LES GOTHIQUES : Jean-Luc Mention – « Même avec l’argent, on n’est pas sûr de gagner mais quand on n’a pas d’argent, on est sûr de perdre » 1/2

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Président des Gothiques d’Amiens pour la première fois cette saison, Jean-Luc Mention a passé en revue la saison passée avec beaucoup de recul et témoigne également des problématiques du hockey en France.

Vous avez beaucoup de recul par rapport à la saison qui s’est passée. Quelles sont les bilans que vous en faites ?

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On l’a sauvé cette saison, je dirais. C’est vrai que le début de saison dernière était à oublié. On n’avait pas l’équipe avec l’ADN d’Amiens, déjà qu’on n’a pas les budgets des autres grandes équipes, on ne pouvait pas performer avec ce genre d’attitude. J’ai dû prendre la décision de faire revenir Mario, qui là, va pouvoir commencer une saison complète en tant que coach/sélectionneur. Quand il est arrivé en tout début d’année, il a fait avec l’équipe déjà constituée, mais il nous a permis quand même de finir septième et puis de taper Rouen en play-off, sachant qu’à un moment donné on parlait de play-down. Donc on a finalement, d’un point de vue spectacle et du jeu, bien fini. Tout club peut avoir des difficultés, le tout est de voir comment on prend les décisions et comment on réagit face à ces difficultés. Je pense que le club des Gothiques a réagi dignement et c’est ce qui fait que, comme je l’ai dit, on sauve la saison.

Justement, pour une première année en tant que président, quelle est la leçon que vous avez tiré de cette première saison ?

Pour une première année de présidence, moi j’ai été plus sur le côté remplissage du Coliseum et événementiel, pour pas m’immiscer dans une équipe déjà constituée d’un point de vue sportif. On a bien rempli le Coliseum, ça c’est mission accomplie. D’un point de vue business également, on a fait +10 %. Donc de ce côté là, c’était bon. Mais quand j’ai vu ce que ça donnait sur la glace, j’ai dit : on peut faire ce qu’on veut pour remplir le Coliseum, si ça patine pas comme il le faut... Il a fallu que je descende dans l’arène, et effectivement, prendre ses décisions sur le sportif.

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Cette année, 60 234 places ont été prises lors de la phase de la saison régulière.

Vous êtes président d’un club de hockey sur glace en France. Un sport qui a ses difficultés. On voit des clubs qui ont du mal à tenir, alors comment on le vit en tant que président ?

Si je me suis retrouvé président d’un club de hockey, ce n’est pas parce que j’ai moi même patiné ou été joueur. C’est tout simplement comme les autres actionnaires du club, comme Paul Lhotellier, une façon de rendre au territoire ce qu’il nous a donné et de continuer à le rendre attractif. Notre problème, effectivement, et bien au delà du hockey, c’est qu’on est une ville de taille intermédiaire, on va dire grosso modo 150 000 habitants avec la périphérie, alors que les grosses équipes concurrentes sont plutôt sur des agglomérations entre 400/600 000 habitants, ce qui n’amène pas le même potentiel en termes de public et d’entreprises. On est pas lâché par les collectivités et on a le conseil départemental qui est revenu. C’est bien, mais on a un très faible pourcentage dans notre budget des collectivités toutes confondues, puisqu’on est à moins de 10 %. Quand certains clubs sont aidés à hauteur de 30 %, ce qui fait que, si on avait autant, ça changerait tout notamment sur la constitution d’équipes et ce qu’on pourrait en faire.

Il y a des travaux au sein de cette patinoire l’année prochaine et l’année encore après, pour refaire la dalle. C’est déjà des investissements énormes pour nous donner un outil adapté, même si, comme tous les équipements de la ville ont plus de 20 ans et qui commencent tous à avoir des problèmes de maintenance ou de rénovation. Si la ville nous accompagne et ne lâche pas le hockey sur glace, c’est déjà quelque chose d’intéressant. Moi, en tant que président et donc responsable du business model, ma mission c’est d’aller chercher des grandes entreprises.

Notre club, je l’ai connu au tout début, lorsqu’on est arrivé, il était à peine à 2 millions. Aujourd’hui, on est à 3 millions avec le centre de formation et il nous faudra dans les cinq années prochaines 1 million de plus si on veut tenir notre place au niveau national, dans le top 6. Même avec l’argent, on n’est pas sûr de gagner mais quand on n’a pas d’argent, on est sûr de perdre. Il faut qu’on tienne notre rang même si ce n’est pas évident dans une ville de taille intermédiaire, mais on va s’y atteler pour toucher des grandes entreprises.

En plus, il y a un problème de médiatisation, surtout avec Fanseat. Quel est votre regard sur ça?

On en discute beaucoup avec la fédération parce que c’est un problème national, pour tous les clubs, afin que justement on puisse avoir une meilleure visibilité. Fanseat, à priori, va réagir un petit peu. Sinon ce sera un autre diffuseur. Le hockey à la télé, ça n’a strictement rien à voir avec le hockey dans une patinoire. C’est à dire que si on regarde notre billetterie, et bien il n’y a pas photo, il n’y a pas de concurrence entre aller voir le match à la télé ou venir au Coliseum. Donc on va considérer que ça, c’est le côté positif par rapport à d’autres sports.

Par contre, d’un point de vue national, ça c’est un souci. Et quand j’ai dit que notre objectif était de toucher des grandes entreprises nationales, eux, ils vont pas regarder 3000 places, ils vont regarder le nombre de « likes » sur les réseaux sociaux, etc. Il ne faut pas aller se mesurer à du foot, ce n’est pas comparable ou à d’autres sports très médiatiques et très argentés. Il faut rester à sa place.

Avant d’en venir à la prochaine saison. On vous connaît en tant que chef d’entreprise et président, mais quel est votre rapport au sport ? Est ce que vous avez pratiqué ? Vous êtes passionné de certains sports ?

Dans la construction, ce qui est important c’est le travail d’équipe. C’est un leitmotiv essentiel qui a guidé mon amour pour le hockey sur glace. Nous avons aussi les valeurs de courage et de virilité qu’on retrouve dans le BTP et d’autres sports. Sinon, moi même, je ne suis pas un sportif de haut niveau, je suis plutôt un aventurier en tant que tel, avec plutôt la notion de rallye raid. Mais j’ai toujours pratiqué du sport, je suis un touche à tout. A une époque, c’était la mode de faire du squash. J’ai fait du tennis, je courais trois fois par semaine. Aujourd’hui, c’est plutôt les sports mécaniques comme la moto. Mais sinon rien ne me prédestinait à être un passionné, qui du coup, met toutes ses économies dans le sport. Je suis avant tout un gestionnaire, un président.

La suite de cet entretien dans un prochain article, qui sera publié dans les jours à venir.

Propos recueillis par Kevin Devigne
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazettesports.fr