Lors de son passage à Amiens à l’occasion de la présentation de son nouveau spectacle qui aura lieu les 14 et 15 décembre dans la capitale samarienne, Philippe Candeloro, patineur légendaire, a donné sa vision actuelle de son sport et les différentes solutions qui pourrait permettre de le rendre pérenne.
Le patinage de spectacle, un monde précaire et élitiste
Pour son nouveau spectacle intitulé « La fille du marchand de sable », Philippe Candeloro fait se déplacer 32 personnes dans toute la France. Une « grosse logistique » qui met à mal l’économie de sa structure associative puisque l’ancien patineur fonctionne beaucoup par systèmes de location : « On n’a pas les moyens de se payer les services de plusieurs employés pour aider à la production ». Concernant les artistes, la plupart son rémunérés en tant que salariés et non en tant qu’intermittents du spectacle. Ainsi, les charges salariales sont plus élevées et les artistes ne profitent pas des indemnités, avantageuses, de l’intermittence. D’autant que, lorsqu’ils sont bien aguerris, ces derniers s’en vont pour des compagnies plus importantes où le travail est annuel et non « hivernal » comme c’est le cas avec le spectacle de Philippe Candeloro qui se joue uniquement avant la période des fêtes. « Candeloro Show Company a vocation à former des artistes. Mais ils font trois-quatre ans et puis derrière on les retrouve à Disney sur glace ou au Ice Crystal du Cirque du Soleil. On est content de servir mais en même temps, c’est un peu les boules parce qu’on forme les gens à devenir bons et puis après ils s’en vont, là où ça paie bien. » Mieux rémunérer ses artistes grâce à un statut d’intermittent généralisé et pouvoir conserver les artistes que sa compagnie forme, tel est le premier souhait de l’ancien patineur.
Créer une école de formation au spectacle
Pour pallier la précarité du milieu du spectacle de glace, Philippe Candeloro aimerait également qu’une école spécialisée dans le domaine voit le jour afin d’apporter sécurité et crédibilité aux artistes. Actuellement, « on fait des ateliers en mettant en avant l’aspect artistique ». La plupart du temps, dans les autres associations, « quand on vient faire du patinage artistique, c’est l’aspect technique qu’on va chercher à développer pour leur permettre d’atteindre des niveaux de compétition. Mais l’aspect artistique n’est jamais développé » regrette le producteur exécutif de « La fille du Marchand de sable ». « Il n’y a pas d’école de spectacle, il n’y a pas de statut privilégié pour les patineurs. C’est aujourd’hui, ce qu’on voudrait faire avec la Candeloro Show Compagnie, c’est mettre en place une école de formation avec, au bout, un diplôme, du patineur professionnel de spectacle. » A terme, l’ancien patineur de haut niveau voudrait siéger dans une salle de spectacle toute l’année, sa compagnie étant actuellement « SPF, Sans Patinoire Fixe » comme il le dit avec humour. Cela permettrait de créer des rendez-vous fixes tels que des dîners spectacles, des sortes de « cabarets sur glace ». Une initiative qui permettrait, selon lui, de prolonger la pratique de certains patineurs en leur permettant « d’avoir des carrières plus longues. Parce que quand on s’aperçoit, à 15 ans, qu’on ne va pas être fait pour être champion du monde, les patineurs arrêtent alors que ça fait dix ans qu’ils patinent. Mon métier aujourd’hui, c’est que les métiers des sports de glace soient de plus en plus développés pour qu’on les prenne en considération. »
Relancer le patinage pour promouvoir les autres sports de glace
Pour vendre des spectacles de glace, Philippe Candeloro a confié que les plus difficiles à convaincre, c’était finalement les pratiquants des autres sports de glace. « Quand on arrive, on monopolise la piste. Quand vous dites ça à une équipe de hockey sur glace « vous n’allez pas pouvoir jouer le match ce week-end », ce sont les premiers mécontents ». Mais finalement, joueurs de hockey et directeurs de patinoires y trouvent leur compte selon lui. « A Cergy, ils sont venus voir le spectacle et ils ont dit que ça valait finalement le coup d’oeil. Et on a fait venir 12 000 personnes dans l’enceinte, des personnes qui ne seraient jamais venues s’il n’y avait eu que du hockey ». Pour Philippe Candeloro, ces spectacles peuvent amener des personnes à se passionner pour le patinage mais aussi pour les sports de glace en général. « On utilise tous le même équipement : la glace. On se doit de défendre les sports de glace » assure l’ancien champion. Ce dernier veut donc faire prendre conscience au monde du sport, aux collectivités, que même si une patinoire coûte chère et que, en ce temps de lutte contre le changement climatique, elle est nécessaire et utile pour la population. « Tout le mois de décembre, on a 450 patinoires éphémères en France contre 150 le reste de l’année. Ça veut dire que le patinage a la côte dans la pratique, a la côte quand on regarde à la télévision. Il y aurait cinq pistes à Amiens, elles seraient prises tous les jours de 17h à 23h. »
Mieux gérer les coûts d’une patinoire
Depuis quelques années, certaines patinoires ferment par manque de moyen ou à cause d’une situation déficitaire irréversible. « Il faut arriver à baisser ce coût déficitaire. Parce qu’il y a des sorties mais il y a des rentrées aussi. 400 000€, c’est pour une patinoire comme Colombes. Avec une meilleure gestion, on aurait peut-être pu descendre à 200 000 » estime Philippe Candeloro. Selon lui, les patinoires peuvent être rentables ou du moins pas déficitaires si elles activent les bons leviers : « c’est tout l’ensemble du secteur économique des patinoires qui doit revoir un petit peu sa copie pour que ça fonctionne mieux et que ça ne demande plus de moyens financiers aux collectivités.«
Développer la pratique des adultes et des non-initiés
Aujourd’hui encore, le patinage reste un sport assez confidentiel dans la mesure où ses pratiquants sont essentiellement féminins (seulement 3% d’hommes) et jeunes. « C’est un sport de précocité le patinage, c’est tout de suite la compétition. Pour être compétitif, il faut commencer de plus en plus tôt » relate Sacha Kalisa, Arena manager du Coliseum présent aux côté de Philippe Candeloro. « La tendance est de se dire, ce n’est pas une course à la précocité mais plutôt vivre des expériences, des aventures. Les formateurs ont aussi évolué : ce n’est pas la même chose de parler à un adulte qu’à un enfant de 6 ans. Aujourd’hui, les formateurs sont capables d’accueillir du public non-initié et ça correspond à notre volonté d’Amiens Métropole d’accueillir un public toujours plus diversifié. Le but c’est de promouvoir le sport de glace par toutes ses facettes, pas qu’avec le prisme de la compétition. » Parmi ce public non-initié, la pratique des adultes est en recrudescence mais est freiné par les clubs eux-même. « Le créneau des adultes dans les patinoires de France est limité à 80 licenciés par club. On n’arrête pas de refuser des gens qui ont passé les 30, 40, 50 ans. Aujourd’hui, il y a des compétitions adultes qui sont très intéressantes » affirme l’ancienne star du patinage français. Alors, si toutes ces idées sont mises en place dans les années à venir, le patinage pourrait glisser vers un futur radieux.
Simon Vasseur
Crédit photo : Théo Bégler – Gazettesports.fr