Jusque-là entraîneur de formations masculines, Nicolas Cauvin avait accepté de relever le défi du football féminin en intégrant le staff de l’Amiens SC cet été. Et après une demi-saison réussie à la tête de l’équipe, le principal intéressé ne regrette aucunement son choix.
Depuis le mois d’août, Nicolas Cauvin n’entraîne pas des joueurs, comme c’était le cas durant les quinze dernières années, mais des joueuses. Lorsque l’opportunité de prendre la tête des féminines de l’ASC s’est présentée cet été, il n’a pas hésité et, pour le moment, il y a « zéro regret, au contraire, beaucoup de plaisir. Ça me fait sortir de ma zone de confort. Il ne faut pas se mettre en difficulté, mais c’est bien de retravailler sur un nouveau projet. Et c’est un nouveau projet qui se construit avec Amiens depuis quatre mois et ça se passe très bien. » Très bien, c’est le moins que l’on puisse dire pour celui qui permet à l’ASC féminin d’être à la deuxième place du classement en championnat, à une longueur du leader boulonnais, mais avec deux matchs en moins. Deux rencontres qui ne se sont pas jouées, car les Amiénoises ont aussi réalisé un beau parcours en Coupe de France, n’étant éliminées qu’au stade des 32es de finale par une équipe de division 3.
Une adaptation express pour Nicolas Cauvin qui a dû adapter son organisation, à commencer par l’accès aux vestiaires : « La gestion du vestiaire est totalement différente, c’est le petit inconvénient homme-femme. C’est-à-dire qu’on n’est pas en « libre d’accès » dans les vestiaires. On s’est mis des codes au début de saison et là, ça se passe super bien. Elles ont trouvé leur rythme, j’ai trouvé le mien aussi pour l’avant-match et l’après-match. » Dans les discours aussi, les mots sont différents, l’accent est davantage mis sur le dialogue dans le calme, ce qui n’était pas toujours le cas chez les hommes : « Je suis moins impulsif que je peux l’être avec les garçons. On essaie de recadrer les choses tranquillement. Elles sont suffisamment intelligentes pour comprendre les messages qui sont passés. » L’entraîneur samarien confirme aussi qu’un vestiaire féminin est moins gangrené par les égos sans pour autant être dénué de caractère : « Elles arrivent à reconnaître qu’il y a une concurrence à leur poste, qu’il y a meilleur qu’elles. Elles l’acceptent plus facilement qu’un garçon. »
Un collectif soudé appréciable
Dans l’autonomie et l’investissement personnel, Nicolas Cauvin a également été agréablement surpris : « Lors du premier match officiel, je rentre dans le vestiaire et tout était fait. C’est-à-dire que les maillots étaient prêts à être mis dans le sac de lavage. Tout était mis à la poubelle, le tableau était nettoyé. Elles sont en autogestion. Elles sont au-dessus des garçons, il n’y a pas photo. » Une organisation plus méticuleuse qui explique, en partie peut-être, la bonne dynamique de l’équipe depuis le début de la saison. À cela s’ajoute un esprit d’équipe, voire de famille entre chacune : « Elles se responsabilisent beaucoup entre elles. Sans que j’intervienne, elles se sont mis des règles de vie entre elles. Ce que je n’avais jamais vu avec les garçons. » Si les relations dans le vestiaire et son fonctionnement sont différents de ceux des hommes, Nicolas Cauvin garde, lors des rencontres, lorsqu’il est sur le banc, la même attitude et la même exigence envers celles de ses joueuses.
Et pour cause, le technicien amiénois n’a pas changé ses méthodes d’entraînement, il les adapte simplement au corps féminin qui diffère du masculin : « Je fais exactement pareil. Mais on est beaucoup dans le relationnel. J’ai besoin de savoir aussi comment elles se sentent physiquement. S’il faut réduire ou enlever un bloc de jeu parce qu’elles sont fatiguées, on le fait. Ça se bloque quand même plus facilement que les garçons au niveau des fibres musculaires. Donc on prend zéro risque avec leur état physique. » Alors, si tout semble parfaitement fonctionner, Nicolas Cauvin aurait-il une raison, un jour, de se tourner à nouveau vers le football masculin ? La question ne se pose pas pour le moment, étant épanoui à l’ASC, mais il ne ferme aucune porte si l’avenir le pousse ailleurs : « Tout dépendra du projet qui me sera proposé derrière, tout dépend du niveau. On essaie quand même d’aspirer ou d’entraîner au plus haut niveau et surtout de prendre un maximum de plaisir. Si demain, je devais partir, j’essaierai de retrouver un bon projet où je puisse m’éclater, comme ici.«
Simon Vasseur
Crédit photo : Kevin Devigne – Gazettesports.fr (archives)