FOOTBALL – Pierre Bouby : « J’aime bien ce qui est mis en place à Amiens »

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Ⓒ bouby (pierre) savidan (steve)
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Ancien joueur, notamment de l’Amiens SC, consultant sur La chaîne L’Équipe, sociétaire des Grosses Têtes, Pierre Bouby, 38 ans, a plusieurs casquettes. C’est fort de toute cette polyvalence et dans le contexte de la reprise de la Ligue 2 dont il va commenter le match du samedi soir 19h chaque semaine, qu’il nous a accordé un long entretien.

Comment a débuté votre parcours à la télé ?

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J’ai commencé sur L’Équipe, pour l’Euro 2016, l’après-midi, dans l’émission de Jean-Christophe Drouet, parti ensuite à RMC. Les Grosses Têtes (sur RTL), j’en fais toujours partie même si je n’y ai pas participé depuis un petit moment. J’ai été pas mal pris dans ma vie professionnelle et personnelle aussi. Mais je suis toujours en relation avec Laurent (Ruquier). L’année prochaine, je vais peut-être y retourner, si tout se goupille bien…

Il m’avait repéré sur Twitter, un 31 décembre (2015 et Pierre Bouby jouait alors à l’AJ Auxerre, ndlr). J’avais eu un peu de répartie dans un échange de messages. Il faut dire qu’il était 23h30 et que j’avais un coup dans le nez ! 

Mais ça avait en fait commencé pour moi en étant l’Invité Mystère (des Grosses Têtes) la semaine avant la finale de la Coupe de France Auxerre – PSG (en 2015 gagnée 1-0 par les Parisiens, ndlr). Car Adidas, qui était mon sponsor, m’avait fait des chaussures spéciales pour la finale et ça l’avait amusé !

Vous avez joué à Amiens, qu’en retenez-vous ?

J’ai passé deux ans à Amiens (de 2002 à 2004, ndlr), à l’ASC avec Ludovic Batelli, entraîneur de l’équipe B. Une année en stagiaire pro et l’autre en amateur. Je sortais du centre de formation de l’OL.

J’en garde un souvenir assez mitigé, je n’ai pas eu ma chance pour jouer avec les pros. Mais c’était aussi de ma faute car je n’étais pas irréprochable au niveau de l’alimentation et des sorties nocturnes… J’avais fait un bon début de saison avec la réserve, je devais intégrer le groupe pro mais le jour où Denis Troch (coach de l’équipe première en L2, ndlr) vient me voir jouer, c’était en octobre ou novembre, contre Évreux je crois, le temps était pourri et j’étais à la rue complet (sic).

Je n’ai pas eu ma chance pour jouer avec les pros. Mais c’était aussi de ma faute car je n’étais pas irréprochable au niveau de l’alimentation et des sorties nocturnes…

Il n’a pas insisté, alors que dans certaines oppositions, je me mettais plutôt en valeur, mais bon… quelque chose s’était cassé et je fumais déjà à cette époque-là, j’allais au restaurant, je vivais quoi ! Et comme Amiens est tout petit, ça s’est su un peu. Je ne me suis pas filé de coup de main. Ça m’a mis un coup au moral de ne pas signer pro mais ça m’a servi ensuite dans ma carrière, parce que j’étais parti de chez moi à 13 ans pour aller à Lyon, j’avais sacrifié beaucoup de choses.

Après Amiens, j’avais fait une croix sur le monde professionnel. Je suis parti à Moulins, en CFA, je ne voulais plus forcément en faire mon métier. Je travaillais à la piscine, pour la communauté d’agglomération. 

Le fait que le chemin ait été tortueux a rendu la réussite plus agréable encore ?

Pas forcément, mais j’ai eu ensuite beaucoup plus de recul. J’ai signé pro très tard, donc j’ai vite compris qu’il fallait que je profite parce que ça n’allait peut-être pas durer longtemps.

Certains me disent, « si tu avais changé d’hygiène de vie, si tu avais été plus professionnel… », mais j’ai été professionnel toute ma carrière. Dans un groupe, j’ai toujours été un cadre un peu important, je sais manager les hommes, créer l’osmose. Dans chaque nouveau club, j’arrivais, j’organisais un barbecue chez moi, pour l’ambiance ! C’est là aussi que les personnalités se révèlent. Mais je n’aurais pas pu avoir l’hygiène de vie de Ronaldo ou de Benzema, ce n’est juste pas possible !

