FOOTBALL – Alou Sissako : « Le côté éducatif est vraiment au-dessus de tout »

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Alou Sissako, éducateur à l’ESC Longueau où il est en charge des U10, revient pour nous sur ce qui l’a amené là et sur son travail auprès des jeunes.

Bonjour Alou, pour commencez, pouvez-vous vous présenter ?

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Je suis éducateur à Longueau. Par le passé, j’ai aussi été joueur, j’ai été en centre de formation, j’ai fait des matchs en Allemagne, en Italie, j’ai aussi fait des entrées en National, aussi. Suite à de nombreuses blessures, j’ai dû arrêter, d’ailleurs je me refais opérer dans 3 semaines (l’interview a été réalisée le 9 janvier, ndlr). J’ai toujours été un passionné de sport, c’est pour cela que, malgré les blessures, j’ai continué en tant qu’éducateur. J’ai commencé à être éducateur, c’est assez drôle, parce que c’était quand j’étais en centre de formation, on n’avait pas le droit de manger au McDonald’s et quand le responsable du centre de formation nous a vu au McDo, il nous a mis une petite « punition », il nous a demandé de nous occupé des jeunes. Et là, j’ai apprécié de voir comment ils écoutaient, comment cela nous responsabilisait. Et depuis ce jour-là, je n’ai jamais arrêté même dans les autres clubs où j’ai été. Même quand j’ai été en Italie faire des essais, j’étais avec des petits italiens, j’essayais de faire même si je ne savais pas parler avec eux.

Avec quelles catégories d’âge travaillez-vous ?

Jusqu’à l’année dernière, j’étais à Camon. Là-bas, j’ai eu toutes sortes de catégories d’âge : foot à 5 jusqu’à 9 ans, foot à 8 jusqu’à 13 ans et U14-U15. Cette année, j’ai les U10, c’est-à-dire la génération née en 2010. C’est ma première année à Longueau et je ne regrette pas du tout. J’ai été à Camon pendant 7 ans, j’ai passé de belles années, j’ai eu de superbes années. Dans la Somme, je pense que, chez les jeunes, c’est le meilleur niveau. Mais je regrette de ne pas être parti à Longueau avant parce que, si le niveau est moins élevé, les conditions de travail sont meilleures. On est mieux encadrés par Sébastien Leraillé. C’est un passionné, il nous donne des conseils. Le président René Playe est aussi très proche de nous, il suit tout ce que l’on fait, on peut discuter ensemble de nombreux projets. C’est ce qui fait que je m’y sens beaucoup mieux.

Vous avez dit avoir travaillé avec de nombreuses catégories d’âge, quelles sont les différences dans la manière de s’adresser à ces différents publics ?

Cela fait dix ans que je suis éducateur, sur cette période, je n’ai jamais crié sur un joueur.

Il faut savoir s’adapter. Dans la vie, je suis éducateur sportif, j’ai l’habitude de travailler avec des publics différents. Par exemple, quand tu entraînes des jeunes de 17-18 ans, il faut savoir faire preuve d’empathie, leur parler comme un grand frère tout en leur fixant une limite pour pas qu’ils ne prennent la confiance. Les jeunes de 13-14 ans sont dans une période de rébellion envers l’adulte, si tu le mets remplaçant, il va directement rentrer dans le conflit, il ne va pas vouloir s’échauffer correctement, donc il faut faire attention, expliquer, prendre le temps. Pour les plus jeunes, les U10, il faut être plus cool, amener ça de manière ludique, tout en les faisant travailler.

Cela fait dix ans que je suis éducateur, sur cette période, je n’ai jamais crié sur un joueur. Enfin, sur un petit, sur les plus grands, oui, mais sur un jeune, jamais. Quand il fait une bêtise, je viens le voir calmement pour lui expliquer, je le questionne. Par exemple, je ne lui demande pas : « pourquoi tu as fait ça !? », je lui dis : « est-ce que tu penses que ce que tu as fait, c’était correct ? », ensuite, à lui de trouver les réponses. Et en général, il ne recommence pas.

Par rapport à des joueurs plus âgés, quel est l’importance du sportif dans le travail auprès des plus jeunes ?

