François Leprovost et Menad Lamrani étaient tous les deux au départ d’un semi-marathon normand ce dimanche 17 mars. En difficulté aux Championnats de France de cross-country la semaine précédente, ni l’un ni l’autre n’avait pu terminer.
Brillants ce week-end, ils ont tous les deux signé une performance de niveau national sur semi. Tous les deux sont athlètes à l’Amiens Université Club et seront associés sur le 3000m steeple des Interclubs. Pour tout ce qui les rassemble, mais aussi à travers leur histoire propre, la rédaction vous propose un article commun sur les deux athlètes amiénois qui ont accepté de répondre à nos questions.
François Leprovost se surprend à Bayeux
Nouvel arrivant sous les couleurs de l’Amiens Université Club, François Leprovost a participé ce dimanche 17 mars au semi-marathon des 35èmes Foulées de Bayeux en Normandie. Avec des meilleures marques personnelles battues en 14’37 et 30’14 sur 5000m et 10km l’an dernier, François participait au quatrième semi-marathon de sa carrière.
Bonjour François, donne-nous un peu tes impressions par rapport à la performance du week-end (3ème en 1h06’48 sur semi-marathon, performance N3). C’était prévu de battre ton record sur semi-marathon ou c’est une bonne surprise ?
Ah non pas du tout ce n’était pas prévu. Au final c’est venu comme ça venait parce que je prépare le marathon de Paris. Cette semaine j’ai fait 150 kilomètres.
C’est une surprise
Le but du week-end était de faire une sortie de trente-deux kilomètres le samedi et d’enchaîner le semi avec les moyens que j’avais. Ça a plutôt bien marché parce que je bats mon record mais je ne m’y attendais pas du tout. C’est une surprise.
Tu bats ton précédent record personnel sur la distance de plus de deux minutes (1h08’54 l’an dernier). En terme de gestion de course comment tu t’es organisé ?
Je pars avec les africains et je vois à la montre 3’01 / 3’03. Les kilomètres défilent bien. Je regarde mon passage au dixième kilomètre en 30’50 je me dis que ça va un peu vite. Mais au final ça a tenu.
Tu n’as pas trop cherché à calculer, tu as suivi et tu as vu que tu avais les jambes pour accrocher la tête de course ?
C’est exactement ça. Les sensations étaient quand même bonnes, ça me semblait bizarre au vu de la séance de la veille mais comme quoi parfois on se surprend.
Tu nous as parlé de trente-deux kilomètres la veille mais tu peux nous donner le détail ?
J’ai fait quarante minutes à 15km/h à peu près et dans la foulée j’ai fait un dix kilomètres en trente-quatre minutes, un kilomètre de récupération puis un deuxième dix kilomètres en trente-trois minutes derrière.
C’est positif, cela veut dire qu’il y a moyen de faire bien mieux qu’1h06 en se préparant pour un semi ?
Oui complétement. En plus on a eu des conditions catastrophiques. Du vent, un parcours qui n’est pas si roulant, tout ça n’aide pas. Sur le 10km ils ont eu un peu de grêle mais nous on y a échappé. Pour toutes ces raisons je suis vraiment étonné.
Paris c’est maintenant dans 3 semaines. Il y a déjà un objectif chronométrique de défini clairement ou dans un coin de la tête ?
Oui, le 14 Avril. Je serai satisfait entre 2h20 et 2h21’30. Si je fais un peu plus je serai un peu déçu mais ça ne sera que mon premier. Je ne connais pas du tout la distance, il faudra être patient, partir sur des allures correctes et ne pas s’enflammer comme sur ce semi. Cela devrait se faire si je pars sur les bases prévues il n’y a pas de raisons que ça ne passe pas à moins d’une défaillance.
Je serai satisfait entre 2h20 et 2h21’30
En terme de préparation ta plus grosse semaine comptait combien de kilomètres ?
Ça sera celle qui arrive. Ma plus grosse semaine pour l’instant c’était 158km et cette semaine je devrai être aux alentours des 165-170km. On baissera la charge ensuite pour faire monter la forme. Je ferai le 10km de Landerneau dimanche en Bretagne. La semaine suivante j’ai les championnats de France de cross militaire (ndlr : 28 mars à Beynes dans les Yvelines).
J’étais à Vittel pour les championnats de France de cross-country où tu n’avais pas pu finir. Tu as quel regard sur cette course maintenant que c’est derrière toi ?
C’est comme ça, mon coach m’a dit que ça pouvait arriver. La semaine qui précédait je n’étais pas bien. Le lundi sur le footing je n’étais pas comme d’habitude et puis le mardi au bout de vingt-cinq minutes j’ai arrêté. J’ai vu le médecin, j’avais une grosse baisse de tension, un coup de fatigue. J’ai voulu quand même aller aux France avec les moyens du jour mais j’ai senti que je n’avais pas de jambes, rien pour me battre. Quand je vois aux Inters la course que je fais avec Hicham Briki (15ème français à Vittel) je me dis que j’avais quelque chose à jouer. Les France ça ne me réussit pas trop mais il va falloir que ça passe un jour.
