MUAY-THAÏ : Valentine Roger, professionnelle par passion

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Professionnelle depuis quelques mois, Valentine Roger avait pris le bronze aux championnats du monde en mars dernier. Profondément attachée à son club (MuayThai Amiens), elle se montre ambitieuse pour l’avenir, elle qui mène de front son métier de professeur et sa carrière de sportive.

Bonjour Valentine, pour commencer, peux-tu nous parler de ton parcours dans le muay-thaï ?

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Je m’appelle Valentine Roger j’ai 27 ans et je pratique le muay-thaï depuis sept ans. Après un an de pratique j’ai commencé la compétition, j’ai fait toutes les classes amateurs, semi-pro, et là je suis professionnelle depuis quelques mois. J’ai fait mon premier combat professionnel en mars dernier, au championnat du monde, même si c’était sur un format amateur, et j’ai pris la médaille de bronze. Là j’espère rester en équipe de France et aller chercher la ceinture nationale en professionnel, puisque je suis déjà championne de France en amateur et semi-pro. 

Comment en es-tu venue à faire du muay-thaï ?

J’ai toujours été très sportive, j’ai fait de l’équitation très longtemps, couru à la fac, de la natation et j’ai fait STAPS. J’ai toujours été « sports individuels » et j’avais un copain qui faisait du muay-thaï. J’avais envie de tester un sport de combat, je ne savais pas lequel, mais comme il me disait du bien du club (ndlr : MuayThaï Amiens) j’ai fini là-bas et à partir du moment où j’ai franchi la porte j’ai passé tous mes soirs là-bas !

J’ai vu que tu étais allée t’entraîner en Thailande cet été, peux-tu nous expliquer cette démarche ?

L’été je vais en Thaïlande pour la boxe, mais aussi parce que j’adore le pays. Habituellement je voyage là-bas, mais cette année j’ai vraiment fait le choix d’aller m’entraîner. Sur place je m’entraîne dans un camp : L’Emerald Club Gym.

« C’est vraiment un sport qui est très imprégné culturellement parlant »

Quels sont les avantages à aller là-bas ?

C’est vraiment un sport qui est très imprégné culturellement parlant, pour eux c’est religieux même. Il y a pleins de rituels, avant et après le combat, le Bouddhisme est imprégné dans la boxe. Pour moi ce n’est pas religieux parce que je ne dirais pas que je suis Bouddhiste mais c’est très spirituel en tout cas.

J’imagine qu’il y a un petit « quelque chose en plus » à aller s’entraîner en Thailande ?

Oui c’est sûr, même si en France on respecte beaucoup toutes les traditions. Il faut savoir que c’est un sport très technique avec beaucoup plus « d’armes » que la boxe anglaise qui n’a que les poings. Du coup les techniques sont quasiment infinis et ce sont vraiment les Thaïlandais qui ont 90% du savoir, quand on travaille en France on n’a pas tout ce côté un peu « secret ». Là bas on apprend pleins de choses et on est avec des personnes pour qui ce sport représente tout. Certains boxeurs qui nous entraînent montent sur les rings depuis l’âge 4 ans, ils connaissent tout.

Tu nous as dit être professionnelle, qu’est-ce que ça signifie être « professionnelle » en Muay-Thai ?

C’est vraiment une reconnaissance de niveau. Je ne peux pas en vivre, car déjà je suis une femme et je suis moins bien payée que les garçons. Mais même pour les garçons, à part les stars du muay-thai, en France on ne peut pas en vivre.  Il y a peut-être 1% des pratiquants qui gagnent leur vie… et encore.

« Je ne peux pas en vivre, car déjà je suis une femme et je suis moins bien payée que les garçons »

Comment se déroule une saison dans ton sport ?

Il y a les combats fédéraux, les championnats et les coupes même s’il n’y en a plus trop en professionnel. Le championnat de France est étalé sur l’année, c’est comme une coupe du monde au foot, il y a un tableau et quand on perd on est éliminé. Après il y a les combats sous le cadre d’une fédération mais qui sont organisés par des promoteurs. Ce sont des soirées où nous sommes invités à venir combattre.

Tu as connu une année blanche en 2016 (ndlr : à cause d’une blessure); penses-tu être revenue plus forte après cela ?

Je n’y avais jamais vraiment réfléchi mais c’est vrai que cette blessure était arrivée dans une période où j’avais pris deux grosses défaites. Peut-être que ça m’a fait du bien de prendre du recul, de faire une pause et de pouvoir repartir d’un nouveau point de départ.

