EQUITATION : Comment gérer le confinement ?

Equitation Pca (reynald Valleron (59)
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En cette période de confinement, le sport équestre ne fait pas exception et, comme tous les autres sports, est lui aussi touché. Si les cavaliers sont comme tous sportifs confinés et réduits à faire du sport à domicile, les chevaux ne peuvent eux rester confinés. 

Les structures équestres, quelle que soit leur taille et leur nature, ont dû s’adapter pour répondre au mieux aux besoins de leur équidés et aux demandes des propriétaires, le tout en respectant les règles sanitaires et en faisant face aux contraintes financières. Pour cela nous avons demandé l’avis de trois structures équestres bien différentes, allant du gros centre équestre à l’écurie de propriétaire gérée par un cavalier professionnel en passant par la petite écurie privée.

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Comment s’organiser ?

Avec l’annulation de toutes les activités et l’impossibilité pour tout cavalier de venir sortir son cheval, les structures se sont retrouvées avec un nombre de chevaux à sortir quotidiennement plus important que la normale et avec des effectifs réduits.
Pour Valérie, gérante d’une petite écurie privée, le quotidien a changé même si le travail est resté le même, “je continue à nourrir, faire les boxes et sortir les chevaux au paddock quotidiennement. Ce qui change vraiment c’est le vide car l’absence des propriétaires se fait ressentir surtout, que nous somme une petite famille. Je prends encore plus soin des chevaux en leur faisant les soins habituellement faits par les propriétaires.” Si son travail n’a pas littéralement changé, la situation se fait ressentir pour la gérante, les chevaux profitent eux du temps clément pour le moment pour continuer à sortir normalement et être en quelque sorte en vacances. 

Pour Bastien, cavalier professionnel et gérant de sa structure, la donne est un peu différente. “J’ai dû m’adapter à la situation. Sans les propriétaires ou apprentis, la charge de travail a considérablement augmenté. Heureusement ma femme, qui ne peut plus travailler, m’aide au quotidien. Pour pouvoir m’occuper de tous les chevaux correctement, j’ai réduit mon effectif en mettant mes chevaux en pâture avec quelques chevaux de propriétaires. L’organisation mise en place me permet de sortir les 22 chevaux qu’il me reste avec un jour de repos par semaine.” Comme beaucoup de professionnels, sa charge de travail a considérablement augmenté mais il se doit de faire face à la situation et de prendre soin de l’ensemble de ses résidents en l’absence de cavalier. 

Enfin le Centre Equestre de Picardie a lui aussi dû considérablement s’adapter et changer sa façon de faire. Pour pouvoir s’occuper quotidiennement de ses pensionnaires, mais aussi de l’entretien de sa structure, une grande partie des poneys et chevaux sont partis au pré. Le beau temps leur permet de profiter pleinement et d’être en vacances. Pour les chevaux de propriétaire et les chevaux de clubs ne pouvant aller au pré, les salariés du club se sont répartis les chevaux que chacun travaille quotidiennement. Une nouvelle organisation qui permet de répondre aux besoins de l’ensemble des chevaux, l’objectif étant qu’aucun équidé ne reste au box toute la journée.  

Quel impact financier ? 

Le sport équestre est aujourd’hui l’un des milieux sportif les plus touchés financièrement par la crise sanitaire même si l’impact est très différent selon les structures.
Pour Valérie, l’impact financier lié à son activité de pension est nul, “je n’ai pas d’impact financier car mes propriétaires continuent de payer la pension habituelle ; ma charge de travail a elle augmenté légèrement, mais je n’ai pas eu de diminution de mes pensions.” Une situation propre aux structures qui proposent des pensions sans cours et qui ne sont donc pas réellement impacté financièrement même si la charge de travail des gérants a augmenté. 

Pour Bastien, la donne est encore une fois bien différente, “aujourd’hui je ne fais plus aucun cours, que ce soit à la maison ou à l’extérieur, plus aucun stage et plus aucun concours. Je travaille l’ensemble des chevaux comme si c’était des chevaux au travail mais les pensions n’ont pas augmenté. C’est beaucoup de travail pour pas de salaire. Mais aujourd’hui j’arrive à payer mes charges donc c’est le principal.” Comme beaucoup de cavaliers professionnels, son activité a donc considérablement diminué et ses revenus avec. Certaines structures souffrant bien évidemment plus que d’autres durant cette crise. 

L’impact financier est lui réel pour le Centre Equestre de Picardie, comme de nombreux clubs équestres. Si les pensions des propriétaires sont toujours présentes, bien que certains aient fait le choix de mettre leur cheval en pâture pendant cette période, l’absence de cours, de stage ou autres activités est un vrai manque à gagner, comme le souligne un membre du club, “les frais restent ce qu’ils sont et je pense que ça va être difficile de se relever de cela, surtout que la période estivale n’est pas forcément propice aux rentrées d’argent. C’est un problème qui va malheureusement toucher un grand nombre de professionnels”. Si l’objectif est d’essayer de perdre le moins dans cette crise, le club pense aussi à ses adhérents, “nous avons fait toutes les démarches pour bénéficier des reports. Nous savons que pour nos propriétaires et adhérents la situation n’est pas simple non plus. Nous allons faire en sorte de rattraper au maximum les cours quand cela sera possible, nous essayons de gérer au mieux pour que tout le monde y perde le moins possible.” Comme plusieurs structures, la crise va faire mal et chacun devra être solidaire pour pouvoir s’en relever.  

