Ce mardi 19 mars, Business & Professional Women Amiens Picardie organisait une rencontre sur la rémunération des femmes dans le milieu du sport et professionnel. L’occasion pour l’ONG d’aborder plusieurs aspects sur ces inégalités et notamment dans le monde du sport.
Ce mardi, aux alentours de 19h, plus d’une trentaine de personnes se sont réunies au centre nautique d’Amiens à l’occasion d’un échange sur la rémunération des femmes dans le monde du sport et professionnel. BPW, organisateur de cette rencontre, a convié à plusieurs personnalités du sport amiénois pour y participer : Erika Sauzeau, Valentine Roger, Maylis Jeannest, Léandre Leber, et Jean-Claude Ester.
Durant près de deux heures, il a été question d’échanges sur plusieurs sujets, tels que, entre autres, la place des femmes dans les postes à responsabilités dans les fédérations sportives, la représentativité des femmes dans les médias ou encore les violences dans le sport. Ce qu’il en advient c’est que le constat est alarmant dans beaucoup de situations, une des raisons pour lesquelles « le combat doit se poursuivre » selon Marie Cécile Guyot, présidente du club d’Amiens de BPW, une association qui milite pour l’égalité hommes-femmes dans le monde du travail.
Plusieurs chiffres mettent en lumière les inégalités salariales entre les hommes et les femmes. En 2022, le revenu salarial moyen des femmes est environ 23,5% inférieur à celui des hommes dans le secteur privé selon l’ONG créée en 1930. Cet écart s’explique par le temps de travail réduit, ou à temps partiel des femmes, qu’il soit volontaire ou forcé. Mais lorsque l’on reporte cette inégalité sur un temps de travail identique, le salaire moyen des femmes est inférieur de 14,9%. Cet écart a baissé de dix points entre 1995 et 2022.
Un décrochage du sport à l’adolescence
Ces inégalités salariales sont très présentes, mais dans le monde du sport, il existe bien d’autres inégalités entre les genres, et ce dès le plus jeune âge comme l’a constaté Erika Sauzeau de par son expérience personnelle. Maman de jumeaux, d’un garçon et d’une fille, elle raconte avoir été directement témoin des différences dans la pratique, également liées au lieu d’habitation mais aussi à l’éducation : « Ce qui m’a choqué c’est qu’après 15 ans, les équipes mixtes n’existent plus. Les garçons peuvent continuer à faire de la compétition, les filles doivent changer de sport ou faire 35 km pour continuer à pratiquer. Il y a un frein qui est net. »
Elle ajoute aussi que dans le monde scolaire, « au quotidien on ne croit pas en elles, pour les garçons c’est beaucoup plus simple. S’ils sont bons au ballon on va les mettre au foot alors que les filles sont moins accompagnées et plus elles grandissent plus elles décrochent. » Ce décrochage s’observe dès l’adolescence et pour plusieurs raisons selon Maylis Jeannest, à commencer par « la tenue parfois imposée dans certains sports et qui ne leur conviennent pas comme en gymnastique ou en beach-volley. Ces jeunes filles, on le les récupèrent pas, elles ne reprennent pas le sport à l’âge adulte. »
Peu de postes à responsabilités confiés aux femmes
Un des points noirs et notables des inégalités hommes femmes dans le milieu du sport se répercute sur les postes à responsabilités confiés aux femmes dans les fédérations et clubs sportifs. Certains chiffres démontrent ces différences : « En 2019, dans les fédérations sportives, la part des femmes entraîneurs au niveau national n’est que de 10% » explique Nathalie Peslerbe, « soit 32 femmes sur 316 entraîneurs« complète Marie Cécile. Sur 108 fédérations consultées, l’Association Française du Corps Arbitral Multisports (AFCAM), a dénombré 240 000 arbitres en mars 2021, 30% d’entre eux étaient des femmes.
Les choses évoluent dans certains aspects et davantage de postes à responsabilités sont confiées aux femmes dans le monde du sport. Maylis Jeannest rapporte que sur la période 2001-2004, il n’y avait que 5% de femmes présidentes d’une fédération, tandis que sur la période 2021-2024, on monte à 17%. Selon l’étude sur le mouvement sportif, sur les 119 fédérations, seules 18 sont présidées par des femmes, dont 4 sur des fédérations olympiques et paralympiques. La responsable de la DRAJES ajoute qu’il y a un rapport de causalité entre le niveau de la fédération et le nombre de femmes en poste au sein de celle-ci, « plus le niveau de la fédération est élevé, plus le nombre de femmes dans la représentation diminue. » Aujourd’hui, au sein des fédérations, elles occupent principalement les postes de secrétaire ou de trésorière.
Une représentativité dans les médias encore limitée
Lors de cette rencontre d’information, il a aussi été question de la représentativité des femmes dans les médias. Un autre chiffre a été cité, celui avancé par l’ARCOM qui indique qu’en 2021, le temps de parole entre les hommes et les femmes, ces dernières n’avaient droit qu’à 12% de ce total et seulement 20% de femmes apparaissent à l’écran dans les programmes relevant du sport. La visibilité des compétitions féminines est encore limitée à la télévision comme le rapporte Marie Cécile Guyot, « sur l’ensemble des retransmissions du sport en France, en 2012 7% sont des événements sportifs féminins, en 2017, entre 14 et 18%. »
Léandre Leber, cofondateur et rédacteur en chef de Gazette Sports, qui a fêté ses 10 ans, a fait part de l’évolution du traitement de l’information du sport féminin au sein de la rédaction. Il explique que sur la décennie, l’information sur le sport féminin n’a plus rien à voir. « Chez Gazette Sports, on est au-dessus de la moyenne nationale de la représentativité des femmes dans nos pages. La problématique c’est qu’il n’y a que 30% de sportives pour 70% de sportifs, ce qui veut dire qu’il y a moins d’événements, moins de haut niveau donc moins de représentation. » Pour Erika Sauzeau, cette sous-représentativité des femmes dans les médias s’explique par le physique, elle en revient aux tenues vestimentaires proposées ou parfois imposées par certains partenaires. La médaillée de bronze aux Jeux paralympiques de Tokyo en 2021, prend l’exemple de la nageuse amiénoise Mélanie Henique qui s’est vue lâchée par son sponsor en raison d’un nombre de followers trop faible sur Instagram. L’athlète pointe aussi la différence olympique et paralympique, « lorsque vous êtes une femme et en situation de handicap, vous cumulez« ironise-t-elle.
« Aucune discipline n’est épargnée » par les violences
Même si la rencontre était sur le thème de la rémunération des femmes, il était impossible de survoler ou d’oublier de traiter les violences dans le sport. L’occasion pour Maylis Jeannest de mettre en avant la cellule gouvernementale Signal-Sports, créée en 2020. « Depuis le lancement de la cellule Signal-Sports 2020, 1284 personnes ont été mises en cause, donnant lieu à 624 mesures administratives, pour 1800 signalements reçus. Au total, 186 ont fait l’objet d’un signalement aux procureurs de la République au titre de l’article 40 du code de procédure pénale, et 303 de mesures disciplinaires transmises au ministère par les fédérations. Dans le cadre de ces mises en cause, 90% des faits dénoncés concernent des violences sexuelles, 81% des victimes sont de sexe féminin, 77% des victimes étaient mineures au moment des faits et 37% des faits dénoncés concernent des victimes âgées de moins de 15 ans au moment des faits » indique la plateforme. Sur les signalements, « aucune discipline n’est épargnée. Il faut arrêter de dire que dans tel sport « il n’y a pas ça chez nous ou dans notre club. Non ça n’existe pas. » Les statistiques le montrent, tous les sports sont concernés, et pas que le judo, l’athlétisme » clame Maylis Jeannest.
Valentine Roger, championne du monde de muay-thaï et militante féministe a également pris part à ce débat sur les violences dans le sport. L’Amiénoise a créé, avec une amie judokate, une association « à poings fermés« . L’objectif de celle-ci est de sensibiliser à toutes les discriminations liées au genre. Elle propose des espaces d’échange et des ateliers d’auto défense féministe.
Au terme de ces deux heures d’échanges, les parties sont unanimes, les choses sont en train de changer. La tendance est à l’amélioration dans certains domaines et sur certains aspects, mais certains chiffres prouvent qu’on est encore loin du compte et que les efforts en ce sens doivent se poursuivre. Un message d’espoir porté par BPW.
César Willot
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr