Après une splendide carrière en tant que patineuse, Fanny Cagnard a fait le choix de devenir entraîneur depuis maintenant 16 ans.
Ancienne patineuse de l’équipe de France, Fanny Cagnard a eu l’opportunité de vivre des expériences intenses et de vibrer lors de grandes compétitions dès son enfance. Après avoir fait le tour du monde et participé aux plus grands championnats, elle entame aujourd’hui sa 11ème saison en tant qu’entraîneur au Amiens Patinage Club. Aujourd’hui, Fanny Cagnard nous fait part de son aventure trépidante et atypique.
D’où vous vient cette passion pour la patinage artistique ?
Je suis Amiénoise. J’ai été formée ici, au club d’Amiens, par Patrice Macrez, qui a été mon entraîneur de toujours. J’ai commencé à l’âge de 5 ans, un peu par hasard, en vacances à la montagne. On y a découvert le patinage, et j’ai dit : « C’est ça que je veux faire ». Et notamment, quand j’ai vu Katarina Witt à la télé, je me suis dit : « Ouais, vraiment, c’est ça que je veux faire ! »
Il se trouvait qu’il y avait un club à Amiens. Mes parents m’ont inscrite, et puis ça a débuté comme ça. De fil en aiguille, j’ai été détectée. Ensuite, on a fait en sorte de me scolariser dans un périmètre proche de la patinoire pour pouvoir enchaîner les entraînements.
Aussi, je faisais d’autres choses à côté. J’ai fait du cirque pendant longtemps, j’ai fait de la danse et puis il s’avérait que j’étais plutôt pas mal aussi dans ces disciplines. J’ai dû alors faire un choix. Quand on a 7-8 ans et qu’on doit faire un choix, ce n’est pas évident, surtout quand on est sollicitée à droite et à gauche.
Je suis fière de la carrière que j’ai eue. Ça fait de moi la personne que je suis à ce jour.
Fanny Cagnard
Pour une enfant de 8 ans, n’était-ce pas trop compliqué d’allier les études avec les compétitions ?
J’avais conscience de la chance que j’avais d’avoir fait un tour du monde à mon âge et que c’était vraiment plus moteur pour moi d’être sur ce chemin, plutôt que d’être à l’école. J’étais scolarisée normalement, mais les professeurs me donnaient les devoirs en avance. À l’époque, Internet n’existait pas donc j’envoyais les devoirs par fax, ou alors je les rendais à mon retour. Je devais faire des reportages pour ma classe, pour expliquer le pays dans lequel j’ai été, ramener la monnaie et le courrier local. C’est atypique mais pour moi, zéro regret !
Je suis fière de la carrière que j’ai eue. Ça a fait de moi la personne que je suis à ce jour. Mais il y a eu autant de bonnes expériences que de choses pas évidentes. Par exemple, quand on est jeune et que l’on est championne, qu’on est régulièrement dans les journaux, il est difficile de se faire des amis. La méchanceté et la violence gratuite, c’est partout. Alors quand je revenais de compétition, je ne voulais surtout pas qu’on dise que j’avais gagné, que j’étais différente des autres. J’avais juste envie d’être comme tout le monde à l’époque. Maintenant, je revendique ma différence. Avec le recul, je m’en fiche et je l’explique comme ça aussi à mes élèves. Par rapport à mon vécu, je les invite à être comme ils sont et à se plaire, à s’aimer.
Quelle a été la suite de votre parcours ?
J’ai eu la chance de plutôt bien progresser. J’ai été en équipe de France pendant une dizaine d’années. Plusieurs titres de championne de France, vice-championne de France, des championnats du Monde, des grands prix, j’ai été internationale senior. Donc une très belle carrière en tant que patineuse.
J’ai voulu devenir entraîneur assez rapidement. Mais en même temps je voulais me prouver que j’étais capable de faire autre chose. Je voulais être sûre, donc je me suis un petit peu cherchée. En équipe de France, j’avais un contrat qui me cloisonnait un peu. Je n’avais pas le droit de faire autre chose que le patinage, on n’avait pas le droit aux sports à risque par exemple. Rien que de faire des pointes, de jongler, et autres. Il fallait vraiment que je me préserve pour l’équipe de France, pour les grandes compétitions, parce que quand on est positionnée sur des championnats du monde, sur des grands prix et autres, il ne faut pas se blesser. J’ai même été remplaçante aux JO de Nagano en 1998, donc la chose la plus élevée en terme de qualification. On n’a pas le droit à l’erreur. Donc, sans être mis dans une bulle, il y a plein de choses que, contractuellement avec l’équipe de France, on n’a pas le droit de faire.
A partir du jour où je n’ai plus été sous contrat, je me suis un peu lâchée, éclatée, j’ai fait tous les sports à risque ! (Rires) Je me suis dit « Ça y est, j’ai eu cette période de réserve où je me suis complètement donnée, corps et âme, à ma passion, avec tout ce que cela impliquait ». Je ne dirais pas que c’était un sacrifice, c’était de l’investissement.