Comment gérer les propriétaires ? 

Privés de leurs chevaux qui prennent une place souvent très importantes dans leur vie, de nombreux propriétaires veulent avoir des nouvelles quotidiennement de leurs animaux. Les structures ont dû s’adapter pour répondre à ses demandes. Pour Valérie, les choses n’ont pas changé, “nous avons un groupe sur Messenger et je donne comme souvent des nouvelles quotidienne de mes pensionnaires”. Pour Bastien, les réseaux sociaux sont eux aussi le moyen de communication, “on a un groupe privé sur lequel on partage la journée des écuries. On essaye de rendre la chose ludique et de changer les idées avec des devinettes sur les chevaux. On essaye aussi de s’appeler régulièrement”. Même son de cloche pour le Centre Équestre de Picardie qui communique quotidiennement auprès de ses propriétaires pour les informer de la journée de leurs équidés le tout en essayant de changer les idées avec des petits jeux. Une communication essentielle pour les propriétaires mais aussi le club qui connaît la difficulté pour chacun de ne pas pouvoir venir sortir son cheval. 

Que pensent-ils de la pétition ? 

Ces derniers jours, une pétition est apparue sur les réseaux sociaux pour demander l’accès aux écuries pour les propriétaires malgré le confinement. Une pétition qui n’a pas plu à un grand nombre de professionnels, “elle m’a semblé incohérente et donne une mauvaise image des professionnels de la filière”, estime Bastien avant de nuancer, “je pense que la plupart des propriétaires fait confiance aux gens qui gèrent leurs chevaux et si ce n’est pas le cas, ils vont pouvoir profiter de ce confinement pour y réfléchir.”
Le constat est identique pour Valérie même si elle est un peu plus nuancée, “la pétition a été, selon moi, écrite dans la précipitation due à une certaine frustration. Ceux qui ne font pas confiance aux gens qui gèrent leur écurie devront en tirer les enseignements. Après je peux comprendre une certaine panique due à l’absence de personnel sur la gestion de l’ensemble des équidés dans certaines structures. On aurait dû laisser un ou deux jours aux propriétaires pour mettre leurs chevaux en pâtures ou autre pendant cette période. Mais il ne faut pas oublier que cela est fait dans le but de protéger notre santé, estime-t-elle.
Sur les réseaux sociaux, les réactions d’un très grand nombre de professionnels du secteur allaient dans ce sens, pointant que toutes les personnes qui ont signé cette pétition, devraient changer de structure s’ils ne font pas confiance aux gérants de leur écurie. 

Une situation que vivent différemment les propriétaires à l’image de Chloé, “les mesures mises en place sont pour moi assez drastiques. Je pense que l’on est assez responsables pour connaître les gestes barrières et faire en sorte de ne pas se croiser, surtout dans les petites écuries. Je pense que faire un planning pour permettre aux propriétaires de sortir plusieurs fois leurs chevaux dans la semaine aurait été une bonne idée.” Avant de donner son avis sur la pétition, qu’elle a elle-même signé, “la pétition a pour but de retrouver des mesures respectables afin de continuer à voir et s’occuper des chevaux. Certaines structures ne peuvent pas s’occuper de tous les chevaux par manque de personnel, et autoriser la venue de propriétaires est nécessaire pour le bien des chevaux.” Si elle s’estime quand même chanceuse que “son cheval puisse sortir tous les jours et profiter du beau temps”, elle ne trouve pas normal les structures qui “profitent de cette crise pour facturer de nouvelles prestations comme la sortie en pâture des chevaux.”

L’avis entre professionnels et propriétaires est donc parfois différent même si aujourd’hui la pétition ne représente que “peu” de signatures. Une pétition que tous les propriétaires ne cautionnent pas, comme Marie : “personne n’est satisfait de la situation et on aimerait tous pouvoir sortir notre cheval. Mais il ne faut pas oublier que ces mesures sont mises en place  pour le bien de tous. Si tu ne fais pas confiance aux gens qui s’occupe de ton cheval c’est un autre problème, il faut prendre son mal en patience”.
Deux avis distincts qui illustrent bien les deux manières de voir les choses pendant cette crise sanitaire. 

Le monde équestre est donc aujourd’hui considérablement impacté par la crise sanitaire. Si l’impact n’est pas le même selon les structures, les gérants sont tous obligés de s’organiser pour s’occuper au mieux de leurs pensionnaires et répondre aux attentes de leurs propriétaires.  Financièrement, cette crise laissera aussi énormément de traces dans le secteur équestre et certains pourraient ne pas s’en remettre.


Aurélien Finet

Crédit Photo : Reynald Valleron – Gazettesports