A 99 ans, le cycliste français Raphaël Géminiani est décédé le 5 juillet 2024. Il fut l’un des plus grands coureurs français de l’après-guerre.
A la veille du passage du Tour de France à Colombey les Deux Eglises, ville qu’avait traversé le Tour de France en 1960, Raphaël Géminiani appelé le Grand fusil, est décédé. Il avait 99 ans et il venait de fêter son anniversaire. Raphaël Géminiani est une vraie légende du cyclisme mondial de l’après-guerre. Au plan du palmarès, on retiendra qu’il a gagné sept étapes du Tour de France, qu’il termina 3e en 1958 battu par Charly Gaul et on se souvient alors de ses colères car il estimait que ses plus grands adversaires étaient des coureurs français. Il fut aussi champion de France.
Par la suite, il est devenu directeur sportif et on se souvient qu’en 1965, il avait contribué au succès de Jacques Anquetil d’abord dans le Dauphiné Libéré et, dans la foulée, Bordeaux-Paris au terme d’un week-end exceptionnel. Raphaël Géminiani s’est ensuite occupé d’une équipe colombienne et à deux reprises, nous avons eu l’occasion de l’interviewer en Picardie. Une première fois dans l’Aisne car il était l’invité d’honneur des Quatre Jours de l’Aisne. Il avait alors fêté ses 68 ans. Mais c’est surtout dans le petit village de la Chaussée Tirancourt que nous avons pu rester avec lui durant plusieurs heures au cours d’un repas dans le restaurant de ce village dont le maire à l’époque était André Sehet.
Raphaël Géminiani était aussi directeur de course cette fois dans la classique Amiens-Beaurains. Il était toujours aussi offensif et ne se gênait pas pour critiquer le système. Dans le Courrier Picard du 13 mai 1993, il était consacré une page sur le Grand Fusil qui à cette époque « ne voulait pas qu’on saccage le vélo. » Mais oui. Et de poursuivre cet entretien : « Je n’ai jamais quitté le vélo et cela fait 50 ans que je suis dedans. Je n’ai jamais désarmé. En France, la situation de notre cyclisme est mauvaise car les gens à la Fédération font mal leur travail. Je regrette la disparition de la catégorie des indépendants qui permettait à des jeunes de venir dans des équipes pros et d’y faire des essais. Ces jeunes coureurs qui ont du talent mais qui ne peuvent pas passer pros. Le système est bouchonné. Il faut donc amener plus de jeunes chez les pros. Il en faudrait une vingtaine par an. »
Dans son livre Mes 50 Tours de France, Raphaël Géminiani était revenu sur un évènement qui s’était produit en 1955. Louison Bobet venait de remporter son troisième Tour d’affilée et normalement, il devait entamer le lendemain lundi à Amiens la tournée des critériums. A cette époque, Amiens était la première ville dans laquelle les héros de la Grande Boucle se retrouvaient. Mais le public de la Hotoie ne vit Louison Bobet qu’à travers les vitres d’une ambulance venue spécialement de Paris. Le speaker de l’époque annonçait aux supporters du coureur breton qu’il n’avait pas récupéré de ses efforts fournis durant les trois semaines du Tour. Louison Bobet était néanmoins venu à Amiens mais en oubliant de préciser et on l’apprendra beaucoup plus tard, qu’en réalité Louison Bobet ne s’était pas remis d’une grande java dans la nuit du dimanche à lundi à Paris avec Raphaël Géminiani et leur épouse. Visiblement ce dernier avait mieux récupéré et il participa à ce critérium d’Amiens mais pas Louison Bobet. Raphaël Geminiani aimait la vie, au sens strict du terme et il savait alterner souffrance sur un vélo et liberté dans la vie. Gem est décédé à 99 ans au terme d’une vie bien remplie. Le maire de Clermont Ferrand lui rendra hommage en donnant son nom à un stade de la ville.
Lionel Herbet
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazette Sports.fr ( Illustration )