FOOTBALL : Le destin contrarié de Jonathan Isambart
Élément déterminant de l’AC Amiens, Jonathan Isambart a connu une trajectoire bien singulière. Rapidement repéré par le Stade Rennais, l’allier de poche n’a pourtant jamais eu sa chance en professionnel. Tout proche de signer à l’Amiens SC en mai 2015, il a dû essuyer une nouvelle déconvenue. Insuffisant pour décourager un homme au caractère bien affirmé.
Vous avez intégré un centre de formation à l’âge de 13 ans…
J’ai commencé à l’ASPTT, puis j’ai rejoint les équipes jeunes de l’Amiens SC avant de rejoindre le centre de formation de Rennes à l’âge de 13 ans. J’étais alors en famille d’accueil parce que j’étais trop jeune pour intégrer le club. Cela s’est avéré un peu difficile avec cette dernière. Sur le plan du football, tout s’est bien passé au départ. La notion de plaisir était très présente, j’ai beaucoup appris en termes d’exigence et j’ai rapidement été surclassé. J’ai évolué avec la génération 1991, mes premières années à Rennes étaient vraiment très bonnes sur le plan sportif.
Vous n’avez jamais eu la possibilité d’évoluer en professionnel…
Tout s’est bien passé jusqu’au moment où je me suis rapproché du groupe professionnel. Mon physique a fait que j’ai rapidement été le petit protégé de tout le monde, les éducateurs appréciaient mon jeu jusqu’à ce que ma petite taille bloque. J’ai vite progressé, j’ai rapidement été mature au niveau de mon approche tactique du jeu. J’ai finalement quitté le centre et j’ai signé stagiaire professionnel pour deux ans. J’ai pu évoluer avec la réserve même si le temps de jeu était très limité puisque de nombreux joueurs professionnels redescendaient pour obtenir du temps de jeu. Je côtoyais tous les joueurs professionnels, le centre d’entraînement accueillait aussi bien les joueurs de l’équipe première et de la réserve. J’ai eu très peu de temps de jeu, la première année je pouvais encore redescendre en U19, ce qui m’a permis de jouer la Coupe Gambardella. En plus, la CFA est descendue en CFA 2, j’ai donc un peu plus joué parce que certains joueurs professionnels refusaient de redescendre aussi bas. J’ai fait, à mon goût, de très bons matches mais aucun de ma génération n’a signé professionnel. Je n’ai jamais eu le sentiment qu’une porte pouvait s’ouvrir, je n’ai jamais pris part à la préparation d’avant-saison et mon seul entraînement avec l’équipe première s’est très mal déroulé.
« J’avais compris que je ne signerai jamais professionnel »
Que s’est-il passé ?
Antonetti ne pouvait pas me voir. Il m’a pris en grippe pendant tout l’entraînement, il ne m’a jamais pris dans l’entraînement. Il avait un prototype de joueur auquel je ne correspondais pas. Je continuais donc à travailler tout en sachant que je n’aurais jamais ma chance avec lui. A six mois de la fin de mon contrat stagiaire, j’avais compris que je ne signerai jamais professionnel.
Il y avait des contacts avec d’autres clubs ?
J’ai eu trois agents au total. Mon dernier agent, Dominique Six, me disait qu’il fallait continuer et que des portes allaient s’ouvrir mais à la sortie de Rennes je n’avais aucune solution. J’ai donc pris le parti de contacter personnellement Azouz (Hamdane, ndlr). Je ne voyais que cette opportunité à ce moment-là.
Comment se passe votre retour ?
J’avais 20 ans, j’ai pas mal joué durant les six mois où je suis resté au club. Je suis né ici, je connaissais pratiquement tout le monde au club, j’ai marqué quelques buts. Puis mon agent de l’époque m’a dit qu’il avait une touche à Cannes. Ils étaient en tête du CFA, ils jouaient la montée avec un budget conséquent. Je me suis laissé tenter par l’idée de jouer dans le sud, avec un beau projet sur le papier. Le président de l’AC Amiens a accepté de me laisser parti et Azouz a bien appréhendé mon départ. Je n’étais pas forcément un joueur essentiel, il avait beaucoup de monde et il a compris mon choix.
« Je ne voyais pas ce qui pouvait m’empêcher de signer avec l’Amiens SC »
Et Cannes ?
Cela s’est très mal passé. L’intégration a été très mauvaise, je n’ai pas fait en sorte d’aller vers les autres non plus. Le capitaine m’avait pris sous son aile mais cela n’a pas suffi. Pourtant, il a tout fait pour m’aider, j’étais tout le temps à ses côtés. Je marque pour mon premier match et j’enchaîne quelques titularisations. Malheureusement, je me blesse quelques semaines plus tard. Je n’ai jamais su m’intégrer, je n’étais pas bien dans ma tête et j’ai donc demandé à partir. J’ai quitté le club fin mai, les résultats se sont dégradés et le club a dégringolé au classement. A ce moment-là, j’ai pensé être le chat noir.
Cela implique un deuxième retour à Amiens…
En manque de proposition, j’ai signé à Ailly-sur-Somme en DH. J’avais besoin de me poser et de rester dans ma région natale. Entre Rennes et Cannes, j’avais besoin de revenir à mes sources. Je n’avais plus d’agent en plus, on a rompu après mon départ de Cannes. J’ai fait une bonne saison mais sans vraiment prendre de plaisir. J’ai alors rejoint Camon, toujours en DH, je fais une très grosse saison et j’ai même été élu meilleur joueur de France.
