En attente des dernières décisions de la Fédération concernant les équipes masculines seniors, Martin Saleille, coach principal et manager sportif du Rugby Club Amiénois, fait avec nous le bilan de sa saison.
Pour rappel, les décisions sur les montées/descentes ne sont pas encore prises. Le RCA a de bonnes chances de conserver sa place en Fédérale 3, ayant finit au-dessus des places relégables, toutefois rien n’est officiel.
Comment as-tu vécu cette saison sur le banc d’une équipe en fédérale 3 ?
Je l’ai bien vécu ! Ça a été fatigant, éprouvant, avec le stress de l’inconnu. Tu ne sais jamais si tu vas être au niveau, est-ce que ce qu’on a fait ou ce qu’on va proposer va suffire à nous maintenir, mais j’avais confiance dans la capacité des joueurs. On a démarré avec des incertitudes, notamment avec les matchs amicaux qu’on voulait et qui n’ont pas pu être faits. On était plein d’envie quand même, avec l’entrain de proposer de bonnes choses. Le premier bloc nous a fait beaucoup de bien. La première réception face à Cergy-Pontoise en gagnant sur la dernière action a été une très bonne rampe de lancement mais on voyait déjà que les impacts allaient être durs cette saison. À Roubaix on était moyens mais on a rien lâché et à Compiègne on prend le bonus défensif alors que cette équipe est restée invaincue longtemps. La saison a été très satisfaisante avec de mémoire, seulement une ou deux journées dans les places relégables.
On sait que la route a été longue pour le club pour en arriver à ce stade, l’équipe a-t-elle répondu à tes attentes ?
Oui sans aucun doute ! Il y a eu beaucoup d’investissement. Par rapport à l’année dernière, on a fait presque le même nombre de match mais l’intensité a toujours été présente. Si on compare avec la saison en honneur, on a quasiment joué des demie-finales et finales à tous les matchs. Je repense aux matchs de Villeneuve, Calais, Saint-Omer, c’était des gros matchs, mais il y en a eu trop peu des comme ça, on progressait peu. Cette saison c’était très chaud, on devait tout faire pour se maintenir. On prend une belle claque à Soissons, on a su être intéressants mais on a explosé physiquement et mentalement. Sur 16 matchs joués, on prend deux belles volées, à Soissons et face à Compiègne. Je savais qu’on allait en prendre, mais j’avais aussi « peur » notamment avec Domont ou Epernay, et finalement on ne s’est pas déplacés là-bas. On a bien progressé, mais en fin de saison on commençait à fatiguer. La défaite à Rouen nous a fait mal, la météo ne nous a pas aidés non plus, même si ce n’est pas une excuse. On reste sur un petit goût d’inachevé. Je voulais gagner le maintien sportivement, quand on fait du sport on veut le gagner sur le terrain.
J’avais une crainte sur la réserve aussi, la saison dernière on perd en finale, avec une défaite où il n’y a rien à redire, mais cette année on a fait une très grosse saison. Nos objectifs en début de saison étaient de se placer autour de la 8ème et 10ème place, puis on a régulé, et finalement on visait les phases finales ! Je suis très content de la réserve. Ça a tiré tout le groupe vers le haut. Si la réserve prenait des roustes, le turnover aurait été moins bon, et le niveau entre A et B se serait creusé. Là, la réserve continuait de progresser, et il n’était pas rare de voir plus de joueurs de la réserve que de l’équipe première le mercredi à l’entraînement. Ça a été une grosse satisfaction de l’année, avec une belle marge progression encore.
Avec le recul, tu dirais plus qu’il y avait la pression du promu ou la libération de ne rien avoir à prouver pour affronter ce championnat ?
Je crois que les gars ont eu envie de ne pas passer pour des peintres. Entre l’honneur et la fédérale 3 j’entendais « le niveau ne suffira pas pour la fédérale 3 » et les joueurs voulaient être acteurs du championnat. Le maintien était l’objectif, on ne voulait pas se prendre pour d’autres. On visait des places, et on était 7èmes à la fin de la phase aller. Déjà à ce moment je me disais que c’était un très bon boulot, et on faisait les efforts pour. Comme je disais, on avait une volonté de ne pas être des peintres dans cette poule. On n’est pas les campagnards de Picardie, comme on l’a entendu dans la bonne guerre du rugby. On avait des choses à faire valoir. Le fait d’être promus, ça nous obligeait à monter les curseurs partout. Le danger l’année prochaine serait de se reposer sur ce maintien. Monter c’était dur, se maintenir c’était dur, et si la décision du 3 avril nous est favorable pour rester en Fédérale 3, il faudra viser mieux. Je prends souvent l’exemple de Roubaix, il faut s’en inspirer. Ils étaient en fond de classement la première année, et cette saison ils jouaient presque les phases finales. Il faudra faire mieux que ce qu’on a fait là l’année prochaine, idéalement, il faudra être dans les 8 premiers. On verra en fonction du recrutement, et des joueurs qui restent, et de biens d’autres paramètres bien sûr, en passant déjà par un maintien assuré par les prochaines décisions.
On ne veut pas de star, on veut des gars qui s’intègrent dans le collectif
On a vu un recrutement très intéressant, avec les arrivées de joueurs d’expérience notamment, le collectif en est sorti grandi ?
