Lionel Herbet revient 100 ans en arrière, en 1924, année où les Jeux olympiques de Paris et le Tour de France jouissaient d’une féroce concurrence.
Nous sommes à moins de cent jours de l’ouverture des Jeux olympiques et, en ce qui concerne le passage de la flamme dans notre département, ce sera le 4 juillet. De nombreux sportifs et même dirigeants auront cet honneur de brandir la flamme. Mais d’ores et déjà, nous avons aussi une pensée pour ces athlètes qui auraient mérité cet honneur. Notamment des athlètes qui ont participé aux Jeux Olympiques et qu’on ignore totalement. Mais revenons cent ans en arrière et à ces Jeux de Paris qui, dans l’ensemble, ont connu un grand succès à la fois sportif et populaire.
Nous avons déjà relaté les grands moments de ces Jeux de Paris qui devaient connaitre une période « avant » pour le moins difficile. Le Baron Pierre de Coubertin est jugé à tort comme un homme ne voulant pas de femmes dans une enceinte sportive. Mais qu’on le veuille ou non, il fut le véritable rénovateur des Jeux olympiques. C’est en 1894 que la décision était prise par le Comité international olympique, à savoir réorganiser les Jeux avec les premiers à Athènes en 1896.
Paris en 1924, cela tombait trente ans après la décision du CIO. La capitale française avait laissé sa place à Anvers en 1920 et Amsterdam en 1928 et revendiquait le droit d’organiser les JO de 1924. Paris fut donc choisi, mais comme nous l’avons déjà indiqué, devaient surgir de gros problèmes financiers, chaque entité ne voulant pas prendre trop de risques financiers. Finalement, le Comité olympique français trouvait un terrain d’entente avec le stade Pershing et celui de Colombes, mais à cette époque, il y avait une sorte de guerre larvée entre d’une part l’État et d’autre part la ville de Paris.
Un siècle plus tard, on constate que les problèmes restent sensiblement les mêmes, puisqu’on le sait, entre l’État de M. Macron et la ville de Paris avec Mme Hidalgo, ce n’est pas toujours l’entente parfaite. Pourtant, le jour de l’ouverture des Jeux, le 5 juillet 1924, inaugurés par le Président de la République M. François Doumergue avec le serment du sauteur en hauteur Géo André, le défilé des 4000 athlètes représentant 29 nations s’est déroulé en pleine chaleur. Tous ces athlètes étaient stoïques sous la chaleur et ils étaient rangés dans un cortège long de deux kilomètres. Ces Jeux avaient commencé bien avant, exactement le 4 mai, et durant cette longue période, le Tour de France cycliste n’avait pas, contrairement à cette année, modifié ses dates.
En cette année 1924, le Tour de France qui comportait une arrivée à Amiens se disputait du 22 juin au 20 juillet. Étre journaliste sportif à cette époque demandait un réel don d’ubiquité et ceux qui eurent la chance de pouvoir « couvrir » ces deux évènements étaient quand même rares. Même si, en cette année 1924, il y avait à Paris la bagatelle de 31 quotidiens, mais la presse souffrait néanmoins. Dans cette famille de grands journalistes sportifs, figurait le grand reporter de cette époque Gaston Benac de France Soir. Ce dernier dressait une comparaison entre les deux grandes manifestations sportives et quand il interrogeait le grand champion finlandais Paavo Nurmi il lui avoua qu’il avait mieux aimé les Jeux que le Tour de France.
Cette remarque était logique compte tenu de la personnalité de cet immense champion qu’était Paavo Nurmi, la grande vedette de ces Jeux avec le nageur Johnny Weismuller. En 1952, Paavo Nurmi eut la chance de porter la flamme dans le stade d’Helsinki. Gaston Benac avait-il raison ? Surement pas, car en cette année 1924, pour la première fois, un Italien, Ottavio Bottechia, s’imposait après avoir porté le maillot jaune de la première à la dernière étape. Ce Tour de France avait vu la présence du plus grand journaliste de cette génération. Il s’agissait d’Albert Londres qui avait été envoyé spécialement par son journal Le Petit Parisien sur le Tour afin de faire du « sensationnel ». Il devait y parvenir, servi, il est vrai, par les déclarations ronflantes faites par les frères Pélissier qui avaient abandonné en étant en guerre contre l’organisateur. « Ce que nous faisons sur les routes, nous ne le ferions pas faire à nos mulets. Nous ne sommes pas des fainéants ». D’où cette phrase toujours présente dans le langage des coureurs : « Les forçats de la Route. »
Lionel Herbet
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr (illustration)