Après seulement trois journées de compétition pour l’équipe Élite, la Fédération Française de Football Américain décidait ce 26 mars de mettre fin à la saison. L’occasion de faire un dernier point avec Steeve Guersent sur cette décision et le déroulement de la suite des évenements pour les Spartiates d’Amiens.
Il y a quelques jours encore tu parlais des différentes solutions de reprise du championnat, mais on n’évoquait pas encore son annulation complète. Comment cette décision a-t-elle été accueillie ?
C’est vrai que ce n’était pas envisagé, mais on l’avait quand même dans un coin de la tête. On pensait que plusieurs autres options seraient proposées avant d’en arriver là, mais au vu de l’évolution de la crise sanitaire et au vu de ce qu’il se fait au quotidien, ce n’est pas étonnant. Très sincèrement quand on a reçu la nouvelle, il fallait s’y attendre puisque là on est encore confinés au moins jusque mi-avril. Si on remet les pieds sur terre et la tête sur les épaules, qu’on regarde ce qu’il se passe dans d’autres pays, je pense que l’on est encore loin de se sortir de ce confinement alors pour moi, la fédération a pris la meilleure des décisions en arrêtant tout. Admettons que l’on revienne sur le terrain début mai, ça voudrait dire qu’il faut un minimum de deux-trois semaines pour se remettre en forme parce que, sans manquer de respect à aucun sport, on ne lance toujours pas des fléchettes.
Le football américain est un sport engageant physiquement et en ayant eu un arrêt complet de deux mois, si on avait été amenés à reprendre début mai, il aurait fallu prendre le temps de se remettre en forme et on aurait déjà été fin-mai. À partir de là, si on avait voulu tenir les délais du championnat, ou du moins ne pas trop les décaler plus tard que mi-juillet, ça nous aurait laissé tout juste un mois et demi pour tenir les trois quarts d’une saison : ça paraissait injouable. Il aurait fallu jouer tous les weekends, mais jouer autant avec des joueurs qui ne sont pas dans une forme optimale, ce n’est pas possible, ça aurait été très compliqué voire même très dangereux de vouloir absolument reprendre quelque chose pour dire “on va finir”. La décision est ce qu’elle est, mais pour ma part elle est bonne.
Les Spartiates ne sont pas concernés cette saison, mais quelles pourraient être les conséquences pour une équipe qui jouait avec des joueurs étrangers ?
On n’est pas tellement ciblés puisque l’on n’a pas de joueurs étrangers, c’est vrai. Mais pour en avoir discuté avec plusieurs clubs qui en avaient, dès que le confinement a été décrété, ils ont renvoyé tout le monde chez eux, que ce soit les joueurs ou les coachs. Donc même si on avait repris, on aurait joué dans un championnat où tous les joueurs étrangers auraient été finalement absents : reprendre avec une équipe qui n’est plus la même, ce n’est plus le même championnat, tout en est faussé. La dernière fois je disais ironiquement que si c’était pour être champions de France de la meilleure équipe du confinement, ça aurait été bizarre, on se serait retrouvé avec quelque chose de bancal quoi qu’il arrive. Les joueurs ne sont pas bêtes non plus je pense, ils ont bien vu les proportions que ça prenait, les mesures qui étaient prises par le gouvernement et avant que l’on puisse se remettre sur le terrain pour jouer un match je pense que de l’eau aura coulé sous les ponts, et quand tout sera fini on pourra regarder où on en est sur le calendrier et se dire que finalement, c’est une bonne décision.
Si l’on reste dans une dynamique de compétition, se dire “on a suffisamment perdu de temps, il faut essayer d’en regagner pour l’année prochaine”
Si possibilité de reprise il y a cette année, comment sont envisagées les choses ?