Avec les jeunes de cet âge-là, tous, dans leur tête, ils vont être footballeurs. Il faut être honnête, il y en aura très peu. Mais, à cet âge-là, c’est aussi important qu’ils rêvent, qu’ils aient cette idée en tête. Cela leur permet d’avoir des objectifs, de prendre confiance. Quand les jeunes, on les amène au Paris SG et ils gagnent 4-1, ils s’y imaginent déjà. Mais, à l’inverse, quand on prend des gros scores, on a déjà pris 6-0 contre Séville, ça remet les idées en place. Si on reste dans la Somme, ils gagnent tout, ils peuvent gagner sur des scores comme 20-0, ils se croient les meilleurs. Le fait de faire ce genre de match, cela leur permet de voir qu’il y a meilleurs ailleurs. Et ça ne les démoralise pas non plus, ça leur donne envie de continuer.

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Mais sinon, je suis aussi beaucoup sur le côté éducatif. Cette année, je ne l’ai pas fait avec mes U10 de Longueau mais dans les années précédentes avec les 11-13 ans, j’avais un suivi avec les professeurs. Je fais des entretiens 3-4 fois par ans avec les parents. J’ai même proposé à des jeunes un petit espace, avant l’entraînement, pour faire les devoirs. C’est vraiment important, je compte vraiment dessus. Le comportement, c’est aussi vraiment important pour moi. Je demande cela avant tout à mes joueurs. J’ai deux bons joueurs qui ont eu un mauvais comportement, ils n’ont pas été pris pour un tournoi. Par exemple, je suis arrivé, j’ai vu des jeunes qui ne serraient pas la main aux adultes, qui ne disaient pas bonjour. Je corrige ça, je les garde 5 minutes dans le vestiaire, je leur refais des petites règles. Depuis, ils sont vraiment bien disciplinés. Le côté éducatif est vraiment au-dessus de tout. A cet âge-là, c’est vraiment important, on ne peut pas privilégier le résultat. En U10, il n’y a pas de championnat, ce ne sont que des plateaux amicaux. Il n’y a rien à jouer, il faut juste qu’ils prennent du plaisir.

Il n’y a donc pas une grosse exigence sportive à cet âge-là ?

Non, les tournois où l’on va, que l’on finisse premier ou dernier cela ne changera rien. C’est juste de l’expérience pour eux, du plaisir. Après, les jeunes, quand ils gagnent tous les matchs sur un score fleuve, ils ne prennent pas de plaisir, ils s’ennuient. Par contre, quand on fait un tournoi où l’on tombe sur une poule très relevée, on a fini 4ème sur 6 ou 3ème sur 4, les joueurs ont compris. Ils sont un peu crispés parce qu’ils ont pris des gros scores, mais, l’après-midi, ils sont reversés avec des équipes du même niveau, il arrive qu’ils gagnent ou perdent, mais ils sont contents parce qu’ils ont envie de se retrouver avec des joueurs de leur niveau. Et je vous promets qu’après avoir fait un match ou un tournoi relevé, à l’entraînement, ils sont plus à l’écoute. Plus que s’ils avaient gagné 20-0 avec des joueurs qui marquent 5 buts. C’est pour ça que j’ai beaucoup de contacts avec des grands clubs comme le Paris SG, Lille, Rennes, Nancy, Lens, ces clubs-là, dès que la saison commence, ils viennent vers moi pour des matchs. Ils ne savent même pas quelle équipe j’ai, ils me le demandent, et me proposent d’organiser une rencontre parce qu’ils connaissent ma manière de faire avec les jeunes, ils savent que je ne viens pas pour fanfaronner. Il y a également l’Amiens SC contre qui on a déjà joué trois fois cette année.

C’est quelque chose que vous pouvez mettre en avant pour venir dans un club, parce que c’est un atout pour le club dans lequel vous officiez de pouvoir bénéficier de votre réseau ?

Je vous explique comment je suis arrivé à Longueau. J’étais à Camon, on se faisait contrôler par le label. Ce sont les notes pour savoir si l’école de foot sera en excellence ou autre. Un responsable du district est venu, il regardait beaucoup ma séance. Je ne sens aucune pression, je reste moi-même, je rigole avec les jeunes, je leur montre. Et à la fin de la séance, il me dit « super séance, on en voit rarement comme ça », parce que certains éducateurs ont peur, crient, moi j’étais serein.

