Coach du RCA, Mickaël Morainville revient sur la saison du club marquée par la relégation en fédérale 3, mais il se projette aussi sur les projets du RCA, notamment sur la formation amiénoise.
* L’interview a été réalisée avant l’assemblée générale extraordinaire du 6 mai
Quel bilan tirez-vous de cette saison ?
C’est un bilan mitigé. D’un côté, la saison a été difficile sportivement pour l’équipe première, mais d’un autre côté, elle a été très bonne pour nos jeunes, notamment avec l’arrivée du CEL et la détection qui arrive. Il y a aussi le titre pour nos U16 qui évolueront en championnat national la saison prochaine.
Quelles sont pour vous les raisons majeures de cette relégation ?
Je pense que les raisons majeures sont qu‘on n’a pas su gagner nos matchs importants à domicile. On n’a pas non plus été capable de prendre le moindre point à l’extérieur. Le très mauvais début de saison et les cinq défaites de suite sont pour moi les causes de cette relégation.
J’imagine que c’est un échec personnellement, car vous étiez venu avec d’autres ambitions. Comment l’avez-vous vécu ?
Forcément, il y a de la déception, car je n’étais pas venu pour vivre une saison comme celle-là. Maintenant, c’est le sport, il y a beaucoup d’aléas, d’éléments qui vont faire qu’une saison soit positive ou négative. La véritable déception est sur les matchs clés où on n’a pas été capable de répondre présent pour aller chercher le maintien.
Est-ce que vous pensez que c’est dû à un manque de qualité ou de profondeur de l’effectif ?
Il nous a manqué des joueurs à des postes importants, à l’image du poste numéro 10. On a eu le renfort de Maxence (Harry), mais il a peu joué finalement et n’est pas un ouvreur de métier. On avait des postes qui n’étaient pas assez couverts par des joueurs de niveau fédéral 2. On a aussi manqué de profondeur dans de nombreux matchs pour répondre à la débauche d’énergie que demande la fédérale 2. Mais je tiens à souligner quand même qu’il y a dans ce groupe de très bons joueurs qui ont vraiment de la qualité. On a malheureusement manqué d’un peu de volume et de qualité sur certains postes qui sont clés.
Certains joueurs ont pointé un manque d’investissement, l’avez-vous remarqué en tant qu’entraîneur ?
Sur le début de saison, non, je ne pense pas qu’il y ait eu un manque d’investissement, peut-être plus sur la fin de saison. Les joueurs ont bataillé toute la saison et elle a été très dure mentalement pour tout le monde. Quand ils étaient sur le terrain, ils ont toujours bataillé fort et ont tout donné. Mais en effet, on a parfois manqué d’engagement dans l’entraînement. C’est là qu’on doit grandir et prendre conscience que les victoires se créent la semaine lors des séances. Le week-end, on récolte ce que l’on a produit dans la semaine. Et sur ce point, on n’a parfois pas pris assez au sérieux l’entraînement.
On n’a jamais vraiment lancé notre saison
Mickaël Morainville, entraîneur du Rugby Club Amiénois
Comment avez-vous vécu les nombreux problèmes d’effectif cette saison ?
Forcément, on aurait aimé avoir à chaque fois à faire des choix, et ça n’a pas toujours été simple de faire les équipes. Pour moi, ce manque de profondeur est le fruit de notre début de saison. L’enchaînement de défaites a fait mal à certains et a démotivé de nombreux joueurs. Finalement, on n’a jamais vraiment lancé notre saison. Quand on a gagné 3 matchs de suite à la maison, on a cru que c’était bon, mais au final, on ne l’a jamais vraiment lancé. Du coup, il est compliqué de garder concernés des mecs qui ont pris chaque week-end des coups sur la tête.
Par rapport au manque de joueurs sur des postes clés et notamment celui de numéro 10. C’est une erreur que vous assumez de ne pas avoir identifié dès la préparation ?
On pensait que ça allait le faire avec les joueurs présents, mais ça n’a pas été le cas. Je tiens à remercier Robin (Pellet) qui a passé une grande partie de la saison à ce poste qui n’est pas le sien. Il a fait de très bons matchs malgré tout et c’est d’ailleurs lui qui joue sur deux de nos trois victoires. Je n’avais pas forcément une très bonne connaissance de l’effectif et je pensais vraiment que ça allait le faire. C’était compliqué d’évaluer pour moi directement le niveau de l’effectif sans le connaître parfaitement. C’est une erreur qui a été faite et il faut l’assumer.
Vous avez essayé de combler ce manque avec l’arrivée de Maxence Harry mais malheureusement ça n’a pas forcément payé ?
C’est un bon joueur avec une expérience du niveau au-dessus, même s’il reste très jeune. Il nous a apporté des choses, malheureusement, il a très peu joué à cause de blessures et il nous aurait fait du bien sur certains matchs clés. La blessure fait partie du sport et quand on fait un sport de contact, on ne peut pas les éviter. Est-ce qu’on aurait pu se maintenir s’il avait pu enchaîner les matchs ? On ne le saura jamais.
En fin de saison, vous avez fait confiance à Nolan Maze, regretterez-vous de ne pas l’avoir fait plus tôt ?