On est véritablement allés chercher deux joueurs Paul Grenet et Matt Doyle, d’autres sont arrivés d’eux-mêmes. Je pense à Cristian Munteanu ou Ronan Cointepas, et d’autres encore, la liste a été longue pour renforcer les rangs. On a recruté peu, mais beaucoup sont arrivés. L’idée pour l’année prochaine est de garder un maximum de joueurs, car la dynamique de groupe qui s’est instaurée dans cette aventure de Fédérale 3, on doit continuer de surfer dessus. Je pense que les joueurs n’ont pas encore tout donné, dans le sens où la marge de progression est énorme. On a les exemples de Hugo Trancart qui a seulement 19 ans, il peut encore faire mieux et donner beaucoup ou encore Carpentier, Prevost, Ghane, ils sont nombreux. Ils sont tous encore en progrès, on va pouvoir aller loin si on garde ce groupe.
Pour l’instant on appelle les gars, savoir comment ils vont, et s’ils sont encore avec nous l’année prochaine. S’il faut, on ira chercher d’autres joueurs, mais la priorité des priorités c’est de garder le groupe au maximum. On ne peut rien faire contre les envies d’ailleurs, les mutations etc, mais en garder le plus possibles c’est « tout bénéf » pour nous. Le recrutement, on le fera comme l’année dernière. On veut des gars de niveau Fédérale 3, mais on ne veut pas de star, on veut des gars qui s’intègrent dans le collectif. Le groupe est toujours plus fort. Je refuse d’aller chercher une star qui baisse la motivation d’un groupe entier. En ce moment on fait le bilan. Dans nos plans, on devait commencer à se pencher dessus en cette période même donc on est dans les clous. On veut anticiper pour éviter de galérer à aller chercher des mecs. On fait le point sur nos joueurs, on aura aussi des retours de blessures, des petits jeunes sur lesquels on veut miser, et on a nos gars de toujours.
La poule a été serrée jusqu’au bout, certes, arrêtée prématurément mais vous êtes au-dessus des places relégables, j’imagine une certaine satisfaction de figer le classement maintenant ?
C’est vrai que quand on a su que la saison s’arrêtait j’ai eu un petit soulagement. J’appréhendais un peu la reprise, j’avoue. Tout le monde a eu un mois et demi d’arrêt. Je me suis dit que les équipes auraient la dalle, comme nous, mais je pense à Arras et Couronne, on était trois pour deux places. Je redoutais les rencontres face à ces deux équipes, leur position délicate leur donnait une force psychologique sûrement très forte. Ça me rassure sur la situation actuelle. Mais il reste encore la possibilité du système de péréquation. Comme c’est figé maintenant, c’est une satisfaction, mais maintenant j’attends la décision officielle. On était dans une demie passe, c’est à moindre mal. Si on parle de maintien, je suis content et soulagé, si on parle de sport, on voulait le maintien sur le terrain.
Quels ont été les points forts du RCA ?
Je pense que LE point fort, ça a été le groupe. Quand je parle du groupe c’est en premier lieu les joueurs, ils ont énormément donné. Mais il y a aussi le staff, qui a aussi élevé son curseur. C’est tout cet esprit de groupe du club autour de l’équipe. Tout le monde a bossé comme des dingues, vu de l’intérieur c’était impressionnant. Le groupe a travaillé d’arrache pied, toute la saison. On était trente aux entraînements physiques, Bertrand (ndlr : Legranger) en était presque débordé (rire). Les gars ont pris conscience qu’ils devaient s’y filer. Du côté des entraîneurs, on s’est dit qu’on devait donner plus de temps aux vidéos, analyser l’adversaire mais aussi notre jeu. Nos dirigeants se sont mis au diapason. Ça nécessite plus d’efforts, on s’est par exemple déplacés dans les conditions les plus sereines possibles. En plus d’en trouver, les bonnes idées arrivaient à nous et ça marchait. L’état d’esprit était donc en point fort numéro 1. Et le deuxième je dirais notre capacité à ne rien lâcher. On ne s’est jamais avoués vaincus, sans renier notre jeu. Les plans de jeu étaient respectés, on a été performants, on a posé des problèmes à pas mal d’équipes dont les équipes du top 4, avec des bonus, des bonnes performances. Je dirais même que le haut de tableau nous allait bien !
Quels ont été les points faibles du RCA ?
Je pense d’abord à notre capacité à être lourds. On a rencontré des équipes qui étaient plus lourdes que nous. Quand les mecs en face de nous, nous surpassent en terme de poids, ça devient vite compliqué. Je pense à Wolgang Schlachter, qui a le profil pour user les défenses. On veut faire subir, on veut être plus puissants, si on manque de joueurs comme ça, on peut être mis en difficulté.
Je pense ensuite à notre jeu de pied, sans parler de tirs au but. Clément Bamière nous donnait un très bon jeu de pied en début de saison mais s’est blessé par la suite. Notre capacité à trouver les touches par la suite a connu beaucoup de lacunes, il y avait des matchs où je n’en pouvais plus, je m’arrachais les cheveux ! Quand on bataille pour récupérer des ballons ou des pénalités et ne pas trouver la touche parce qu’on veut la trouver loin alors qu’il faut juste que la balle sorte, c’est frustrant.
Et enfin je pense à notre capacité à être malins/stratégiques. Durant les temps forts, on doit pouvoir accélérer et durant les temps faibles on doit restreindre le jeu. Mais c’est aussi des fautes de management du staff, j’en suis conscient. Certains moments dans le dur on se tenait à notre identité. En difficulté ça veut dire qu’on est fatigués, sans solutions, on dépense beaucoup d’énergie et on doit être capable de réduire la voilure. C’est un peu un soucis d’expérience en fait. Elle viendra sur le vécu dans la division. On repartira avec nos bagages, et tout ce qu’on a pu voir durant ces seize matchs nous servira pour le futur.
Suite de l’interview demain à 18h.
Propos recueillis par Benjamin Poupart
Crédits photos : Coralie Sombret, Roland Sauval, Léandre Leber