VOILE : Victor Eonnet s’entraîne avec appétit pour la Mini Transat

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Le skipper amiénois Victor Eonnet a un peu plus de sept mois devant lui avant la Mini Transat en solitaire, qui le verra s’élancer fin septembre des Sables d’Olonne. Le jeune ingénieur de Clarins, à Glisy, s’entraîne régulièrement et intensément en Bretagne. La gestion du sommeil et surtout de l’alimentation à bord sont des aspects importants de sa préparation.

« Ce n’est pas normal de perdre 10% de son poids en quelques jours, c’est quand on est malade… » Victor Eonnet en rajoute un peu, mais il n’a toujours pas digéré les cinq kilos, voire un peu plus, laissés en l’espace de dix jours lors de son parcours de qualification pour la Mini Transat, l’été dernier entre le sud de l’Irlande et l’île de Ré. Les causes de cet amaigrissement brutal, il les a identifiées depuis longtemps. Pour résumer, une débauche d’énergie à la barre quand la mer était démontée et des ennuis techniques. Et comme en plus le navigateur du Yacht Club de l’Île de France a une fâcheuse tendance à perdre l’appétit dès qu’il quitte la terre ferme, loin de son habituelle faim de loup, il ne faut pas chercher plus loin ce qui est devenu un des axes de sa préparation pour sa première course transatlantique.

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« Je vomissais même l’eau… »

Car Victor Eonnet a décidé de prendre son alimentation en main : le skipper d’Arthritis attend avec… gourmandise la formation prévue au pôle voile de la Turballe (Loire-Atlantique) avec une diététicienne, spécialiste des navigateurs« Ensuite, je verrai si je peux approfondir le sujet plus personnellement car mes pertes de poids en naviguant font que je manque d’énergie » reconnaît celui qui entend bien ne pas revivre la même galère que sur le parcours de qualification. « Les deux premiers jours avaient été terribles, je vomissais le peu que j’arrivais à ingurgiter, même l’eau ! Alors j’ai pris un Stugeron (1), ce qui a arrêté mes vomissements mais m’a rendu complètement amorphe pendant 24 heures. Si on m’avait proposé un lit bien stable, j’aurais dit oui tout de suite… » Evidemment, il y a mieux à faire quand on pratique la course au large !

« Les plats appertisés sont plus appétissants »

« Regardez Yannick Bestaven ! Il gagne le Vendée Globe en quatre-vingts jours et il a pris deux kilos… Cela veut dire qu’il s’est alimenté correctement, qu’il était tout le temps bien » admire Victor Eonnet. Bien manger d’accord, mais quoi et comment ? « Charlie Dalin (NDLR : classé 2ème) n’avait que des plats lyophilisés quand Jean Le Cam (4ème) avait cinquante kilos de plus à bord avec ses boîtes de conserves » observe celui qui participera à l’automne prochain à sa première transat« Je préfère l’appertisé, stérilisé sous vide. Les plats sont plus appétissants. J’ai un jetboil, un réchaud très utilisé par les alpinistes, avec un brûleur, un pot dessus et une canelure entre les deux qui donne une surface de contact importante, ce qui fait que ça bout très vite, avec très peu de gaz. Si tous les réchauds étaient comme ça, on ferait beaucoup d’économies d’énergie (rires)« .

Barres de céréales, bonbons et chewing-gum

Voilà pour les plats chauds. Sinon, en mer, Victor Eonnet raffole des barres de céréales. « Une barre de la marque Clif représente quasiment 300 calories et c’est équilibré, avec les fibres, les protéines, le sucre qu’il faut. C’est facile à manger, très sain, avalé en quelques bouchées, idéal pour quelqu’un comme moi. Je vais prendre aussi beaucoup de fruits secs mélangés. Je me fais des sacs quotidiens, avec deux plats appertisés, un petit sachet de fruits secs, trois ou quatre barres, des bonbons Carensac et Dragibus… Oui, je suis très Haribo ! Et un petit paquet de chewing-gum, ça me détend quand je suis longtemps à la barre » confie le jeune trentenaire qui avait découvert la navigation enfant, au large de L’Île-aux Moines (Morbihan) puis de Pontrieux (Côtes-d’Armor). 

Les bienfaits d’un mois sans alcool

Victor Eonnet concède quand-même avaler goulûment deux péchés mignons : des petits saucissons à croquer, « même si [mon] entraîneur, Hervé Aubry, me dit que c’est une catastrophe, beaucoup trop gras etc, mais c’est mon petit plaisir, avec les noix de cajou, qui m’ouvrent l’appétit. En revanche, pas d’alcool à bord, peut-être juste une bière pour fêter la mi-course mais ce n’est pas une bonne routine à prendre. En terme de récupération, l’alcool est d’ailleurs très mauvais » explique-t-il, fort de son Dry January (2) réussi… « Je suis très surpris des effets. Ces deux derniers mois, j’ai eu des week-ends d’entraînement très intenses. En janvier, le mardi midi, j’étais super bien alors qu’en décembre, le mercredi soir, je ressentais encore la fatigue » assure celui qui s’élancera fin septembre à la barre de son Pogo 2 de 6,50 mètres pour 25 à 40 jours de traversée, entrecoupée d’une escale aux Canaries. « Ce sera très bien pour moi d’attendre mon p’tit rhum à l’arrivée pour faire la fête avec des potes ! » En attendant, il se privera aussi de l’eau gazeuse qu’il apprécie pourtant et se contentera d’embarquer « de l’eau plate et aussi trois litres de coca, parce qu’en cas de de coup de moins bien ou de mal de mer, ça me fait effet tout de suite ».