J’ai déjà questionné une majorité des joueurs seniors sur leurs envies et leur motivation si l’on est amenés à se revoir sur le terrain avant l’été. Est-ce qu’ils voulaient maintenant s’amuser ? Ce qui pourrait être défendable puisqu’on sortirait d’un confinement et je pense qu’à ce moment les gens n’auront qu’une envie : sortir, s’amuser et se faire plaisir. Est-ce que l’on partait donc là-dessus, sans aucun autre objectif que celui de s’éclater, peut-être faire des entraînements sans contact, du flag, des tournois ou des petits challenges… Pourquoi pas même avoir d’autres activités sportives au sein de notre entraînement comme un soccer ou de la pétanque !
Ou alors, si l’on reste dans une dynamique de compétition, se dire “on a suffisamment perdu de temps, il faut essayer d’en regagner pour l’année prochaine”. Dans ce cas, on commencerait à construire l’an prochain.
Ce sont deux options que l’on a proposées aux joueurs et pour le moment ils ont plutôt choisi la deuxième option, celle de continuer à s’entraîner sérieusement sans non plus exclure de ces entraînements une petite partie fun ou pourquoi pas se faire un barbecue en fin de semaine. On partirait donc plus sur cette option de reprendre le travail pour préparer la saison prochaine, je pense notamment aux joueurs moins expérimentés : on pourrait peaufiner et travailler avec eux sur la technique pour qu’ils essayent d’arriver en janvier prochain bien meilleurs qu’ils ne le sont. Tactiquement, on pourrait aussi essayer de travailler des choses puisque l’on aura le temps.
On va se diriger sur ce type de programme, et plus on avancera vers la fin de saison et les beaux jours, plus il sera probable que si quelqu’un vient vers 21h à la fin de l’entraînement, il s’attende à nous voir autour d’un barbecue pour finir la semaine avec de la bonne humeur et du plaisir ; même si bien évidemment on travaillera sérieusement pendant la séance.
L’absence de compétition n’entame donc pas la motivation et l’envie des joueurs ?
Non puisque de toute façon c’est un fait, on ne pourra rien faire ! On ne l’a pas encore abordé mais ça peut être la carotte, le fonctionnement habituel d’une saison : s’entraîner pour être le meilleur le weekend, il y a un vrai but derrière. On peut voir pour essayer d’organiser des matchs amicaux, c’est une solution. Pour l’instant on ne s’engage à rien, en tant que responsable de l’équipe je pense que je verrai un peu le sérieux et la motivation des gars quand ils reviendront aux entraînements. Et puis si on est sur une bonne dynamique, pourquoi pas essayer d’organiser un ou deux matchs en fin d’année, notamment au mois de juin si jamais on sort du confinement au mois de mai. À voir s’il y a des clubs qui sont prêts à le faire, pour l’instant on ne peut pas trop s’avancer mais c’est sûr qu’il va falloir s’adapter et essayer de trouver les meilleures solutions.
Concernant le championnat, est-il envisageable de décaler la période de trêve estivale pour reprendre un peu plus tôt cet été ?
Reprendre plus tôt je ne pense pas, en tout cas ce n’est pas d’actualité. Si l’on reprenait plus tôt, il faudrait tout modifier : si le championnat élite reprend plus tôt, il faut que ceux qui ont habituellement lieu avant reprennent eux aussi plus tôt. Ce n’est juste pas possible dans le temps parce qu’on est un sport qui demande de l’apprentissage avant de pouvoir aller sur un terrain : à la boxe on ne monte pas sur le ring pour une compétition une semaine après avoir mis les gants, ça peut être dangereux encore une fois, et le concept est le même pour le foot US. C’est vrai que ce n’est pas habituel pour le commun des mortels, en général quand on se lance dans une discipline, les matchs commencent tout de suite dès septembre ; mais nous on a un fonctionnement différent puisque notre discipline est différente. Donc non je ne pense pas que les championnats seront décalés, maintenant il appartient aux clubs d’être un peu imaginatifs et constructifs sur ce qui peut être fait.
Propos recueillis par Océane Kronek
Crédits photos : Kevin Devigne – Gazettesports.fr