Tous ceux qui en France s’intéressent à la boxe, ont appris avec beaucoup de tristesse la mort de Jean Molina. Celui qui nous avait accordé une interview à Amiens avait 90 ans.
Jean Molina laisse l’image d’un éducateur hors pair. Il était venu à Amiens lors d’un gala organisé par le club de Jérôme Fouache. Cela remonte à une petite dizaine d’années et Jean Molina avait accepté de nous répondre. À chaque question, il n’y avait pas de faux fuyant.
L’homme était un grand entraîneur, respecté et ce soir-là, le speaker du Coliseum Bernard Bittel présenta Jean Molina avec ce détail extrêmement important : il avait connu le grand, l’immense champion Marcel Cerdan qui demeure plus que jamais comme la référence en France, le champion du siècle dernier. Marcel Cerdan, décédé tragiquement en 1949 dans un accident d’avion alors qu’il s’apprêtait à combattre contre Jake La Motta pour tenter de reconquérir son titre de champion du monde. Il faut bien se mettre dans la tête qu’à l’époque, il n’y avait qu’un champion du monde par catégorie de poids, un seul champion d’Europe, un seul champion de France.
Marcel Cerdan n’aimait pas la boxe, il préférait le football.
Jean Molina
Aujourd’hui si la boxe est malade et se meurt même, la raison est simple : la floraison de titres de toutes sortes n’a pas été une bonne chose. Aujourd’hui, on est champion de son quartier et regardé comme s’il s’agissait d’un titre mondial. Et les télévisions se sont peu à peu désintéressées de ce sport qui est pourtant remarquable. Ce n’est pas l’entraîneur de l’Amiens SC Philippe Hinschberger qui est allé mettre les gants dans la salle de Jérôme Fouache qui nous démentira.
Ce soir-là, Jean Molina drivait un jeune boxeur, Mehdi Ameur, qui rencontrait un jeune Amiénois, Thomas Hamidi. Il avait alors 80 ans et sa mémoire était intacte. « J’ai connu Marcel Cerdan alors que j’étais adolescent. Je suis né en effet comme lui en Algérie (alors colonie française, ndlr), à Sidi Bel Abbes. Et pourtant, on affublait souvent Marcel Cerdan du surnom de Bombardier marocain. Quand il est mort, j’avais 17 ans. En Algérie, sa mort avait été ressentie comme une vraie catastrophe. Marcel Cerdan jouait aussi au football à Sidi Bel Abbes. C’était un type comme on n’en voit plus car il était simple. Quand il est mort, j’ai quitté Sidi Bel Abbes pour aller en France, à Marseille car j’ai toujours pensé que sa mort avait été provoquée par les Américains. Toute la vie s’est alors arrêtée. Marcel Cerdan n’aimait pas la boxe, il préférait le football. Mais son père l’a contraint à pratiquer la boxe. Quand il est devenu champion du monde, il est venu en Algérie et tous les gens étaient dans la rue comme aux Champs-Élysées. »
À 21 ans, après une carrière honnête chez les amateurs, Jean Molina voulait devenir professionnel mais un décollement de la rétine l’en avait empêché. La Fédération française de boxe lui avait retiré sa licence, pendant la guerre d’Algérie. En 1960, Jean Molina créa sa salle de boxe à Marseille où il débuta sa carrière d’entraîneur. Avec son décès, c’est à coup sûr une part de la boxe française qui s’en est allée.
Lionel Herbet
Crédit photo – DR