La méthode Coerver, toute la séance, tu touches le ballon, tu ne cours pas sans ballon, tu es toujours en mouvement avec le ballon. Et avec ça, les joueurs progressent à une allure fulgurante.

J’en profite pour faire une parenthèse sur le genre de séance que je fais. Ça vient d’un groupe Whatsapp sur lequel il y a tous les meilleurs éducateurs des grands clubs français et on partage nos séances. Et comme j’avais des joueurs de qualité, capables de les reproduire, je faisais ça. Cela s’appelle la méthode Coerver. Des clubs comme l’Ajax ou le Bayern, chez les jeunes, ils ne font que ça. Toute la séance, tu touches le ballon, tu ne cours pas sans ballon, tu es toujours en mouvement avec le ballon. Et avec ça, les joueurs progressent à une allure fulgurante. Je pense d’ailleurs que c’est pour ça que les équipes que j’ai ont un bon niveau.

Et donc, pour en revenir à cette personne qui contrôlait au niveau du district, c’était aussi le responsable de Longueau. Il m’a appelé et comme je lui avais dit que je ne comptais pas resté à Camon pour des raisons personnelles… Cela faisait 7 ans que j’étais là-bas. Au début, c’était vraiment magnifique avec une équipe d’éducateurs incroyable, tous soudés. Par exemple, quand j’entraînais, les entraîneurs des autres catégories venaient avec moi et vice-versa. Cette union entre éducateurs faisaient de nous un exemple dans la Somme. Quand le responsable, Cédric Pruvost est parti, tous les éducateurs sont partis un par un, j’étais l’un des derniers. Et l’année dernière a été compliquée. Pas sportivement, pour être honnête, c’était peut-être la meilleure équipe que j’ai eu. Mais les conditions de travail étaient compliquées. On avait très peu de terrain, pas de suivi. Si je n’avais pas de contacts, on n’aurait rien fait. Dans les matchs de plateau, l’équipe que j’avais a, par exemple, gagné un match 43-0 et un autre 37-0… Moi, j’avais proposé, et les parents étaient prêts à suivre, de ne faire que des matchs amicaux au lieu de faire des plateaux. Le club a refusé alors qu’il n’avaient jamais vu jouer les jeunes. Je ne suis pas rentré en conflit, j’ai fait les plateaux, on a mis 110 buts en 3 matchs. Au bout d’un moment, Jean-Paul Lucas, qui était responsable, m’a dit d’aller faire des amicaux. Et là, premier match, on fait 0-0, deuxième match 2-2, troisième match 5-4, c’était la meilleure chose à faire. C’est par rapport à ça que je suis parti à Longueau.

A Camon, ils pouvaient me dire ce que je devais faire sans voir les jeunes. A Longueau, Sébastien Leraillé vient voir les jeunes tous les mardis. Je suis en train de faire ma séance, les joueurs font un exercice, il vient voir le joueur, lui donne un conseil. Ça, j’aime ! Alors qu’à Camon ce n’était pas ça, ils savaient à peine les prénoms des jeunes. Donc dès qu’il m’a appelé, j’ai senti qu’il était investi, comme Cédric. Et moi, je veux travailler avec des gens comme ça.

Est-ce que vous auriez un objectif personnel plus élevé pour le futur ?

Oui, j’ai des objectifs personnels, j’ai beaucoup de contacts, mais je préfère rester discret à ce niveau. Mon premier objectif, cela va être de valider le BMF, qui va m’ouvrir des portes pour les années à venir.

Je voudrais aussi ajouter une chose. C’est une des meilleures années que je passe actuellement à Longueau, car même s’il y a moins de qualités que ce que j’ai pu connaître, ça me donne un travail différent pour les faire évoluer. Et je trouve que ça a déjà bien évolué. Mais je suis un peu déçu parce que je vais de nouveau me faire opérer du genou et je vais donc être absent pendant plusieurs mois. C’est le bémol de cette belle saison.

Morgan Chaumier

Crédit photo : DR