Mais Amiens, c’est bizarre, paradoxal, parce que j’ai encore des amis avec qui je suis en contact, ce qui n’a pas forcément été le cas dans mes autres clubs ensuite, autant de fraternité qu’à Amiens. J’en garde un bon souvenir, pas forcément sur le plan sportif, mais au niveau de la ville, des gens, il fait bon vivre !

Quels lieux aimiez-vous bien à Amiens ?

Le Millenium, la boîte de nuit, le Texas… J’allais souvent à Amiens Nord, c’est là que j’ai rencontré la mère de mes enfants. Puis on s’est séparés, alors j’y retournais le week-end pour voir mes enfants.

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Pour revenir à 2022 et à la Ligue 2 sur La chaîne L’Équipe, qu’est-ce que le fait de diffuser une affiche va changer par rapport à la saison dernière ?

La direction a une réunion cette semaine. Il y aura sûrement un petit avant-match, puis le match en commentaires – je serai normalement avec Yoann Riou et ensuite un petit débrief.

C’est complètement différent du multiplex, qui est très rythmé, ludique, instinctif, il faut avoir les yeux un peu partout, dans l’humeur aussi. J’ai pris beaucoup de plaisir à le faire la saison dernière, que ce soit avec Messaoud (Benterki), Carine (Galli) ou Bertrand Latour

Là, il y a un binôme à créer, il faut laisser le journaliste faire de la description. Je ne l’ai jamais fait, mais je m’intéresse vraiment à ce rôle, j’ai une carte à jouer, j’aime ce côté analyse ponctuelle. Et avec (Yoann) Riou, je vais me faire ma place, ça se passe très bien, on va passer un moment sympa. Même s’il y a le match, que c’est sérieux, qu’on peut faire des analyses pointues, on peut aussi balancer deux-trois saucisses pour rigoler et que le téléspectateur se marre un petit peu, c’est le but !

Qu’est-ce que ça va apporter à L’Équipe de proposer ce format ?

Je pense que ça ne va pas apporter qu’à L’Équipe. Ce match, l’affiche, ça va apporter aussi au téléspectateur. L’Équipe, avec Amazon, a remis la Ligue 2 en lumière la saison dernière, avec en plus les play-off, c’était complètement excitant ! Ça a ramené les gens vers la L2. 

Un match en clair gratuitement, le seul d’un championnat professionnel français, c’est L’Équipe qui l’a ! Je pense qu’il y aura un public.

On est dépendant des choix de BeIn Sports mais il y aura pas mal d’affiches : il y a 7, 8 ou 9 équipes qui ont comme ambition de monter en Ligue 1. Je suis hyper excité, j’ai hâte que ça démarre ! Le foot français franchit des paliers depuis un an et demi, il est en pleine évolution, au niveau de la visibilité et même au niveau du jeu. On voit plus de spectacle. Des coachs sont arrivés comme Gastien, Battles, qui ont des idées, qui prônent le jeu.

Metz – Amiens, la première affiche de la saison sur L’Équipe (la chaîne a ensuite changé son fusil d’épaule après cette interview pour programmer Bordeaux-Valenciennes, ndlr), c’est un bon moyen de mettre en avant la L2 ?

Je pense que ça va être ludique, en termes de jeu et de spectacle. Metz a fait plutôt une bonne préparation, avec pratiquement pas de blessés, un nouveau coach (le Roumain László Bölöni, 69 ans, ndlr) qui a plutôt évolué dans son management, un nouveau directeur sportif, (Pierre) Dréossi.

Et à Amiens, il y a eu un recrutement très tôt, cohérent. Philippe Hinschberger a pu travailler avec un groupe quasi-complet. Contrairement à la saison dernière, Amiens s’est servi de ce qui a péché au niveau de l’attitude, du fait que ce n’était pas une transition mais un club pour faire grandir. On sent que les joueurs sont là parce qu’ils ont envie, pas juste de passage, parce qu’il y a un vrai projet, c’est intéressant. J’ai vu quelques bouts de match : il y a de la qualité, de l’envie de jouer des deux côtés.

Philippe Hinschberger se remet en question. […] S’il est encore là, c’est qu’il évolue.

Vous avez évoqué l’apport de nouvelles idées par de nouveaux coachs. Philippe Hinschberger, lui, est pourtant tout sauf un nouveau venu ?

Oui, mais il se remet en question, il évolue. Passer dans un système en 3-5-2, qui est la mouvance actuelle (sic), c’est se poser des questions. Il met Leautey sur le côté, ce qui n’est pas forcément son poste et il s’éclate. C’est comme László Bölöni, à Metz, un entraîneur âgé, mais pas en “mode dictateur”. S’il est encore là, c’est qu’il évolue.

Qu’avez-vous pensé des dernières années de l’ASC ?

