NATATION – Stève Stievenart : « Le corps a une faculté d’adaptation incroyable »

Steve Stievenart
Ⓒ Gazette Sports
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Cet été, le nageur en eau libre, Stève Stievenart, originaire d’Abbeville, a enchaîné les défis extrêmes aux quatre coins de la planète. Des eaux glaciales de la Sibérie, en passant par Manhattan et le mythique lac du Loch Ness, il revient pour nous sur ses exploits estivaux.

Pendant que certains juilletistes profitaient de leurs vacances pour barbotter, entre deux averses, sur les plages de la côte d’Azur, d’autres préféraient prendre un vol direction la Russie pour aller nager dans une eau à 4°. Stève Stievenart est de cela. Le premier français à avoir traversé la Manche aller-retour à la nage, en moins de 35 heures, s’est joint à sept autres nageurs de l’extrême pour prendre part à une course en relais sur le lac Baïkal les 12 et 13 juillet dernier. Celui qu’on surnomme le phoque, parce qu’il a calqué son alimentation sur celle de ces mammifères marins pour survivre dans les eaux glaciales de la Sibérie a participé à l’effort collectif de 55 kilomètres pour rallier la ville de Vydrino à Shaman Stone. Dans des eaux dépassant rarement les 5 degrés, alors qu’elles sont censées avoisiner les 12 degrés à cette période de l’année, les nageurs frigorifiés, ont dû renoncer à aller au bout des 120 kilomètres prévus.

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Je ne suis pas un nageur très rapide

Pourtant, le Wimeureusien a l’habitude des températures extrêmes, jusqu’à  » 5,4 degrés » là où il s’entraîne dans les eaux de la Manche, mais jamais il n’avait connu pareilles conditions. Cet ancien marathonien, qui petit rêvait de traverser la Manche, a dû faire plus que les autres pour arriver à réaliser ses ambitions. S’il s’entraîne de manière intensive depuis quatre ans sur la Côte d’Opale, il a appris à nager sur le tard. Passé par l’Angleterre pour se perfectionner à la nage en eau libre, il ne se considère pas comme « un nageur très rapide » et admet aujourd’hui encore « avoir des lacunes techniques », qu’il compense par une « acclimatation à l’élément, à la résistance au froid ».

Le feu et la glace

Si résistant au froid, il l’est assurément, Stève l’est également à la chaleur. Après son périple en terres russes, il a pris la direction du continent américain pour s’attaquer à une course mythique. Afin de rejoindre le pays de l’Oncle Sam, Stève Stievenart a effectué deux semaines de quarantaine au Mexique, l’occasion de s’acclimater à la chaleur ambiante et au décalage horaire, avant de s’attaquer au « 40 bridges » (ndlr : 40 ponts) le 14 août. Deux boucles autour de Manhattan, soit près de 100km, que Stève a nagé en 21h20 dans des conditions extrêmes.

Steve Stievenart
Stève Stievenart lors du « 40 bridges »

« C’était long et compliqué parce qu’il faisait chaud » relate le nageur, plongé dans une eau à 24 degrés. « Je ne suis pas habitué à nager en eaux chaudes, il faisait jusqu’à 40° en extérieur, une des journées les plus chaudes de New York, on a eu des orages les trois jours précédents, je n’avais qu’une peur c’est que l’orage arrive parce que la course aurait été arrêtée, car les orages là-bas sont extrêmement violents ».

En l’espace d’un mois, le nageur, qui participe à des études scientifiques, est passé des eaux glaciales du lac Baïkal à la canicule de Manhattan sans difficulté, « le corps a une faculté d’adaptation incroyable, à partir du moment où on l’écoute ». Lors de ses défis, Stève Stievenart n’est pas seul. Il est notamment accompagné de son ami Frédéric, qui « l’épaule pour le ravitaillement et l’assistance, une tâche pas simple quand il faut passer des heures sur un bateau, sans tomber malade » et de son entraîneur Kevin Murphy, nageur en eau libre expérimenté, qui peut se targuer d’avoir traversé la Manche à 34 reprises. C’est d’ailleurs le Britannique de 72 ans qui l’a embarqué dans son ultime défi estival : la traversée du Loch Ness.

Tu ne vois pas ta main quand tu nages

« J’ai reçu un coup de fil de mon entraîneur, Kevin Murphy qui me dit que les conditions sont bonnes, il faut tenter le Loch Ness. Je ne me suis pas posé de question, pour ne pas regretter, je suis parti ». Et le voilà il y a une semaine, à nager dès 6h45 dans les eaux noires du lac écossais. Une traversée de 37 kilomètres, réalisée en 14h50 qu’il est le premier français à effectuer, non sans peine. Parti sous la pluie, le vent s’est ensuite levé, avec des vagues dans le dos, « on avale beaucoup d’eau lorsqu’on respire ». Et c’est à se demander si le phoque n’a pas eu peur de croiser la trace d’un autre monstre dans les eaux sombres du lac. « Tu ne vois pas ta main quand tu nages, c’est stressant, tu ne vois rien, parce qu’il n’y a pas de pollution lumineuse, c’est angoissant ». Pour ne pas perdre pied face à la montée du stress, Stève Stievenart réalise un gros travail psychologique lors de ses entraînements.

Steve Stievenart et Kevin Murphy
Stève Stievenart avec son entraîneur Kevin Murphy

« La préparation mentale fait partie intégrante de la préparation à la nage en eaux libres extrêmes, parce que c’est 90% dans la tête, il faut faire sauter des verrous et gérer les émotions quand le stress arrive ». Le nageur de 44 ans pratique la méditation au quotidien et travaille sa respiration. « Pour la traversée de la Manche, on a des problèmes liés au sel, qui font gonfler les muqueuses de la bouche, de la langue et donc tu as moins d’air qui rentre, mais tu en as toujours autant besoin, donc il faut arriver à optimiser sa respiration avec le moins d’air possible ». Lorsqu’on lui demande comment récupérer après un tel effort, Stève a un remède simple : « dormir et manger beaucoup ». Lui qui engloutit 1 kilo de poisson gras par jour, n’est pas rassasié de ses exploits et compte bien continuer à écrire l’histoire de son sport : « Découvrir des pays, des cultures, des énergies différentes, des parcours différents avec des complexités différentes, c’est ça qui fait que tu ne te lasses pas, c’est très enrichissant. »




Julien Benesteau

Crédits photos : Stève Stievenart