Tu es sur Caen, tu as quitté l’EAMH (Normandie) cette saison pour rejoindre l’AUC. Comment tu t’organises en terme d’entraînement ?
Je m’entraîne seul et j’ai mon coach, Loïc Letellier qui me suit. Un grand nom de l’athlétisme français (multiple champion de France, 2h14 sur marathon et 12ème des Europe de Cross en 2002). Il entraîne Aurore Guérin notamment (33’27 au 10km – 1h16’52 au semi) et vient de prendre Guillaume Ruel (2h25 au marathon, champion de France espoir en 2018).
Pour terminer comment tu te projettes cet été ?
A mon avis ça sera une saison de piste avec les Interclubs à Amiens pour démarrer avec mon nouveau club. Je ferai les deux tours sur 3000m steeple (ndlr : record à 8’50 en 2012). Pour la suite, rien n’est décidé encore.
Menad Lamrani seul contre le vent à Elbeuf
Menad Lamrani était quant à lui du côté d’Elbeuf (76) pour le semi-marathon des Boucles de la Seine. Il remporte la course en 1h08’08 (performance N4).
Dis-nous un peu comment ça s’est passé, tu avais quelles sensations ? Pourquoi choisir de courir là-bas ?
L’année dernière j’ai participé au 10km. J’ai trouvé l’organisation très sympathique, il y avait du monde notamment Mahiedine Mekhissi-Benabbad (trois médailles olympiques sur 3000m steeple). J’ai apprécié l’organisation et le parcours qui est roulant. Cette année j’ai décidé de faire le semi-marathon pour voir ou j’en étais. Vu les conditions c’était impossible de faire un chrono. La météo était mauvaise et la concurrence assez faible. C’était difficile de courir seul contre le vent.
C’était impossible de faire un chrono
Quels sont tes prochains objectifs sportifs ?
Je vais faire encore une petite course avant de basculer vers la piste. Je vais en discuter avec mon coach mais ça sera un 10km. Ensuite cette année il y a les Interclubs avec Amiens en Elite A. Cette année le premier tour aura lieu chez nous. Je vais participer sur le 3000m steeple avec François Leprovost.
Revenons maintenant rapidement sur les championnats de France de Vittel, tu avais dû abandonner sur le cross-court.
J’étais malade, c’était impossible de courir. J’avais mal à la tête, à la gorge. Je n’étais même pas capable de faire une ligne droite. C’était impossible de courir correctement. J’étais dégouté, je me préparais pour ça. Je voulais rentrer dans les dix premiers sur le cross-court et ça n’a pas été le jour-J. Je le savais avant de venir en tombant malade trois jours avant la course. Tout l’entraînement c’était pour ce championnat, c’était difficile de repartir après cela.
Menad, sans titre de séjour, avait reçu une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) il y a quelques jours. De nombreux individus s’étaient alors manifestés notamment lundi dernier au Lycée de l’Acheuléen où l’athlète algérien est scolarisé mais aussi dans son club de l’Amiens UC où il est investi et apprécié. L’élan de solidarité a conduit à un réexamen de son dossier. La préfecture a annoncé ce mercredi qu’un titre de séjour lui sera finalement délivré.
Communiqué de presse : « La préfète de la Somme a souhaité porter une attention particulière sur ce dossier, après avoir entendu différents témoignages en faveur de M. Lamrani. Un nouvel examen approfondi a donc été mené sur cette situation. De manière tout à fait exceptionnelle, et pour prendre en compte le caractère particulièrement méritant du parcours sportif de M. Lamrani, un titre de séjour lui sera délivré prochainement. »
Maintenant sur le plan plus personnel, la réaction de la préfecture concernant ta situation est forcément un vrai soulagement ?
Oui complétement. Quand j’ai reçu l’appel de la préfecture c’était un grand soulagement. Vous n’imaginez même pas. Cela me donne de la force pour la suite.
J’imagine que tu as été aussi très touché du mouvement global qui t’a soutenu. Tes proches, tes amis du lycée, du club d’athlétisme mais aussi des inconnus t’ont défendu ?
Beaucoup de gens m’ont aidé, heureusement qu’ils étaient là. Ils m’ont soutenu. Je remercie la préfecture qui me donne une chance par cette décision. Cela me donne de l’envie pour la suite, à la fois sportivement et personnellement ça ne peut qu’aller mieux. Je veux aller plus loin, travailler encore plus dur pour montrer aux gens qu’ils ont eu raison de me soutenir.
Propos recueillis par Vincent Guyot
Crédits Photos : Benjamin Fauvergue