Depuis c’est vrai que tous mes combats se sont bien passés. Je ne sais pas si ça a changé quelque chose ou pas, mais j’ai toujours eu dans ma carrière des périodes de très haut et d’autres où j’ai plus de mal à me motiver. Et c’est vrai que depuis mon retour je suis plutôt dans une période haute, où j’ai vraiment envie.

Comment on s’entraîne quand on est professionnel de Muay-Thai ?

Je m’entraîne dix heures par semaine, deux heures par jour, du lundi au vendredi. En terme de rythme d’entraînement j’ai gardé le même depuis mes débuts, même si c’est plus intense aujourd’hui. Sinon on s’entraîne tous ensemble, débutants comme pros ou amateurs. C’est juste que le coach s’occupe des compétiteurs. 

Le fait de continuer à s’entraîner tous ensemble; c’est aussi l’un des forces de votre club ?

Oui carrément, c’est ça qui m’a fait aimer ce sport, et au delà du sport, c’est ce qui m’a fait aimer ce club. Il y a vraiment une ambiance bonne enfant, tout le monde s’entraide, quand il y a un débutant, les confirmés sont là pour le conseiller, on tourne tous ensemble et on fait attention les uns aux autres. Les débutants voient les confirmés et ça leur donne envie d’avancer. Nous (ndlr : les confirmés), on est aussi là pour filer un coup de main, car nous n’avons qu’un coach qui passe vraiment sa vie au club.

Tu as fait ton premier combat professionnel lors des derniers championnats du monde, qu’avais-tu ressenti ?

(Elle réfléchit)… au-delà du statut pro, franchement mon adversaire m’impressionnait beaucoup. Je m’étais renseignée et elle avait beaucoup d’expérience, elle était hyper technique. C’est une fille qui vit en Thaïlande, elle s’entraîne là-bas tout le temps, du coup c’était plus l’adversaire qui m’impressionnait au début. Et puis en fait ça s’est plutôt bien passé. C’était en format amateur donc je n’avais que 3 rounds, là en France quand je vais faire mon premier combat pro ça sera 5 rounds, donc la préparation sera un peu plus dure.

Tu ramènes finalement une médaille de bronze mondiale…

Franchement j’étais dégoûtée… je me voyais gagner. Quand je perds j’assume, il n’y a pas de soucis, mais là on n’a pas compris le résultat, donc j’étais dégoûtée. En plus, mon adversaire a ensuite pris la ceinture donc je l’ai un peu en travers de la gorge. Mais ça me motive aussi pour les championnats d’Europe et les Monde si j’arrive à me qualifier.

Au-delà des objectifs, as-tu des rêves ?

Hum… non, parce que je n’ai jamais vraiment réussi à me projeter loin. Je préfère vraiment prendre les objectifs un à un comme ils viennent. Et pour l’instant ça fonctionne bien comme ça.

En tant que professeur, quelle est la vision de tes collègues ou des parents, sur le sport que tu pratiques ?

En général ils m’encouragent, ils sont plutôt fiers, j’ai même des élèves qui avaient fait une cagnotte pour moi l’année dernière. Car pour participer aux championnats du monde, la fédération ne finance pas, donc on est obligés de se financer nous-mêmes. Pour cette cagnotte il y a même des parents d’élèves qui ont participé dont c’est plutôt très positif, ça fait vraiment plaisir.

« Ils nous mettent en avant, mais derrière ils nous donnent un chèque moitié moins gros »

Tu disais précédemment : « Je ne peux pas en vivre, car déjà je suis une femme ». Il y a encore beaucoup de chemin à faire dans votre sport également ?

Quand je boxe je ne le fais absolument pas pour l’argent parce que ce n’est clairement pas un sport qu’il faut faire pour cette raison. En terme d’investissement, on ne s’y retrouve pas du tout. Mais ce qui me gêne et qui me gênera toujours c’est ce qu’il y a derrière : que les filles gagnent moins alors que l’on s’entraîne aussi dur… Le pire c’est que parfois, les promoteurs disent au micro devant leur salle : « Vous avez vu les filles, elles n’ont rien à envier aux garçons », ils nous mettent en avant, mais derrière ils nous donnent un chèque moitié moins gros. Il y a encore des progrès à faire.

Souhaites-tu ajouter quelque chose ?

Oui, comme toujours je tiens à remercier mon coach : Didier Jumel, qui m’a donné l’envie de commencer, et de continuer surtout, parce que c’est ça le secret, c’est de ne pas lâcher dans un sport qui est difficile comme celui-ci. Et puis l’Emerald Gym qui m’a permis de faire un beau combat cet été et de combattre en Thaïlande, et tous les gens de mon club qui me soutiennent.

Propos recueillis par Quentin Ducrocq

Crédits photos DR / Leandre Leber Gazettesports.fr