La saison est bel et bien lancée pour les Gothiques féminines. Malgré un début d’exercice en demi-teinte en Élite A et un effectif en constante évolution, les Amiénoises, à la moyenne d’âge d’à peine 18 ans, affichent déjà de belles promesses pour l’avenir.
Mercredi, 20h pétantes. Une trentaine de hockeyeuses montent sur la glace, déjà éprouvées après une heure de préparation physique hors glace. Les patins crissent sur la surface gelée, les crosses claquent doucement, et quelques palets glissent sur la glace. Après quelques tours de patinoire, chacune avec son palet, elles sont prêtes à passer aux exercices. Elles se regroupent face à leur coach, Maurad Laamel, concentrées, absorbant ses consignes pour les premiers exercices, un peu plus complexes que d’ordinaire. Le premier exige vitesse et précision : chaque geste doit être rapide, chaque passe calculée. Le second, un contre trois, met à l’épreuve la cohésion.
Samedi, tout s’est passé comme prévu pour l’équipe féminine des Gothiques : leur premier en Coupe de France, face à Dunkerque, l’une des meilleures formations d’Élite B. « Si la logique sportive est respectée, on devrait gagner. Mais on ne sait jamais, ça reste un match de hockey. Ça peut aller vite dans un sens comme dans l’autre », prévient l’entraîneur, arrivé cette saison en provenance de Lille, où il a notamment entraîné certaines joueuses de Dunkerque. Ces deux équipes entretiennent un partenariat permettant aux filles de jouer malgré leurs jeunes effectifs. L’objectif annoncé ne s’arrête pas à franchir les huitièmes de finale. « C’est au moins d’aller en demi-finales, déclare le technicien. Et ensuite, une fois en demi, forcément, on a envie d’aller en finale. Mais tout ça est conditionné au fait de gagner ce week-end. » En France, le hockey féminin compte seulement une vingtaine d’équipes. Les clubs d’Élite B ne sont pas obligés de participer à la Coupe de France, en raison des coûts élevés engendrés. En découle : une huitaine d’équipes engagées. Ce sont les mêmes formations qu’en Élite A, réparties en deux poules : quatre équipes dans le Nord, jusqu’à Tours, et quatre équipes dans le Sud.

Cette saison, le championnat a été réformé en raison d’un niveau trop hétérogène. Les huit meilleures équipes ont été regroupées, ce qui signifie que les Gothiques féminines affrontent les trois meilleures équipes nordistes : Tours, quadruple champion de France sur les cinq dernières années, Evry-Viry, champion en titre, et Cergy, également très solide. « On ne joue que contre de très bonnes équipes, c’est compliqué », concède le nouveau coach, qui pour la première fois, entraîne, depuis le mois d’août, une équipe féminine. « Le début de saison a été un peu difficile, même s’il y a beaucoup de positif dans le jeu. On joue des matchs très serrés, à part contre Evry-Viry, où c’est plus compliqué (elles se sont inclinés 1-7 le 13 décembre, ndlr). Depuis quelques semaines, on voit une vraie progression. Le match avant celui gagné contre Cergy-Pontoise montrait déjà une nette amélioration. Et depuis, ça ne fait que monter en puissance. » La capitaine de l’équipe, Manon Serer, un grand sourire sur les lèvres, s’accorde avec ses entraîneurs : « Tout se passe bien. Au début de l’année, c’était compliqué au niveau des scores. Mais dans l’équipe, on se connaît depuis un moment. Il y a des filles qui viennent de Caen ou de Rouen, et même si on ne se voit pas souvent, parce qu’on ne s’entraîne jamais ensemble, elles sont très sympathiques. La cohésion se fait toute seule sur la glace. »
La victoire face à Cergy-Pontoise n’était pas acquise, mais les féminnes des Gothiques ont su mettre en place leur jeu. « C’était la deuxième fois qu’on jouait contre elles cette saison. La première, nous avions perdu en prolongation. C’est une équipe à notre portée, comme Tours. Ce sont des équipes contre lesquelles on doit prendre des points. Là, il fallait le faire, et on l’a fait », sourit Maurad. Avec une victoire et une défaite en prolongation, les Gothiques ne sont pas dernières. « Au vu du contenu des derniers matchs, je suis assez confiant. » La reprise est prévue le 10 janvier, avec pour objectif de conserver la troisième place ou d’aller chercher la deuxième, occupée par Tours, qui reste prenable. « La première place, c’est inatteignable. Evry-Viry est beaucoup trop fort. L’idéal, c’est de remonter le plus possible. » Même si le passé ne doit pas trop influencer le présent, la compétition ayant changé, les joueuses avaient atteint le dernier carré la saison dernière, avant de terminer quatrièmes. « On espère mieux cette année », conclut l’entraîneur.
