Chez les Spartiates d’Amiens on prend son mal en patience et on reste positifs pendant cette période de confinement. L’occasion pour Steeve Guersent de nous parler de cet épisode particulier vécu de l’intérieur par cette large bande de gaillards.
Les compétitions et entrainements étant suspendus, comment la situation est-elle prise en main concernant le maintien de leur forme physique ?
Je n’ai pas vraiment de nouvelles de la fédération, mais il semblerait que plusieurs alternatives seront proposées, comme dans beaucoup de sports. Là actuellement on n’a plus aucune activité, plus rien du tout. On va voir éventuellement, si on nous donne une date de reprise, pour travailler sur le plan physique, remettre une planification en place et envoyer des exercices que les gars pourraient faire chez eux. Après on est dans un sport de grand terrain où il faut courir alors faire du cardio à la maison, ce n’est pas évident ! À part faire deux-trois pompes ou abdos, ce n’est pas très pratique. Et puis on ne peut pas non plus inciter les joueurs à sortir et aller courir en bas de chez eux, ça ne serait pas prudent de notre part de leur demander ça alors qu’on a 85 joueurs dans l’effectif. D’une ça ne serait pas prudent, et puis la fédération nous a bien interdit toute activité organisée donc si les gars veulent aller courir de leur côté, ça devient leur responsabilité. Pour l’instant on ne bouge plus, tout est vraiment arrêté.
Quelles solutions pourraient être envisagées pour votre championnat ?
On attend les mesures que la fédération, et surtout du gouvernement. Quand va-t-on pouvoir sortir de chez nous ? E quand ça sera possible, est-ce qu’on pourra reprendre les entraînements ? Je pense que tout ça va être lié à ce qui pourra être proposé sur le championnat, à savoir si le championnat s’arrête et s’annule pour une « saison blanche » ou est-ce que l’on va trouver des formules pour adapter les championnats et éviter de finir en août puisque ça aurait des conséquences par exemple sur les joueurs qui ont réservé leurs vacances ou même sur la disponibilité des arbitres. Donc on pourrait aussi reprendre le championnat avec une prolongation qui l’emmènerait plus tard que d’habitude, mais pour les clubs qui louent des installations ou qui ont des joueurs étrangers, ça leur demanderait de payer un ou deux mois supplémentaires.
Une des autres options serait de reprendre le championnat en modulant certaines choses : peut-être en jouant plus souvent, toutes les semaines par exemple en compressant le championnat malgré la problématique des blessures. Si ce n’est pas faisable, peut-être trouver des aménagements en retirant des journées de championnat : admettons que si l’on reprend au mois de mai on pourrait finir la phase aller sans jouer la phase retour. On peut aussi diminuer les play-offs en passant de trois à deux tours avec seulement deux équipes qualifiées dans chaque poule plutôt que trois, toujours dans le but de compresser ces semaines et finir tant bien que mal un championnat avec des dates qui ne seraient pas trop différentes de celles prévues à l’origine.
Un mauvais choix pourrait entraver l’équité sportive d’un championnat qui se doit d’être équitable pour tous : il y a beaucoup de problématiques à prendre en compte ! Aujourd’hui je n’ai pas plus d’informations, mais il me semble que la fédération va se réunir dans les jours à venir pour essayer de trouver la meilleure des formules en accord avec les clubs, sûrement sous forme de propositions “choix 1, choix 2, choix 3, qu’est-ce qui vous plait le plus ?”. Peut-être qu’on partira sur un vote à main levées ou peut-être avec un vote unanime pour que tout le monde soit bien d’accord. Les instances fédérales sont en train de travailler pour proposer des choses et puis une fois que le gouvernement et la fédération pourront nous proposer une date de reprise, on pourra partir sur une nouvelle planification et une remise en route du groupe.
Comment se tient la continuité du groupe justement, de la relation coach-joueurs dans ces moments-là ?
