Alain Doré, entraineur de la section du triple saut de l’AUC, revient sur différents aspects de sa discipline. Sa carrière, la nouvelle génération ou encore les différences de traitement entre les hommes et les femmes face aux sponsors, il se confie.
Alain Doré débute sa carrière en tant qu’athlète au sein du club du SC Abbeville avant de se diriger vers le rôle d’entraineur. Choix qui lui réussira puisqu’il devient champion de France en minime avec un jeune athlète en 1988. Alain passe donc ses formations d’entraineur à Abbeville avant d’être contacté par Jean Paul Bourdon afin de rejoindre l’AUC. Ce qu’il décrit comme « le choix du cœur et de la raison ». Là bas, il peut profiter de faire partie d’un grand club pour développer ses connaissances et terminer ses formations tout en ayant la chance de pouvoir profiter de plus d’athlètes.
Le triple saut, une discipline ouverte à tout le monde
« Après 35 ans, la passion d’être sur la piste maintient l’envie » affirme Alain. « J’ai débuté l’athlétisme à 14 ans malgré de gros soucis de santé, cela m’a fait beaucoup de bien, car j’étais quelqu’un de très réservé et cela m’a aidé à m’ouvrir ». Il choisit alors le triple saut après avoir fait de très bonnes rencontres par le biais de cette discipline qu’il décrit comme « intermédiaire » car cette dernière ne demande pas à ses participants d’être forcément très rapides ou d’avoir énormément de détente. C’est également ce constat qu’il aime, car, aujourd’hui, il se plaît à aider des jeunes pratiquants n’étant peut-être pas promis dans un premier temps à une carrière de champion d’athlétisme à en prendre tout de même le chemin.
Se renouveler pour accompagner au mieux les nouvelles générations
Ces jeunes d’ailleurs, avec qui il passe beaucoup de temps, représentent, pour lui, la nouvelle génération de sportifs. L’entraineur s’efforce de continuer à les comprendre pour pouvoir les accompagner du mieux possible. Malgré une évolution qu’il qualifie d’« énorme » avec les technologies qui « amènent également une mentalité différente, notamment avec les outils de communication qui existent de nos jours. » . Il ajoute que « l’on essaye quand même de les faire grandir différemment, et à être concentrés sur ce qu’ils font, sans les téléphones ». Ce qui semble ne pas être si compliqué, car « dès que la passion est présente, il y a toujours une envie d’aller à l’entrainement ». Ce point de vue sur les nouvelles générations est également partagé par Pascal Machat, entraineur de Redouane Hennouni. Celui-ci affirme que « ces générations ne se laissent plus le temps, ils veulent aboutir très vite alors qu’il n’existe pas de réussite spontanée, on ne fait pas de champions sur deux ans. Il faut énormément d’entrainement avant la performance. » Il dresse également un portrait du sport et de l’athlétisme assez négatif de nos jours, en affirmant qu’il existe de moins en moins de réels sportifs et que cela est également dû aux avancées technologiques qui font que « les meilleurs sont plus forts que les générations précédentes, mais la masse est quant à elle moins performante« .
Aminata et Maeva, le talent à l’amiénoise
Aminata Ndiaye et Maeva Dorsile sont d’ailleurs deux athlètes faisant partie de cette génération. Toutes deux athlètes internationales, elles ont rejoint le club grâce au bouche à oreille avec un discours qui est totalement adapté à leurs besoins. Ces deux dernières faisant partie de l’équipe espoir française, selon Alain, « les JO qui arrivent ne doivent pas être une fin en soi pour elles mais plutôt une marche supplémentaire vers les JO de Los Angeles dans 4 ans. D’autant plus qu’Aminata revient à peine de blessure ». L’athlète amiénoise doit déjà se plonger dans la préparation de deux meetings qui arriveront dans les prochaines semaines à Amiens et Limoges avant de partir pour les Championnats de France Elite. Avec Maeva, elle sont toutes deux capables de passer les minimas et de faire partie des 12 qualifiées pour ces championnats. « Elles progressent très vite au vu de leur âge, les femmes sont à la plénitude de leurs capacités physiques aux alentours de leurs 27/28 ans, elles ont donc le temps et doivent en profiter » affirme Alain Doré.
Des athlètes laissés à l’abandon
Vient alors la question de la prise en charge économique des athlètes dans les périodes sans compétitions, sur ce sujet, Alain Doré s’exprime : « Il n’y a pas de réelle prise en charge de ces sportifs entre les tournois, la ville d’Amiens les aide plus qu’ailleurs mais, pour tout le monde, à part une somme de 400 euros tous les ans, il n’y a pas grand chose« . Cette situation oblige ces sportifs à apprendre à gérer leur argent car ils ne possèdent pas de réelle rémunération. En dehors des périodes des JO et d’un certain âge, il faut donc obligatoirement faire partie des meilleurs pour pouvoir vivre de sa passion. Cela crée un sentiment de solitude des pratiquants qui, selon Alain « ont l’impression que personne ne les regarde vraiment en dehors des Jeux Olympiques ».
Ce constat est d’autant plus vrai chez les femmes. Ces dernières sont « moins poussées à réaliser une carrière dans le sport de les hommes ». De larges différences existent également devant les sponsors qui financent notamment les meilleurs sportifs masculins « les sponsors ont tendance à vite disparaitre lorsqu’une femme réalise de moins bonnes performances sportives ». Le technicien trouve également dommage que « les gens de a région ne portent pas assez d’intérêt à notre discipline alors que nous avons des champions sur place, il faut à tout prix que les médias nous mettent en avant pour attirer plus que public ».
L’athlétisme semble donc connaitre certaines difficultés sur de nombreux plans. Il peut néanmoins compter sur l’implication de personnes comme Alain Doré ainsi que sur le talent de ses sportifs et sportives. Ces derniers tenteront d’unir leurs forces ces prochaines semaines pour envoyer le plus de sportifs amiénois possibles aux Jeux Olympiques de Paris.
Noah Lagny
Crédit photo : Léandre Leber – Gazettesports