Du quartier à la Licorne, il semblait n’y avoir qu’un pas que l’Amiénoise de souche a pris soin d’effectuer non sans un léger détour. Retour sur le parcours d’une jeune passionnée.
Que de chemins parcourus par Léa Tellier Bouazni, laquelle ne dissimule cependant pas sa satisfaction d’avoir pu, su retrouver celui de ses racines ! « J’ai couru après mes premiers ballons dans le quartier. Sur une aire de jeu souvent improvisée, située à deux pas d’un complexe de la Licorne, où je prend plaisir aujourd’hui à défendre les couleurs locales. » Comme un retour aux sources pour une demoiselle qui, à 23 ans, évolue – de nouveau – sous la tunique de l’Amiens SC. Une atmosphère dont elle s’était déjà imprégnée.
À mon sens, il est important, primordial même, de bien dissocier le caractère loisir d’une carrière professionnelle.
« Si l’on peut dire… Alors U18, je figurais au sein de l’effectif de l’Amiens Montières et participais aux séances d’entraînements d’une équipe fanion évoluant alors en division 2 » se souvient une adolescente auparavant à l’ouvrage – et à l’honneur – sous l’étendard de l’US Camon Athlétisme. Puis du Longueau Amiens Métropole Volley Ball (LAMVB), structure avec laquelle elle accèdera d’ailleurs à la Prénationale.
Cependant, comme rattrapée par la passion, c’est au football que Léa Tellier Bouazni veillait, au final, à se faire un nom « sur un plan sportif » rétorque toutefois, avec spontanéité, celle qui s’est (re)défini un cursus scolaire. « À mon sens, il est important, primordial même, de bien dissocier le caractère loisir d’une carrière professionnelle. Chausser les crampons n’offre pas encore l’opportunité d’une vie décente. Par conséquent… »
Une approche bien « personnelle » pour celle qui toutefois appréhende la compétition sans retenue. Comme depuis ses débuts, sous le maillot de Rivery (Somme) où, du haut de ses douze ans, elle trouvait plaisir à rivaliser face à la gente masculine. « C’était un peu comme dans le quartier, sauf que les confrontations étaient cette fois officielles » ironise une demoiselle, toute heureuse d’en découdre alors aux côtés de son frère Nabil. « Se rendre au stade était très simple, puisqu’il était à proximité de la maison. Nous avons alors partagé un but similaire durant trois saisons avant de choisir notre voie. Il s’est orienté vers la boxe où il connaît une belle réussite d’ailleurs » souligne, avec fierté, la demoiselle.
La sienne la conduira ainsi, dans un premier temps, jusqu’à Longueau. Où elle croisera notamment le regard de Sébastien Héreau : « il m’a apporté beaucoup, à l’image de ce club affichant une volonté, une détermination à promouvoir la pratique au féminin exclusivement. » Un projet auquel Léa Tellier Bouazni apportera sa contribution pendant deux exercices.
Se rendre au stade était très simple, puisqu’il était à proximité de la maison. Nous avons alors partagé un but similaire durant trois saisons avant de choisir notre voie.
Débauche d’énergie qui suscitait l’attention d’Odile Willay, plus tard nommée directrice technique des Hauts de France. « Très impliquée au sein de la Ligue de Picardie, je ne peux la considérer étrangère à mon intégration en équipe régionale. Encore moins à cet agréable souvenir que demeure la Coupe Nationale. »
Reconnaissante, l’actuelle ambassadrice de l’Amiens SC entretiendra d’ailleurs des « liens assez étroits » avec son aînée. Dont elle suivra les traces jusqu’à Montdidier (Somme). Léger détour avant que cette « passion dévorante » ne conduise cette sportive acharnée de 16 ans jusqu’à Compiègne (Oise) : « outre la satisfaction de rejoindre l’AFC, je poussais dans le même temps les portes d’un établissement à la saveur de centre de formation » confie-t-elle.
