Année après année, Hirson (02) réitère l’exploit de rassembler le temps d’un samedi de janvier une centaine de sportifs à l’ambition étonnante.
Terriens (bien que certains nous fassent douter), ces derniers s’acharnent au fil des essais à s’élever le plus haut possible, à lutter quelques instants contre la gravité avec habileté. Cela fait 24 ans que ça dure et 2020 n’a pas dérogé à la règle.
Comme à l’accoutumée, les concours se sont enchaînés tout au long de la journée dans le gymnase Georges Hébert. Les vainqueurs successifs l’ont emporté en franchissant des barres de plus en plus élevées avant que les concours national féminin et international masculin ne se tiennent à la tombée de la nuit.
C’est là que l’organisation réussit peut-être son plus beau défi en faisant s’asseoir côte à côte dans les gradins des spécialistes de la discipline de toute l’Europe, des habitués locaux cochant la date chaque année et des curieux découvrant l’écrin pour la première fois le temps d’une soirée.
Trois athlètes amiénois étaient de la partie
La jeune Kazakh et néo-amiénoise Yekaterina Kuchina (du même nom que Mariya, 5 fois championne du monde de la spécialité), est parvenue à franchir 1m67 (IR1) avant de buter par trois fois sur 1m71. Son record personnel à 1m70 semble vivre ses dernières semaines. Dans le même concours Fatoumata Balley signait 1m75 (N3). S’offrant trois tentatives convaincantes mais encore insuffisantes à 1m78, elle améliore son record personnel en salle. Son concours bouclé à 1m76 en juillet dernier à Amiens reste référence, mais pour combien de temps ? Les deux Amiénoises terminent respectivement onzième et sixième du concours national féminin.
La réaction de Fatoumata Balley :
Quel était ton état d’esprit en arrivant à Hirson ?
J’avais déjà sauté cette saison mais ce n’était pas génial (1m66 à Amiens le 11 janvier). Je ne m’attendais pas à faire une performance proche de mon record. Je ne suis pas en grande forme, j’ai des problèmes de tendons, je ne me suis pas beaucoup entraînée. J’étais sur une reprise de ma course d’élan de mon record. Je ne pensais pas que je ferai 75 aujourd’hui.
Tu valides donc 1m75 avec des sauts intéressants à 1m78, qui plus est tôt dans la saison. C’est satisfaisant ?
Oui c’est ça. C’est mon record en salle, j’étais à 72. Franchement c’est positif. On va reprendre l’entraînement tranquillement. On va soigner mon tendon, il est temps, cela fait quand même un an. On va attaquer sur les championnats un peu plus hauts.
Justement quelle sera la suite du programme 2020 pour toi ?
Il y aura les Nationaux et puis les Élites et même peut-être les Championnats d’Afrique (ndlr : Fatoumata est née à Conakry, en Guinée). J’attends que les minimas sortent. J’ai raté les Jeux d’Afrique, j’avais fait la performance mais je ne me suis pas signalée assez tôt mais j’aurais pu les faire. Donc j’aimerais me venger sur les Championnats d’Afrique.
William réussit 2m18, tu réalises 1m75, c’est une soirée pleine pour l’Amiens Université Club ?
C’est mon partenaire. La plupart du temps quand il réussit, je ne réussis pas ou inversement. Mais aujourd’hui on a tous les deux égalé ou presque notre record donc c’est super. C’est parfait.
Pour conclure la journée, le concours international masculin voyait s’opposer quelques spécialistes internationaux et surtout quatre des cinq meilleurs performeurs français de l’été dernier. C’était donc l’occasion d’envoyer un signal fort à la concurrence nationale, occasion que William Aubatin n’a pas manquée. Débutant à 2m06, avec un seul accroc à 2m10, William a égalé son record personnel en franchissant dès le premier essai 2m18 (N1). Trop juste à 2m21, il franchira le cap plus tard mais s’empare d’ores et déjà de la tête des bilans français en compagnie de Mathieu Tomassi. L’Amiénois se classe troisième du concours et premier tricolore aux essais. La victoire est revenue au Suisse Loïc Gash, auteur de 2m24.
La réaction de William Aubatin :
Comment abordais-tu le meeting hirsonnais ?
Hirson c’est un grand rendez-vous donc forcément avec beaucoup d’attentes et d’appréhension en espérant performer. C’est toujours un beau et un grand rendez-vous ce meeting. Je suis arrivé avec l’envie de montrer qu’en France on est capable de sauter très haut et le fait de savoir que j’allais être dans le concours international, cela m’a permis encore plus de me dire : « tu as tes cartes à jouer ici et tu peux montrer « au monde entier » que les sauteurs en hauteur français sont capables d’aller aussi haut que les autres ».
Tu nous racontes un peu ta soirée ?
Pendant mon échauffement je me sentais super bien. C’est vrai que ce n’est pas forcément évident de se remettre dans un concours après la petit coupure qu’il y a avec la présentation. Mais il faut apprendre parce que c’est comme ça dans les concours internationaux, ils nous présentent et il faut s’habituer à ce genre de conditions. J’ai essayé de me remobiliser assez rapidement après le petit échec à 2m10. Il m’a fait du bien car j’ai su me remettre dans mon concours.
Je manque encore de rigueur sur ma course d’élan. Je n’arrive pas à mettre de la vitesse tout de suite. Je me trompe en agrandissant mes foulées plutôt que de continuer à appuyer au sol. Je remarque vite ça pendant le concours. Moussa qui était là pour m’aiguiller me l’a fait vite noter (ndlr : il évoque Moussa Sagna Fall, entraîneur à l’INSEP). Ce qui est cool c’est que je continue de reculer sur mes marques ce qui veut dire que je n’avais pas peur d’y aller et ça m’a mis en confiance.
2m21 c’était là, c’était faisable aujourd’hui
Tu parviens à franchir 2m18 et égales donc ton record, quel sentiment domine ?
Satisfait mais toujours déçu de ne pas avoir passé ce cap des 2m20 parce que 2m21 c’était là, c’était faisable aujourd’hui. Malheureusement j’échoue trois fois.
Battre les autres français c’est forcément important aussi ?
Oui bien-sûr, cela montre que le titre de l’année dernière n’était pas là pour faire joli (rires). J’ai quand même toujours besoin et de montrer et prouver que je peux faire partie des meilleurs français. J’ai toujours cette envie d’être le meilleur français. Là, aujourd’hui c’est le cas.
« Jean-Paul nous a laissé un riche héritage, […] c’est un message pour lui. »
Fatoumata a également réussi sa soirée, la dynamique est bonne ?
C’est l’état d’esprit du groupe en général. Je veux quand même en parler aujourd’hui. Jean-Paul nous a laissé un riche héritage, il fallait qu’on montre aux autres que malgré sa disparition on n’était pas perdus. Il nous a légué énormément de choses et de savoirs pour qu’on puisse se débrouiller et c’est ce qu’on est en train de prouver. Fatoumata qui revient avec 1m75, moi qui reviens avec 2m18 c’est un message pour lui. Nous ne sommes pas finis, bien au contraire.
William et Fatoumata participeront le 15 février prochain au meeting de saut en hauteur organisé par l’Amiens Université Club. Un plateau de qualité est en cours de finalisation. Il comptera assurément Fatoumata et William qui auront à cœur de faire encore mieux à domicile.
Vincent Guyot
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