Former dès le plus jeune âge pour bâtir l’équipe de demain
Pour faire progresser le hockey féminin au sein du club, il faut commencer par les plus jeunes. Maurad insiste : « Plus on aura de filles tout petites en U7, plus on pourra alimenter l’équipe féminine sur le long terme. » Le recrutement des petites joueuses est nettement plus difficile que celui des garçons. Pour y remédier, le club a organisé deux actions : « Ramène ton copain » et « Ramène ta copine ». Le résultat est parlant : tous les U7 ont ramené un copain ou un frère, mais seulement trois petites filles sont venues accompagnées d’une amie. « Ça veut dire que, cette année, on ne pourra récupérer que trois jeunes filles. C’est important d’en attirer davantage », souligne Maurad, qui compare avec son ancien club de Lille : dans le groupe U7, il y avait 19 joueurs pour 9 filles, soit presque la moitié du groupe.
Malgré le recrutement compliqué, Nicolas Watel, l’adjoint de Maurad, investi dans le club depuis trois ans, constate une vraie évolution de l’équipe. « Avant, il était possible d’accepter une débutante. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. L’équipe a monté de niveau, explique-t-il. Maintenant, c’est presque un prérequis d’avoir un minimum de patinage. Sinon, c’est compliqué pour elles de prendre du plaisir. Et pour le groupe, intégrer un profil très débutant peut créer rapidement de la tension. » Pour autant, une nouvelle compétition permet aux joueuses moins expérimentées d’affronter d’autres équipes. « C’est vraiment bien, parce qu’il y a trois ans, quand je suis arrivé, il n’y avait que du 5 contre 5. Celles qui ne pouvaient pas jouer dans ce format ne faisaient que des entraînements. Ensuite, la Fédération a mis en place ces systèmes pour permettre à un maximum de filles de jouer, avec environ quatre tournois par an », retrace-t-il.
Le profil du groupe a beaucoup évolué depuis trois ans et continue de changer même en cours de saison, ce qui est un défi dans un sport collectif. La plupart des joueuses ne se consacrent pas au hockey à plein temps : elles jonglent entre travail, études, baccalauréat et déplacements. « On n’est pas sur des profils dédiés au sport-études. Ici, il y a beaucoup de mouvements. Certaines filles restent une ou deux saisons, puis rejoignent le Pôle France, l’élite du hockey féminin en France, pour pouvoir se développer dans leur future carrière. On perd des filles tous les ans, et on en récupère », précise le hockeyeur vétéran, même si certaines visent le haut niveau. C’est le cas de Manon Serer, formée chez les Gothiques, qui est passée par tous les échelons : pôle, équipe de France, avant de s’arrêter 3‑4 ans, un choix de vie. « Même si j’avais le niveau, je ne serais pas retournée. C’est beaucoup d’investissement. Les vacances sont faites pour ça, et il y a beaucoup de déplacements. » La petite-soeur de Marius Serer, ancien amiénois et aujourd’hui chez les Ducs Angers, a repris depuis quelques années, ce qui a un peu freiné son ascension, mais n’a en rien entamé sa passion pour le hockey. Elle alterne désormais entre deux entraînements sur glace par semaine et du roller en N1 avec l’entente Amiens Lille. « Ça fait beaucoup d’entraînements, mais je trouve que c’est bien de faire l’un et l’autre. Dans tous les cas, la priorité reste à la glace ! » Celles-ci s’entraînaient presque quotidiennement, parfois en mixité avec les garçons. Ce que font aujourd’hui de jeunes pousses amiénoises, comme Louane Gachon, qui est en équipe de France U18A, avec cinq entraînements U18, ainsi qu’un féminin. Son équipe continue de progresser et affiche de belles perspectives d’avenir. Là où la moyenne d’âge des autres équipes tourne autour de 24 ans, celle des Gothiques féminines est plutôt de 18 ans. « On a beaucoup de jeunes joueuses. On l’a vu l’an dernier en quart de finale : les groupes plus expérimentés, composés de joueuses qui jouent ensemble depuis longtemps, ça amène tout de suite un plus », ajoute-t-il. Au sein de la formation amiénoise, les plus jeunes ont 14 ans, les plus âgées 27 ans.

