Tout juste transféré à Angers en compagnie de Philippe Halley, Tommy Giroux nous a accordé un dernier entretien. Il évoque ici son départ, revient sur ces trois années extraordinaires et parle de la difficulté de quitter Amiens.
Pour commencer, comment vas-tu ?
Moi ça va super bien, même si on a été très stressés pour avoir les compagnies aériennes afin de changer nos vols. Chaque jour comptait avec les annonces de fermeture de frontières, donc il y a eu beaucoup de stress. Mais maintenant ça va on est « relax ». Après, il y a toujours ce truc dans la tête de ne pas avoir pu dire au revoir à tout le monde, comme on l’aurait souhaité.
Depuis la fin de saison comment occupes-tu ton temps ?
On est à la maison et j’ai des affaires pour m’entraîner au sous-sol. J’ai demandé à mon entraîneur de m’envoyer des petits programmes avec les outils que j’avais, et il m’a fait un petit programme de remise à niveau. Ce n’est rien de trop exigeant car on est très tôt dans l’avant-saison, et c’est important quand même de prendre du repos. Mais j’aime toujours faire des choses, des renforcements que l’on n’a pas l’habitude de faire durant la saison, des mobilités articulaires aussi. Ce sont des petites choses qui permettent d’attaquer l’entraînement estival du bon pied ! Et l’après-midi, on relaxe, on appelle les amis, on fait des facetimes.
Du côté d’Amiens ils m’ont fait une très belle offre aussi, il ne faut pas penser qu’ils n’ont pas essayé, je ne parlerai par pour Phil mais je pense que c’est la même chose
Parlons maintenant de la grosse actualité, ton départ vers Angers…
Il n’y a pas une raison spécifique. Ce n’est pas une décision de cœur, c’est une décision de carrière. On a fait beaucoup à Amiens, on a aimé ça, on a eu du plaisir, j’en ai même eu plus que je ne pensais. J’ai rencontré des gens extraordinaires, que ce soit à la patinoire, avec les gars, les entraîneurs, le staff, tous les gens que j’ai rencontrés dans le hockey, j’ai vraiment apprécié. Et en dehors aussi, les gens des commerces qui nous parlaient, qui aimaient le hockey, qui étaient contents quand on gagnait, tristes quand on perdait, c’était merveilleux.
Après la raison spécifique, c’est difficile à expliquer. Les offres d’Angers ont été excellentes. Les discussions que j’ai eu avec eux ont été bonnes ; ils m’ont bien vendu leur projet.
Du côté d’Amiens ils m’ont fait une très belle offre aussi, il ne faut pas penser qu’ils n’ont pas essayé, je ne parlerai pas pour Phil mais je pense que c’est la même chose. Ils ont vraiment essayé de nous garder tous les deux, ils ont fait des gros efforts, ils ont fait beaucoup pour nous garder. Ils ont été professionnels du début jusqu’à la fin.
J’ai pris la décision, parce que pour ma carrière, j’avais besoin de découvrir de nouvelles choses. Tu sais si on part en Europe, les joueurs canadiens, c’est aussi pour avoir des expériences. J’en ai vécu tellement de belles à Amiens, et là je m’en vais en vivre d’autres. Je vais découvrir une nouvelle ville, une nouvelle équipe, de nouvelles manières de fonctionner ; tout l’extérieur m’intriguait aussi, au-delà du sportif.
Ce que je dis depuis que j’ai signé à Angers, c’est que je laisse Amiens avec tellement de bons souvenirs, car j’ai passé trois saisons extraordinaires. Je n’ai rien de négatif en tête, mes trois années sont positives et je vais de l’avant avec ça. J’ai gagné deux coupes de France, j’ai des souvenirs que je n’oublierai jamais, des gens que je n’oublierai jamais. Je suis vraiment content du souvenir que je vais garder d’Amiens, il n’y aura pas de nuages, c’est le gros soleil !
Il était temps d’un nouveau défi pour toi ?
Oui encore une fois, c’est un choix de carrière. Je ne peux pas dire : « C’est le départ de Mario qui m’a fait partir ». Oui ça a joué, mais j’ai confiance en Anthony Mortas, Elie Marcos et en les présidents. Ce n’est pas parce que c’est « Tas » qui est devenu coach, au contraire j’ai beaucoup de respect pour lui, je l’aime beaucoup et je suis sûr qu’il va faire du bon travail derrière le banc. Après, c’est le projet d’Amiens qui ne m’intéresserait pas ? Pas du tout non plus, parce qu’ils ont la bonne mentalité aussi ! C’est une totalité de choses qu’Angers m’a proposées ; je n’ai aucune rancœur envers Amiens.
Pour être honnête, je disais aux entraîneurs que ma première option c’était de découvrir un autre pays
Tu n’étais pas tenté par l’étranger ?
Si, ça m’intéressait beaucoup même. Pour être honnête, je disais aux entraîneurs que ma première option c’était de découvrir un autre pays. Quand je parle de découvrir autre chose, à la base, c’est découvrir un autre pays. Après, moi j’essaye d’aller chercher une totalité de choses lorsque je signe un contrat. Donc j’ai regardé à l’étranger, mon agent me disait que l’on allait avoir de supers offres, et le coronavirus est arrivé. Ça a affecté tout le monde, les budgets ont beaucoup diminué, et la majorité des clubs ne savent pas comment va être leur budget. Donc j’ai eu des offres à l’étranger, mais qui étaient équivalentes à ce qu’Amiens me proposait. Mais quand j’étudiais la totalité, ceux qui m’ont proposé le tout, c’était Angers. Ils ont été agressifs, ils ont fait un bon travail en me proposant un bon projet hockey, un beau projet de vie également pour ma copine et moi, car je la considère beaucoup dans mes décisions. Donc j’ai eu des propositions de l’étranger mais rien d’équivalent à ce qu’Angers me proposait. Je ne parle pas que du niveau salarial, mais bien d’un tout.
Et le fait de partir avec Philippe Halley, c’était voulu ?
On n’a pas décidé ensemble de contacter des équipes. Mon agent a contacté des équipes hors-France, on n’a pas regardé ailleurs en France. Mais Angers est venu vers nous, et voulait le duo. Ils nous ont dit qu’ils adoraient le duo, ils aimaient la manière dont on jouait. Ils nous auraient pris à l’individuel aussi, mais leur objectif c’était d’avoir les deux. Nous n’avons pas lié notre destin avec Phil, mais ce sont eux qui sont venus proposer ça. Ensuite Phil a fait ses négociations de son côté, j’ai fait les miennes ; il les a fait aussi avec Amiens tout comme moi, et on se tenait au courant. Et finalement on a pris la décision parce que on a eu ce que l’on voulait. Je pense que nous étions dans une situation très similaire, et en bout de ligne, à la fin des négociations, c’est sûr que de savoir que Phil avait de grosses chances d’aller à Angers, ça a aidé. C’est mon joueur de centre, ça m’intéresse de suivre mon joueur de centre, et qu’il me suive aussi. On aime ça, jouer ensemble, on s’apprécie, les familles se connaissent, et sur la glace on a une alchimie ensemble, donc forcément ça a joué dans la décision.
Et vous rejoignez un club qui peut se montrer ambitieux en Ligue Magnus…
Quand je te dis un tout, ça fait partie de ça aussi. Il y a de la qualité dans l’équipe d’Angers, ils ont d’excellents joueurs, mon joueur de centre qui sera là, la nouvelle patinoire, il y a de l’ambiance, c’est beau. L’organisation je ne la connais pas encore beaucoup. J’ai parlé au directeur général, à l’entraîneur, ça me semble déjà super, j’ai eu de bons échanges avec eux, et leur projet m’intéresse beaucoup. J’ai gagné avec Amiens, et je veux continuer à gagner.
Gardes-tu un goût amer de ne pas avoir pu dire au revoir aux gens à Amiens ?
