ou autre. Le coach et les joueurs participeront à cet après-match, tout comme cela se fait du côté des entreprises. Il y aura donc un après-match pour le public également. »
Personne ne doit venir à Amiens en se disant que c’est gagné d’avance. C’est une équipe respectée, bien gérée et proche de son public.
Optimiste quant aux résultats de la saison prochaine, Jean-Luc Mention et les autres membres de l’AHE peuvent se satisfaire d’un nouveau bus, qui remplacera un véhicule vétuste et « rouillé, qui affectait les conditions de travail des joueurs et, par conséquent, leurs performances. » En s’inspirant du parcours de Bordeaux lors des dernier play-offs, le président du club espère créer la surprise, mais évaluera, avec son équipe, les ambitions après les premiers mois de saison régulière.
Kevin Devigne
Crédit photo : Kevin Devigne et Léandre Leber – Gazettesports.fr