J’avoue qu’on a tout coupé pendant une semaine, le temps que tout le monde s’organise. Si on avait été un club pro, les joueurs n’auraient rien eu d’autre à faire, mais là ils ont une famille dont ils doivent s’occuper, un métier à poursuivre en télétravail ou même sur le terrain pour ceux qui sont dans le milieu médical ou dans des domaines où l’activité ne s’arrête pas. C’est une des problématiques quotidiennes pour nous en ce moment de pouvoir rassembler tout le monde en même temps. Pour l’instant on n’a donc encore rien fait, mais on réfléchit avec les coaches pour proposer peut-être quelque chose par groupes, positions ou escouades via Skype ; revoir et re-débriefer des matchs, discuter de certains points techniques dans le jeu… Plein de petites choses qui pourraient nous garder la tête « sur le terrain » sans y être. On a aussi demandé aux joueurs de faire un minimum d’entretien à la maison même s’il n’y a pas de programme. On leur demande d’éviter d’avoir trop de différence dans leur hygiène de vie avec des couchers à 3h et des réveils à midi parce que sinon la reprise va être dure. On leur envoie également des petits quizz sur le plan tactique, mais on continue d’échanger sur les réseaux sociaux : on prend des nouvelles les uns des autres, on s’envoie des choses drôles, des passages de films humoristiques, les meilleurs moments du sport français… on se partage tout un tas de trucs qui fait qu’on reste quand même en contact.
Votre saison débutait tout juste, penses-tu que cela va avoir un gros impact sur la bonne dynamique de l’équipe si une reprise est autorisée ?
Ça a toujours un impact évidement, surtout que nous ne sommes pas un sport pro, ce n’est pas notre métier donc on n’a rien à y gagner financièrement. Même si au début ça peut faire du bien pour certains, on a vraiment un groupe qui vit bien ensemble ici et de ne plus s’entrainer ou passer des moments ensemble, c’est une situation particulière dont on n’a pas l’habitude. Il faut s’adapter, mais c’est sûr que dans une dynamique de groupe ça peut faire du mal pour un groupe qui fonctionnait bien, tout comme ça peut faire du bien pour un groupe qui fonctionnait mal.
Pour le match que l’on aurait dû jouer contre les Molosses, il nous manquait pas mal de joueurs suite aux nombreuses casses du match d’avant, alors on peut dire que pour nous ça nous arrange, on va récupérer tous les joueurs en pleine santé ! On n’a pas de joueurs Américains alors c’est un point logistique et financier de moins dont il faut s’occuper puisqu’il y a des équipes qui continuent de payer les joueurs Américains alors que ça ne joue pas. Mis à part l’arrêt de la vie collective, c’est plutôt quelque chose qui nous arrange même si on aurait préféré que ça n’arrive pas, si on veut regarder les avantages et inconvénients de la situation, on se dit que l’on va au moins pouvoir profiter de ça pour récupérer nos blessés.
Ça ne sera pas faussé puisque tout le monde va être logé à la même enseigne, on reprendra tous en même temps
Steeve Guersent
Concernant la dynamique d’entrainement, il va falloir tout reprendre de zéro comme on le faisait en début de saison avec des périodes tactiques et techniques. On va être obligés de repasser par une préparation d’avant saison compressée parce qu’avec autant d’inactivité, les joueurs ne pourront pas être performants. Là-dessus il n’y a plus qu’à attendre avant d’agir, on est déjà en train de réflechir à plusieurs situations et moments de reprise des entrainements. Il faut aussi penser à la reprise des matchs puisque je suppose que la fédération ne nous dira pas “vous reprenez le lundi et vous jouez le samedi”, ça serait un peu fou de leur part puisqu’on ne joue pas aux fléchettes : l’intégrité rentre en jeu et sur une période où l’on n’a rien fait du tout sur le plan physique, ça serait mettre en danger l’intégrité physique des joueurs alors on suppose qu’il y aura au moins quinze jours entre la reprise d’entrainements et celle des matchs.
Il faudra encore une fois s’adapter puisque de toute façon ça va être le mot d’ordre pour tout le monde, pour les instances qui vont réorganiser les championnats (ou pas) et puis ensuite pour tous les clubs qui vont devoir s’ajuster à leur tour. Si on reprend on n’aura pas un championnat faussé, mais un champion de l’adaptation plus qu’un champion de France : ceux qui seront bons en adaptation vont peut-être pouvoir tirer leur épingle du jeu. Ça ne sera pas faussé puisque tout le monde va être logé à la même enseigne, on reprendra tous en même temps, mais c’est sûr que pour les clubs qui seront mal organisés ça va être difficile.
Propos recueillis par Océane KRONEK
Crédits photos : Kevin Devigne – Gazettesports.fr