Il était pour nous logique de lui donner sa chance, car il a fait de très bons matchs en réserve. Après, effectivement, on peut avoir des regrets en se disant qu‘on aurait pu faire autrement, c’est ce qu’on appelle l’expérience. Ce sont aussi des circonstances, car un moment, on voulait le faire jouer, car on le voyait monter en puissance en réserve, puis il a eu une blessure. Certaines fois, on a dû faire des choix. Quand on voit les performances en fin de saison, peut-être qu’on aurait dû lui donner sa chance avant et que c’était la solution. Ce sont des choix, on n’a pas forcément fait tout le temps les bons, ça fait partie d’une saison.
Comment avez-vous vécu ces nombreux changements dans le staff, notamment l’éviction puis le retour de Martin Saleille ?
Ce sont des décisions qui sont prises par la direction et quand on est salarié, on doit s’adapter. Ce n’est pas nous qui décidons. On est là pour faire ce qu’on nous demande. À chaque fois, on a essayé de faire du mieux possible dans le moment où on était. S’adapter à chaque fois pour répondre du mieux possible à la mission qui était la nôtre.
Dans un sens ou dans l’autre, ça a eu un impact sur le groupe
Mickaël Morainville, entraîneur du Rugby Club Amiénois
Est-ce que vous avez senti que cela a impacté le groupe ?
Que ce soit dans un sens ou dans l’autre, forcément, ça a eu un impact sur le groupe. Martin est quelqu’un qui a eu une histoire avec le club et avec ce groupe. Beaucoup de joueurs ont vécu une joie de monter avec lui. Il y a forcément des liens particuliers, une attache humaine et donc, forcément, sa situation a touché le groupe. Après, les joueurs ont su accepter et faire en sorte qu’on puisse travailler le mieux possible.
Avez-vous pensé à partir à la suite de la relégation en Fédérale 3 ?
Dans la vie, pour moi, il y a deux façons de voir les choses quand on a un échec : soit on se cache, soit on assume. J’assume ma part de responsabilité dans cet échec. Je n’ai aucun souci avec ça. Je suis quelqu’un d’exigeant avec moi-même avant de l’être avec les joueurs. Je vais tout faire pour ne pas commettre les mêmes erreurs et apprendre de cette saison pour repartir de l’avant. L’idée est de montrer un autre visage pour les joueurs, les dirigeants, les bénévoles et toutes les personnes qui croient en ce club. C’est donc important pour moi de rester et de préparer dès maintenant la nouvelle saison en montrant un autre visage, car je n’apprécie pas trop l’échec.
Aujourd’hui, même s’ il y a encore des doutes sur la prochaine direction. J’imagine que vous avez commencé à travailler sur la saison prochaine. Est-ce que vous avez une idée des joueurs qui vont continuer ?
Oui, on travaille dessus actuellement et on va garder une grosse majorité de nos joueurs. Environ 85 à 90 % de l’effectif va continuer, ce qui est une très bonne nouvelle. On va ajouter à cela des jeunes joueurs qui vont monter. La formation se porte plutôt bien, même si les U19 n’ont pas été en phase finale. Ça ne s’est joué à pas grand-chose. Il y a une vraie volonté de rajeunir l’effectif avec leur arrivée et on travaille avec les dirigeants sur le recrutement de certains joueurs extérieurs pour combler les manques que l’on a eu cette saison.
Cela veut dire que vous avez réussi à convaincre plusieurs joueurs de poursuivre avec vous ?
Oui, forcément, on a eu des joueurs qui ont été sollicités, notamment des jeunes joueurs. On a réussi à renouveler plusieurs joueurs. Il reste encore quelques dossiers sur lesquels on travaille. L’objectif était vraiment de conserver le maximum de monde pour garder un noyau dur.
Il va y avoir le départ de vos joueurs sud-africains. Quel va être pour vous l’impact de leur départ ?
Ça fait partie de la vie d’un groupe de voir des joueurs venir et partir. Ils ont apporté quelque chose de différent sur le plan du rugby et même en dehors. Ce qui est important, malgré leur départ, c’est de conserver ce qu’ils ont apporté et de s’en servir pour avancer. Le meilleur moyen de rendre hommage à leur passage, c’est de conserver l’héritage, ce qu’ils ont amené à l’équipe.
Au-delà du renouvellement des joueurs, il va y avoir un renouvellement du staff, avec au moins deux départs. Avez-vous commencé à y réfléchir ?
Ça fait partie du recrutement global. Comme les joueurs, on va réfléchir avec les dirigeants pour renforcer le staff et remplacer les personnes qui vont partir.
Quels vont être les objectifs pour la saison prochaine ?
Personnellement, j’ai envie qu’on montre un autre visage, qu‘on remette les mains sur le guidon solidement, et qu’on enchaîne les victoires en subissant moins dans les matchs. L’objectif est assez clair. On veut remonter le plus rapidement possible en Fédérale 2.
Rien n’est encore officiel sur les futurs dirigeants. Est-ce que cela perturbe la préparation de la saison prochaine ?
Pour le moment, rien n’est officiel. Ce sera normalement officiel d’ici quelques jours. Avec l’assemblée générale, qui aura lieu le 6 mai. Pour le moment, ça n’est pas handicapant dans la préparation, puisqu’on est plus dans des phases de prise de contact et de présentation du projet au joueur ciblé et que l’on veut garder. Une fois la présidence actée, on pourra accélérer dans le recrutement pour finaliser l’effectif le plus rapidement possible.
Aurélien Finet
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports.fr