Avec les coéquipiers, on a eu nos soirées à la fin de la saison. Ça m’a fait du bien, j’ai quand même eu le temps d’en profiter avec les gars. Mais j’aurais aimé continuer, je n’ai pas pu tout dire à mes amis. Je pense à Jérémie Romand, avec qui j’ai passé trois ans, avec qui on a passé toutes nos après-midi. Pour moi ça a été un peu dur de ne pas lui dire le au revoir que j’aurais voulu lui dire. Mais ça reste un ami pour la vie. Je parle de lui car il me vient en tête, mais il n’y en a pas un dans ce groupe que je n’aurais pas voulu revoir…
Si je peux profiter de cette occasion pour dire au revoir aux commerçants également : la boucherie Pocholle, la poissonnerie Dupuis à côté, les légumes en face, la Pétrie, les boulangeries où l’on allait. J’en oublie, mais je ne peux pas tous les nommer, mais pour nous c’étaient des gens avec qui on aimait parler, des gens que l’on aimait rencontrer.
Les supporters, on aurait aimé pouvoir en rencontrer quelques-uns ; j’en ai rencontrés dans les derniers jours, mais très peu par rapport au nombre que j’aurais voulu voir…
S’il n’y avait qu’une chose à retenir de tes années amiénoises ?
C’est les gars avec qui j’ai gagné, c’est ça que je vais retenir le plus. Oui la victoire c’est incroyable, mais c’est avec qui je l’ai partagée surtout. Je vais me souvenir de ces gars toute ma vie. Je me rappelle après la première coupe de France, Henri (ndlr : Henri-Corenti Buysse) m’avait dit : « Tu viens de faire en sorte que je me souvienne de toi toute ma vie ». Il avait raison, et c’est pareil pour moi. Tu vis quelque chose d’extraordinaire avec un groupe de gars. C’est le groupe avec qui on a gagné, qui va me rappeler les victoires de coupe de France, les fans qui étaient fous derrière à Bercy. Quand je vois les vidéos j’ai des frissons, les chants, les drapeaux, les images des joueurs, je repense à toutes les émotions vécues.
Qu’est-ce qu’elle a eu de spécial cette équipe pendant 3 ans ?
Tu as des hauts et des bas dans des saisons, tu peux avoir des frustrations à l’interne, ça peut se chamailler à l’entraînement, gueuler après. Mais il y avait un respect mutuel, on se disait les vraies choses et on se poussait à aller plus loin, sans frustration, pour repartir de l’avant. C’était ça Amiens, une bande de copains qui n’avait pas peur de se dire les vraies choses, et c’est ça qui nous a fait gagner aussi. Trois saisons de plaisir comme ça, ce ne sont pas tous les joueurs qui ont la chance de vivre ça.
Trois saisons de plaisir comme ça, ce ne sont pas tous les joueurs qui ont la chance de vivre ça.
Je te laisse le mot de la fin…
Si je peux rajouter quelque chose c’est qu’Amiens je le quitte avec seulement des bons souvenirs. Je quitte Amiens pour des raisons professionnelles, pour voir autre chose, vivre une autre expérience. Amiens c’est gravé dans ma mémoire. J’ai regardé les vidéos des coupes de France et j’avais les larmes aux yeux… Je peux regarder d’autres vidéos de mes anciennes équipes, et je n’ai pas les larmes qui viennent.
Ça n’a vraiment pas été une décision facile, parce que j’aimais tellement ça. J’aimais la ville, les gens, l’organisation. J’ai été traité comme un roi, ici. Les gens ont tout fait pour me mettre dans de bonnes conditions et me mettre en confiance, et je leur dois une partie de mon succès, à eux et à mes coéquipiers.
Je ne veux pas être monsieur philosophe non plus, mais pour finir je voudrais dire que, la page se tourne, mais on a écrit un beau livre, et ce livre là je vais le garder dans ma poche pour toute ma vie !
Retrouvez ici l’interview réalisée avec Philippe Halley.
Propos recueillis par Quentin Ducrocq
Crédit photo Kevin Devigne – Leandre Leber Gazettesports.fr