Une saison qui vous a permis de faire un essai à l’Amiens SC…
Tout à fait, en mai 2015. Christophe Pelissier m’a contacté pour réaliser un essai de deux semaines. Signer en National, ici chez moi, aurait vraiment été la meilleure option possible. L’essai s’est très bien passé, j’ai réalisé une bonne première semaine. L’encadrement semblait content de mon investissement, j’ai fait l’ultime semaine de compétition avec eux. Je marque lors de la dernière opposition à l’entraînement. Je ne voyais pas ce qui pouvait m’empêcher de signer. Tout le monde m’a mis dans de bonnes dispositions afin que je ne manque pas mon essai. Le club m’a informé qu’ils attendaient de savoir si Babit (Brian, ndlr) allait de nouveau être prêté ou pas avant de me donner une réponse définitive. J’ai terminé ma saison, j’ai vu leur campagne de recrutement avancer et je n’avais aucune nouvelle de leur part. J’ai donc recontacté le club afin d’avoir le fin mot de l’histoire et le coach m’a annoncé qu’ils voulaient des joueurs plus expérimentés à mon poste. Depuis, je n’ai plus le moindre contact.
« Passer à côté d’une opportunité, c’est un peu l’histoire de ma carrière »
Il y a également eu des contacts avec Luçon et Epinal…
J’ai eu des échos comme quoi le club de Luçon cherchait à me joindre. J’ai donc appelé le président afin d’accélérer les choses et il m’a confirmé que la cellule de recrutement travaillait sur mon dossier. J’ai donc été là-bas afin de signer un contrat mais le président m’explique qu’ils ne pouvaient pas me faire signer de contrat fédéral. Ils avaient un joueur qu’ils tentaient de faire partir mais qui ne souhaitaient pas rompre à l’amiable. Finalement, je suis reparti sans avoir signé le moindre contrat. J’ai alors pris contact avec l’entraîneur adjoint d’Épinal, j’ai effectué un essai et joué un match amical contre Troyes. Je livre une passe décisive et le club n’est pas resté insensible à ma prestation. Malheureusement, je n’ai pas pu signer chez eux puisque mon contrat d’avenir ne pouvait pas être transféré dans une autre région. De mon côté, entre Amiens, Luçon et maintenant Épinal, j’avais eu le déclic, je souhaitais évoluer au niveau National et repartir sur un nouveau projet avec plein d’ambition. Je suis une nouvelle fois passé à côté d’une belle opportunité, c’est un peu l’histoire de ma carrière jusqu’ici.
Puis, il y a eu ce retour à l’AC Amiens…
J’ai donc finalement repris en DH avec Camon. Puis en décembre 2015, nous avons joué un match amical contre l’AC Amiens où j’avais livré une prestation honnête sans plus. Le lendemain, j’ai appelé Azouz afin de le rencontrer pour voir si on pouvait de nouveau travailler ensemble. Je me suis excusé pour mon départ prématuré à Cannes, le coach m’a confirmé qu’il ne m’en voulait pas pour cette prise de décision. Nous avons trouvé un terrain d’entente, il était prêt à me relancer et à ce que le club récupère mon contrat. Cette fois, cela s’est fait sans problème et j’ai donc retrouvé avec plaisir le club de l’AC Amiens. J’ai très peu joué les six premières mois mais j’étais content de retrouver un club de CFA et j’étais conscient qu’un groupe de qualité était déjà en place. Cette saison, je reprends du plaisir et j’ai le sentiment de retrouver progressivement l’ensemble de mes moyens. Je suis passé à côté à chaque fois, maintenant je ne lâcherai plus. Je crois toujours en ma capacité à évoluer au sein d’un club professionnel.
Les techniciens français semblent pourtant avoir du mal avec les joueurs de petite taille. Certains joueurs talentueux n’ont pas été conservés en centre de formation tandis que d’autres ont dû s’exiler…
Oui, c’est une certitude. Il suffit de prendre le cas de Griezmann, il a croisé la bonne personne au bon moment. Il a pu faire sa formation à la Real Sociedad, il a progressé et s’est affirmé en Espagne. On a cru en lui, j’aurais aimé avoir cette opportunité, tomber sur une personne qui me faisait confiance.
« Je me concentre uniquement sur le terrain »
Vous étiez prêt à partir à l’étranger ?
Totalement, que ce soit en Espagne ou ailleurs. Je sais que j’ai des capacités pour réussir et jouer ici ou à l’étranger. Je n’ai jamais douté de mes capacités malgré le ras-le-bol suscité par ma situation. Je pensais même qu’il fallait que je quitte la France pour me relancer mais je n’avais pas les connexions. J’étais en rupture avec mon agent, je me voyais mal aller taper à la porte des clubs étrangers. Je sais que l’on s’intéresse de nouveau à moi mais je me concentre uniquement sur le terrain. L’objectif est uniquement de faire une bonne saison et on fera le point au mois de juin. Après il faudra un peu de chance pour atteindre mon objectif.
Des contacts cet hiver ?
Aucun contact concret. Des entraîneurs de CFA ont échangé avec mon père mais cela s’arrête là.
Propos recueillis par Romain PECHON