Le club était en fin de cycle, lors de la descente (de L1 en L2 en 2020, ndlr)

Le président a voulu remettre quelque chose en place et un projet, ça ne se fait pas en six mois. Chaque année, ça a évolué. La saison dernière, le mauvais début a foutu Amiens dedans pour toute la saison mais il y a eu ensuite un super passage, avec même presque l’ambition de faire les play-off. Ça c’était ensuite essoufflé, mais je pense que c’est sur la bonne voie.

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L’arrivée de Jérémy Gélin symbolise le recrutement intelligent que souligne Pierre Bouby.

Cette saison, l’objectif du coach de finir dans la première partie de tableau est légitime. Il y a eu un bon recrutement, comme attirer Gélin qui est un joueur sacrément expérimenté. J’aime bien ce qui est mis en place.

Il fallait solder l’héritage Ligue 1 ? 

Exactement ! Tu as des mecs sous contrat, des bons joueurs, donc tu veux les garder, mais ils ont la tête ailleurs, ne sont pas forcément concentrés sur la saison. Donc c’est un cycle à évaporer (sic). Je trouve que ce qui est mis en place évolue plutôt dans le bon sens.

Qu’avez-vous pensé de ce passage en L1 ?

Voir Amiens en Ligue 1 m’a fait plaisir parce que c’est un club qui a été à un moment visionnaire avec le stade (la Licorne qui avait remplacé Moulonguet en 1999, peu avant l’arrivée à Amiens de Pierre Bouby, ndlr). Après, il n’y a pas eu forcément d’évolution dans la structure…

Mais trois saisons en Ligue 1, t’es du même niveau que Brest ou Lorient aujourd’hui. C’était une belle période. Clermont est dans cette situation aujourd’hui, ça a marché avec l’euphorie de la montée… Il y a encore des choses à expérimenter. Je ne vois pas forcément une descente comme un échec, ça fait partie de la vie d’un club.

C’est comme prendre un coach… Parfois, c’est le coach qu’il faut sur ce moment-là. Il ne va pas forcément durer cinq ans, dix ans… Des Stéphane Moulin (dans le staff d’Angers SCO à partir de 2005 puis entraîneur en chef de 2011 à 2021, ndlr), il n’y en a plus ! Et à Amiens, je trouve que la période actuelle, avec une bonne entente apparemment entre la partie administrative et le sportif, c’est aussi ça la clef. On voit que ça travaille correctement.

Chacun sa propre personnalité, mais créer une ambiance collective, […] ça crée un échange. On se rend compte de la personnalité de chacun et après on peut parler à chacun d’une manière différente parce qu’on a cerné sa personnalité.

Vous évoquiez l’importance de la cohésion de groupe : la saison dernière, Philippe Hinschberger pointait souvent un vestiaire qui avait du mal à se parler, de joueurs qui étaient juste les uns à côté des autres. C’est la clef de cette saison ?

Mais c’est la clef de toutes les saisons ! La clef ultime. Sur des matchs, tu peux t’en sortir avec des talents, des exploits ponctuels. Quand j’étais à Évian (de 2007 à 2011, ndlr), avec des montées quasiment quatre ans d’affilée, on était tout le temps ensemble, à faire des soirées, du ski, des choses qui n’étaient pas forcément conseillées ! Le championnat que remporte Montpellier (en 2012, ndlr), c’est exactement la même chose ! T’as rien sans rien ! Si tu gères pas les egos… Les maladresses du coach aussi, faut savoir manager un coach… Quand tu as un coach qui dit à un gamin : prépare-toi pour samedi et qu’il ne le fait pas jouer… Le joueur, il faut que tu le ramasses (sic), lui parler, lui dire : lâche pas…

Il y a des joueurs qui ont besoin d’être dans un environnement plutôt rassurant, d’autres qui ont besoin d’être “piqués”. Chacun sa propre personnalité, mais créer une ambiance collective, avec des barbecues, du paintball, du karting ou même boire un coup, ça crée un échange. On se rend compte de la personnalité de chacun et après on peut parler à chacun d’une manière différente parce qu’on a cerné sa personnalité.

Un pronostic enfin pour le match de ce samedi, comme vous êtes passé par Amiens et aussi par Metz (2011/12), vous allez être parfaitement neutre (sourire) ?

J’ai été interviewé par le magazine du FC Metz, j’ai dit 2-1 pour Metz. Alors à vous, je vais dire 2-1 pour Amiens (rires) !

Morgan Chaumier et Léandre Leber, avec Vincent Delorme
Crédit : L’Équipe / Kevin Devigne – Gazette Sports