Admettant cependant que cette « belle euphorie allait se révéler de courte durée. » Contrariée par un environnement qui ne semblait « lui correspondre », Léa Tellier Bouazni jouait le contre-pied et (re)venait terminer la saison avec son précédent club.
Revigorée, c’est à Arras (Pas de Calais) qu’elle se définissait de nouvelles ambitions. Et dans l’effectif d’une association s’efforçant à tirer son épingle du jeu dans l’antichambre de l’Elite, la demoiselle en faisait de même en championnat national, catégorie U19. « Enrichissante expérience » pour celle qui gagnait, de façon légitime, en maturité mais dont les souvenirs du quartier se voulaient toujours aussi présents. « Il s’agit et restera d’ailleurs une partie de ma vie ! Période inaltérable qui m’a amenée là où j’en suis aujourd’hui. Incontestablement. »
Le premier nommé ne m’était pas inconnu. J’avais eu également la chance, le privilège d’avoir rencontré son aîné au hasard de compétitions.
Une trace – à jamais dans son cœur notamment – qui se traduisait par le souhait d’ajouter une nouvelle ligne à sa carte de visite. Volonté qui trouvait écho sitôt quelques mots échangés avec Hicham Andasmas et Jacques Hénot. « Le premier nommé ne m’était pas inconnu. J’avais eu également la chance, le privilège d’avoir rencontré son aîné au hasard de compétitions. » Il n’en fallait pas plus pour que les uns et les autres ne se définissent un terrain d’entente.
Frustrée, au terme d’une (pourtant) fructueuse campagne « Régionale 1 » version 2017 / 2018, d’avoir rendu les armes devant Le Havre, au stade des barrages, Léa Tellier Bouazni se voulait « revancharde » l’exercice suivant. « À l’image du groupe d’ailleurs. Notre objectif apparaissait clair, se propulser à l’échelon supérieur. Ce que nous sommes parvenues à atteindre, non sans mal cependant. »
Petite allusion à ces duels où les Amiénoises ont été contraintes de puiser dans leurs réserves. « Sans faire offense à l’adversité, nous détenions suffisamment d’arguments. Néanmoins, nous avons parfois dû enfiler le bleu de chauffe. Une force de caractère qui, à mon sens, nous fait défaut actuellement. »
Sans langue de bois, l’Amiénoise de souche évoque son ressenti : « le staff est aux petits soins, réunit ce qui apparaît nécessaire pour prétendre réussir. L’effectif se doit de le lui rendre sur le terrain. » À demi-mots, cette joueuse au registre polyvalent en appellerait donc à plus d’investissement ? « Chacune doit être en mesure d’établir son autocritique. Je n’envisage pas me placer sur un piédestal, il m’arrive aussi de passer au travers. Cependant, il est important d’attiser son amour propre. » Tel un ballon jeté – délibérément – dans la mare, Léa Tellier Bouazni murmurerait-elle une prise de conscience ? « Si ce championnat venait à reprendre, il conviendra d’aller au bout de soi-même. Mathématiquement, le coup reste jouable. Faut-il cependant s’en donner les moyens ! »
À l’image de mon frère, elle est toujours là pour me porter, me supporter aussi. Elle est cette épaule dont parfois j’ai besoin.
Appel à la mobilisation, cri du coeur de la part d’une féministe engagée qui n’entrevoit « rien d’autre que la réussite de ce challenge. » Déterminée à ce que l’Amiens SC prolonge cette belle histoire au (doux) parfum tricolore. Tout en jonglant avec des études auxquelles elle souhaite accorder « de nouveau énormément d’importance. » Avec la complicité de « Maman Estelle plus communément prénommée Stella » auprès de qui elle admet puiser sa force. « À l’image de mon frère, elle est toujours là pour me porter, me supporter aussi. Elle est cette épaule dont parfois j’ai besoin » lâche-t-elle, avec une émotion contenue…
Fabrice Biniek
Crédit photos : Gazettesports / Sisco (Amiens SC féminine)