L’idée c’était de devenir peut-être un jour aussi bonne entraîneur que ce que j’avais pu être patineuse.
Fanny Cagnard
Vous avez ensuite décidé de devenir entraîneur. Comment cela s’est passé ?
Après, quand j’ai su que je voulais vraiment être entraîneur, j’ai fait les formations pour. L’idée c’était de devenir peut-être un jour aussi bonne entraîneur que ce que j’avais pu être patineuse. Et ça n’est pas évident au début parce qu’on a les titres qui nous portent, mais après on a du mal à être crédible au début, et puis il faut se faire ses bases. Quand on a eu un entraîneur comme le mien, c’est un peu comme le poids du père qui est l’exemple. Du coup voilà, il faut se faire sa place mais je pense que là je n’en suis pas loin, ou en tout cas, je m’en rapproche. Donc c’est chouette.
C’est ma 11ème saison au club d’Amiens, mais ça fait 16 ans que j’entraîne. Avant d’être sur Amiens, j’ai eu d’autres expériences, j’ai bougé, j’ai pu voir les méthodes de coaching aux Etats-Unis, tout en continuant à patiner un petit peu mais c’était plus de l’entretien. Après j’ai travaillé à Cergy-Pontoise où il y avait un bon Pôle Espoir, ensuite j’ai travaillé à Reims. Comme j’avais l’opportunité de passer le brevet d’Etat deuxième degré d’entraîneur, j’ai suivi cette formation qui était assez intense et dans la foulée de ce diplôme, il s’est avéré que mon entraîneur avait besoin d’une adjointe donc j’ai commencé comme ça et il m’a passé le relais. J’aime beaucoup Amiens, et j’aime beaucoup ce que je fais.
Vous ne vous occupez que de la filière compétition ?
Je ne m’occupe pas que de la filière compétition, je m’occupe du loisir aussi. Donc au quotidien c’est vrai que la filière compétition me demande plus de temps de présence parce que c’est matin, midi et après-midi. Pour le loisir, c’est concentré sur les mercredis, samedis et dimanches. Je m’y tiens parce que c’est important qu’ils voient l’entraîneur référent sur les séances, pas seulement les initiateurs et les encadrants. Ça me permet d’avoir une vision globale et réelle des problématiques du terrain, d’être sûre que mes initiatrices transmettent les bonnes informations et la bonne dynamique, ou en tout cas que ça reflète le projet sportif et l’esprit que j’ai envie de mettre en place au sein du club. Et puis ça permet de faire de la détection et de préparer les années à venir et la relève.
Comment s’est fondé l’Amiens Patinage Club ?
A la base c’était l’Amiens Sporting Club. Ça regroupait le hockey et le patinage. Et puis il y a eu une scission, même si au début on avait la même fédération (NDRL : Fédération Française des Sports de Glace. Le hockey et d’autres disciplines y étaient affiliés), il y a eu un besoin de scinder les deux donc il y a eu le club de Hockey (HCAS) et l’Amiens Patinage Club. Le club a été fondé à l’époque où je patinais. Mon papa, Daniel Cagnard, s’est retrouvé président du club en plus de son travail pour l’Office des Sports d’Amiens Métropole. Cela fait plus de 30 ans que l’on existe.
C’est pas un raté qui est ridicule, c’est de ne pas oser.
Fanny Cagnard
Outre les bienfaits physiques et psychologiques, qu’est-ce que votre discipline peut apporter ?
Mes élèves le disent tous, il se passe quelque chose au niveau de la gestion de leur stress pour les examens, pour faire des oraux, parler devant les professeurs ou devant une classe, ou après un échec ou une déception, pour surmonter leurs émotions. Ça les aide vraiment au niveau construction je pense. J’espère que c’est ça qu’ils retiendront en tout cas. Le sport est une bonne école de la vie. A partir du moment où on fait du sport, si on a un éducateur qui est passionné et impliqué, il transmet forcément des valeurs et je pense qu’après ça se retrouve dans le quotidien. Moi je sais qu’il m’a transmis la ponctualité, la persévérance, le dépassement de soi. Je suis quelqu’un de très exigeant envers les autres mais parce que je le suis envers moi-même. Il y a une phrase qui est interdite en entraînement, c’est « Je n’y arrive pas ». Et ce que je leur répète souvent c’est qu’il n’y a pas de performance sans souffrance. La souffrance n’est pas forcément physique, elle peut être mentale. C’est sortir de sa bulle de confort, oser des choses. C’est pas un raté qui est ridicule, c’est de ne pas oser.
La deuxième partie de cette entretien, sera à retrouver demain, sur le site et sur le facebook de Gazette Sports.
Angélique Guénot
Crédits photos : Kévin Devigne – GazetteSports