« Des petites tranches de sommeil de vingt minutes »

Quant à la gestion du sommeil, elle n’empêche pas Victor Eonnet de dormir ! « A bord, 60% du temps que je passe à dormir, c’est la nuit détaille-t-il. J’adore le lever de soleil et je préfère le jour à la nuit, c’est plus joli et les soucis éventuels sont plus simples à gérer. La journée est rythmée par les pauses pour manger et des petites tranches de sommeil, avec réveil au bout de vingt minutes pour checker si tout va bien : pas de bateau autour de moi, le vent a-t-il tourné, comment se comporte le bateau ? Puis je me recouche vingt minutes ». Et où dort-il dans son petit voilier ? « Je me cale sur un pouf. Là, je suis justement en train de me faire faire des petites toiles anti-roulis pour caler mes jambes car dormir avec les abdos contractés n’est pas très reposant ». Frais et dispos, il n’aura plus qu’à croiser les doigts pour passer le plus de journées où tout baigne ! Et pour prendre aussi le temps de se changer  « Me raser, me doucher, je m’en passe, mais se changer complètement de temps en temps, c’est important : ça permet de se regarder. Parce que sur un bateau, on prend des coups tout le temps ! Donc on se fait des bleus, c’est important de les identifier. Sur mon parcours de qualif, j’ai gardé les mêmes chaussettes quatre jours alors que j’avais très mal à un orteil. En fait, j’avais peur de le regarder, qu’il soit tout noir. Heureusement, il était juste bleu, suite à un choc. Il faut prendre soin de soi un minimum alors que c’est facile de laisser filer… »

Victor Eonnet trouve « très bien de se débrouiller sans équipe à terre »

Et à quoi ressemble une journée type à bord ? « Elle commence avec le lever du soleil, le petit-déjeuner, puis je me brosse les dents, c’est un rituel très important pour moi. Toutes les trois heures, je fais le point sur mon livre de bord et deux fois par jour sur la carte. A 13 heures, on récupère la météo sur la zone de course. Elle est assurée par la direction de course, qui donne la position des centres anticycloniques et dépressionnaires, l’axe des fronts et c’est tout. Ce qui permet d’avoir une vision globale de la situation » indique Victor Eonnet avant de souligner que « la Mini Transat 6,50 est la dernière course de la sorte, à laisser les skippers se débrouiller, sans équipe à terre, qui plus est ! Je trouve très bien de rester isolé, c’est dans les règles budgétaires aussi, de maîtriser les coûts. Même si les fichiers météo par satellite et une communication possible en permanence avec son équipe, ça va dans le sens du progrès… »

Des extraits de « La Vérité si je mens » ou de « Caméra Café » pour s’évader…

Le profane peut légitimement se demander si à bord le skipper s’accorde un peu de loisirs, des pauses plaisir… « Je verrai répond Victor Eonnet, car je n’ai encore jamais passé plus de dix jours seul en mer. Mes moments pour m’évader un peu, ce sera sûrement en écoutant de la musique et aussi des extraits audio de film, juste les dialogues, sans les images. OSS 117, La Vérité si je mens, je les connais par coeur, j’imagine les scènes. Les Kaamelott et Caméra Café aussi ! J’ai besoin de petites vannes, des trucs auxquels me raccrocher comme je suis très bavard, en temps normal… Mais je ne sais pas à l’avance si j’en profiterai beaucoup ». On verra bien… « La seule façon d’être un bon marin, c’est de ne pas avoir de certitudes » a dit Olivier de Kersauson.

(1) : le Stugeron a été retiré du marché en France mais il reste en vente ailleurs en Europe, prescrit notamment chez les personnes âgées sujettes à des vertiges.
(2) : Dry January, littéralement « Janvier sec »  est une opération montée par des associations de lutte contre les addictions, organisée le mois dernier pour la deuxième année en France. Elle consiste à ne pas boire une goutte d’alcool.

La Mini Transat 2021, 23ème édition. Départ aux Sables d’Olonne (Vendée), le 26 septembre et arrivée à St François (Guadeloupe). Escale à Santa Cruz de La Palma (Canaries). Soit environ 4000 milles (7500 km)



Vincent Delorme (avec Léandre Leber)
Photos DR

Publié par La Rédaction

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