Un moyen de palier à ce turnover régulier et de renforcer les rangs de l’équipe amiénoise est le système de prêt avec les clubs de Caen et Rouen, communément appelé les « licences bleues ». Le club de Caen ne dispose pas d’équipe féminine, mais forme de jeunes joueuses. « On a un accord avec elles, et leurs jeunes viennent jouer chez nous. Certaines sont là depuis un ou deux ans. Elles s’entraînent de leur côté, dans leur club, et nous rejoignent pour les matchs », décrypte Maurad Laamel. Ce partenariat permet à ces joueuses de continuer à se développer. En senior féminin, c’est aussi le cas de Rouen, et d’autres joueuses peuvent venir ponctuellement de l’extérieur. « Si ce sont de bons renforts pour l’équipe, on leur fait signer après », ajoute l’entraîneur, aux commandes de cette équipe fanion féminine.
Une des différences les plus marquantes avec le hockey masculin est que le jeu se pratique sans contact, conformément aux règles fédérales. En prenant les rênes d’une équipe féminine, Maurad Laamel, qui a lui-même joué à Amiens il y a longtemps, a découvert une autre manière de s’exprimer. « Je sais que certaines peuvent être un peu plus rancunières sur les mots choisis. Donc il faut faire attention à son langage », confie-t-il. Il y a aussi un aspect plus logistique à gérer : « On ne peut pas entrer dans les vestiaires. Au départ, j’ai été un peu surpris par tous ces changements, mais petit à petit, je m’adapte en même temps que les joueuses. »
La nouveauté de la saison prochaine sera la création d’une seconde équipe en Élite B. L’effectif est déjà en place. Une bonne nouvelle pour toutes les joueuses, impatientes de participer à un vrai championnat, elles qui passent surtout du temps sur la glace pour des matchs de 3 contre 3. La Fédération a mis en place de petits tournois de ce format, permettant aux « joueuses en devenir » ou au club sans équipe, de s’affronter. Les profils sont très variés au sein de l’équipe amiénoise : certaines joueuses évoluent en mixité chez les U15 ou U18, sont internationales et portent les couleurs de l’équipe de France, tandis que d’autres ont découvert le hockey cette année ou il y a trois ans au maximum. Dans ce contexte, cette compétition alternative s’avère particulièrement pertinente. Et l’objectif reste que toutes les joueuses puissent évoluer en 5 contre 5. « Les filles de 3‑3 n’espèrent qu’une seule chose : à un moment donné, jouer en 5 contre 5 », résume Nicolas Watel. Maurad Laamel salue d’ailleurs la patience de certaines joueuses : « J’étais en entretien avec certaines hier, et je leur disais que je suis admiratif. Déjà, commencer le hockey à 17 ans, et en plus jouer pendant quatre ans sans jamais avoir disputé un match, il faut vraiment aimer ça et être persévérante. Moi, à leur place, je ne pense pas que j’aurais tenu quatre ans avant de jouer un match. » Une persévérance que leur entraîneur souligne et qui pourrait bien payer, laissant entrevoir de belles perspectives pour les années à venir.
Sabine Loeb
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr

