Parmi les invités lors du 40e anniversaire du CDOS, célébré dans la Maison des Sports à Amiens, sous la présidence de Marcel Glavieux, Philippe Ermenault était le seul champion présent.
Philippe Ermenault est sûrement, avec le rameur Jean Christophe Bette, le sportif picard dont le palmarès est le plus étoffé. Outre la douzaine de titres de champion de France de poursuite, il a été à deux reprises champion du monde et en 1996 aux Jeux Olympiques d’Atlanta, il a d’abord obtenu la médaille d’argent dans la poursuite individuelle et peu après, il est devenu champion olympique de poursuite par équipes avec deux équipiers picards Francis Moreau et Christophe Capelle ainsi que Jean Michel Monni issu de la région parisienne.
Philippe Ermenault est un pur Picard car il a vraiment débuté sa carrière à l’ UCVB puis au club de Picquigny, avant d’aller dans l’Oise, d’abord à l’UC Liancourt puis au CC Nogent. Il n’était donc pas licencié dans un club samarien mais il n’était pas question d’ignorer ce champion qui est resté d’une grande simplicité et qui honore à chaque fois les invitations dont il est l’objet. Il ressemble beaucoup à Jérémy Stravius lui aussi champion olympique mais en natation.
Evidemment et avant d’entamer notre entretien, nous avons rappelé qu’aujourd’hui, en France, la famille Ermenault était considérée comme une exception. En effet, le père Philippe a été champion olympique et le fils Corentin le fut aussi en 2021 aux Jeux de Tokyo en cyclisme paralympique. Beaucoup de choses ont changé depuis l’époque dans laquelle la Picardie brillait de mille feux au point qu’en 1996, après Atlanta, le président du Comité International Olympique M. Samaranch avait affirmé « que la Picardie était la première région sportive au monde ».
Le judo avant le cyclisme
A cette époque, l’aide de la Région de Picardie aux athlètes sélectionnés aux Jeux est encore timide et quasiment inexistante sur le plan financier du moins pour ce qui concerne la préparation. C’est vraiment en 1992 que le Président de l’époque Charles Baur reçoit à Amiens tous les athlètes mais il n’est pas encore question d’aide financière comme le fait aujourd’hui le Département dirigé par Stéphane Haussoulier.
Que ce soit en 1992 ou 1996, le cyclisme picard est au zénith mais il est vrai qu’il a sa tête un technicien hors pair : Francis Van Londerseele. C’est du reste ce dernier qui incitera Philippe Ermenault a bifurquer vers la piste lui qui jusqu’alors se destinait à la route. Au fait comment Philippe Ermenault est-il venu au cyclisme lui qui appartenait à une famille dans laquelle ll sport n’avait jamais été une priorité ? Le hasard fait parfois bien les choses et en ce qui concerne l’enfant de Picquigny (dans ce village une rue porte son nom, ndlr), au départ il pratiquait le … judo qui venait de voir la création d’un club et obtenait un réel succès de participation de jeunes du village.
« J’ai commencé à faire du judo mais je n’avais pas en moi cette volonté de pratiquer un sport de combat, se souvient Philippe Ermenault. Je suis venu au vélo tout à fait par hasard par l’intermédiaire d’un copain du village. Bien sûr que je ne regrette pas ce choix. Les gens ont aussi apprécié le fait que je ne venais pas d’une famille de sportifs. Ils ont pu se rendre compte qu’avec de la ténacité, l’envie et l’entrainement, on pouvait réussir ! Quant au fait de pouvoir préparer au mieux les Jeux, c’était simple dans la mesure où j’avais un emploi et un contrat avec l’EGF, ce fut pour moi un grand soulagement quand j’ai été embauché. Et du coup, j’ai pu préparer les Jeux à l’aise et je vous assure que ce fut un poids phénoménal qui a été enlevé de mes soucis. »
Deux générations, aux moyens bien différents
Le Samariens a pu constater que situation a bien changé pour les athlètes, avec des conditions qui se sont améliorées en termes de soutien : « C’est vrai qu’en l’espace de 40 ans, le sport a évolué. Aujourd’hui je trouve que c’est une très bonne chose que de mettre les athlètes dans les meilleures conditions. C’est bien de les aider financièrement même si ce ne sont pas de grosses sommes. » Un accompagnement indéniable et indispensable, qui a permis à l’athlète samarien de vivre des moments inoubliables : « Ce qu’il me reste aujourd’hui de cette période olympique ? D’abord de belles images et je vois que des gens ont toujours cette petite étincelle dans les yeux lorsque je leur parle d’Atlanta. Vous me dites que la Somme n’a jamais eu la chance d’avoir un champion olympique individuel. Cela démontre toute la difficulté. »
Enfin, comment parler de M. Ermenault sans évoquer son fils qui baigne lui aussi dans le cyclisme : « Quant à Corentin, lui aussi est venu au cyclisme après avoir pratiqué un autre sport. Il jouait en effet au football dans le club de Salouël. Je lui avais donné un avis défavorable car je souhaitais qu’il ne commence vraiment à faire du vélo qu’à l’âge de 14 ans. C’est vrai qu’il était bon dans le football mais le jour de ses 14 ans, il est venu me voir et m’a dit qu’il allait faire du vélo. Il était têtu comme le papa. »
A noter qu’un livre a été écrit sur Philippe Ermenault avec ce titre : De Picquigny à Atlanta.
Lionel Herbet
Crédit photo : Louis Auvin – Gazette Sports