Relégué l’année dernière en Fédérale 3 après une saison très compliquée, le Rugby Club Amiénois repart cette année sur un nouveau projet avec ambition et modestie.
Pour son retour en Fédérale 3, les Picards ont fait le choix de partir sur un nouveau cycle avec un staff renouvelé et un effectif rajeuni et plus conséquent pour repartir de l’avant. Son entraîneur Mickaël Morainville revient sur l’intersaison et la saison à venir.
Êtes-vous satisfait du recrutement et de l’effectif pour la saison à venir ?
On voulait d’abord conserver un maximum de joueurs, ensuite faire monter nos jeunes, qui bossent bien. On a un projet qui a été mis en place sur le long terme avec eux. Il fallait ensuite chercher des renforts pour avoir une équipe complète, notamment dans la profondeur de l’effectif, pour éviter d’avoir les problèmes qu’on a pu connaître l’année dernière. On est plutôt satisfait sur ces trois points. On a déjà pas mal de joueurs présents sur les premiers entraînements avec l’envie de reprendre.
On a senti dans le recrutement qu’il y avait clairement l’envie de rajeunir le groupe. Avez vous considéré que vous aviez déjà l’expérience avec les joueurs présents ?
Oui, on avait déjà l’expérience avec les joueurs présents qui ont connu la Fédérale 2. On est un sport amateur où l’on s’entraîne le soir après le travail. Il est donc important d’avoir de jeunes joueurs qui ont du temps à consacrer et de l’énergie en plus de leur travail ou de leurs études pour répondre aux exigences que demande le sport. Quand on est plus âgé, qu’on a une vie de famille, qu’on est installé, c’est plus compliqué de faire énormément de sacrifices. Certains le font, mais on avait besoin de rajeunir le groupe. Cela permet aussi d’apporter de l’insouciance et un vent de fraîcheur, qui ne peut nous faire que du bien. Ce mélange entre l’expérience et la jeunesse peut nous permettre de faire de bonnes choses. Par moment, pour franchir des murs, il est important d’avoir de l’énergie et de l’insouciance.
L’année dernière, vous n’avez pas vraiment pu participer au recrutement. Cette année, on sent vraiment qu’il y a votre patte, avec notamment la venue de beaucoup de joueurs du bassin rouennais…
Il y a quatre joueurs qui viennent de Rouen, il y en a aussi qui viennent de la périphérie. Il y a des joueurs qu’on connaît que j’ai appelé et en quelques minutes, c’était fait, ils venaient. Pour certains, c’était un peu plus long, mais effectivement, les relations ont aidé au recrutement. On a essayé d’utiliser notre réseau pour faire venir des joueurs. Le fait que j’ai su assez tôt que j’aurai la main sur le groupe senior et sur le recrutement m’a permis de travailler très vite sur certains dossiers, ce qui nous a fait de gagner du temps. Cela permet d’éviter que des joueurs qui nous intéressent soient déjà engagés ailleurs, ce qui avait été le cas l’année dernière quand on avait démarré un peu tard le recrutement. Il n’y a pas que le sportif, il faut aussi trouver parfois un travail, un logement, des études, donc forcément cela prend du temps.
Il n’y aura aucun joueur professionnel cette saison. Cela va-t-il changer la façon d’entraîner au quotidien ?
Forcément, ça a un côté négatif, car on n’aura peut-être pas des joueurs avec l’expérience des Sud-Africains qui étaient là l’année dernière, mais du coup tout le monde sera sur le même statut et pour le coach, c’est plus facile à gérer. On n’aura pas des gens qui seront là au club toute la journée et qui le soir n’auront pas forcément envie d’être encore présents au club. On n’aura pas le même mode de vie au quotidien, mais un mode de vie peut-être plus simple qui correspond peut-être plus à l’attente des joueurs. Il y a des points positifs et négatifs à cela, mais on fait avec et c’est un choix assumé. Comme je l’ai déjà dit, il faudra utiliser l’expérience qu’ils nous ont laissée pour garder une trace de leur passage et s’en nourrir.
Vous allez avoir deux joueurs géorgiens cette année, c’est une façon différente de voir le rugby que les Sud-Africains. Cela peut-il vous amener un plus de par leur culture rugbystique ?
Oui, c’est quelque chose de différent et qui peut nous servir. Après, ce sont des joueurs qui jouent en France depuis plusieurs années, donc ils connaissent le fonctionnement et le jeu français. Il n’y aura pas de problème d’adaptation et on le voit sur les premiers entraînements. Ils s’adaptent parfaitement et comprennent le français, mais ils ont encore un peu de mal à le parler. On travaille là-dessus pour qu’ils puissent mieux comprendre et surtout échanger plus facilement avec les autres joueurs. De par leur statut, ça reste deux joueurs « lambda » qui sont sur le même pied d’égalité que tous les autres joueurs.
Quand un joueur s’épanouit et prend du plaisir sans lui mettre de la pression, c’est là qu’il est le meilleur.
Il y a malgré tout un gros coup avec l’arrivée de Wilfried Wasilkowski (ex OMR, Nationale 2) dans le recrutement. Cela va permettre d’apporter l’expérience du plus haut niveau et l’exigence du monde professionnel…
Oui, l’idée est qu’il puisse partager son vécu tout en continuant à s’amuser et à prendre du plaisir. Quand un joueur s’épanouit et prend du plaisir sans lui mettre de la pression, c’est là qu’il est le meilleur. C’est toujours un équilibre compliqué à trouver. Il ne faut pas qu’il se mette la pression et qu’il se dise que si on perd, c’est à cause de lui. En tout cas, il est certain que son vécu va nous servir, car le degré de pression qu’il va prendre en jouant en Fédérale 3 par rapport à ce qu’il a connu en Nationale 2 avec l’OMR. Il a une capacité à gérer les émotions et son jeu qui va nous être très utile au-delà de ses qualités de rugby.
Certains postes avaient fait défaut l’année dernière. Est-il important de combler les manques et d’avoir trois joueurs sur chaque poste ?
Quand on a travaillé sur le recrutement, la base était de savoir qui restait, puis de faire un plan par poste pour avoir au minimum trois joueurs sur chaque poste. L’idée était d’avoir un effectif à la hauteur de ce qu’on va faire.
En première ligne, on avait des doutes l’année dernière sur la capacité à tenir une saison, car elle était un peu vieillissante. Ils ont finalement répondu plus que présent. Etait-il important de rajeunir ce secteur ?
C’était surtout important d’apporter du nombre pour être en capacité d’enchaîner les matchs en étant à 100 %. L’objectif de la saison : c’est d’être en phase finale et le but, c’est d’arriver le plus frais possible. L’année dernière, certains ont joué parfois en étant loin d’être à 100 %. Cela va aussi apporter de la concurrence qui va forcément tirer les joueurs vers le haut. Si tout le monde joue le jeu, on aura un confort d’effectif qui permettra aussi au staff de faire des choix, ce qui n’était pas le cas l’année dernière.
C’était le souhait du club de ne pas réduire le staff pour permettre aux joueurs d’être toujours dans de bonnes conditions pour travailler et remplir l’objectif.
Le staff va être totalement nouveau, c’est l’occasion de repartir sur une nouvelle page…
On aura un staff renouvelé, mais qui ne sera pas réduit, car l’année dernière, Bertrand, sur la préparation physique, n’était pas à plein temps, ce qui sera le cas d’Andrea cette année. On a ensuite Christian qui remplace Scott et Benoit remplace Jean-Sébastien, plus deux intervenants avec Clément et Xavier. On sera donc autant, voire parfois plus nombreux que l’année dernière. C’était le souhait du club de ne pas réduire le staff pour permettre aux joueurs d’être toujours dans de bonnes conditions pour travailler et remplir l’objectif. Mais aussi cette volonté de garder concernés des personnes comme Clément, qui est blessé cette saison, ou Xavier, qui n’aura plus vraiment le temps de s’investir pour pouvoir jouer.
Avec vous eu la main sur le choix du staff ?
Christian, je ne le connaissais pas, c’est Joël Nayet qui a travaillé sur le dossier, mais je l’ai quand même rencontré et j’ai pu échanger avec avant qu’il signe. Sinon, Joël Nayet m’a fait confiance sur les autres dossiers. Je suis très content d’avoir Benoit dans le staff. C’est un enfant du club et quelqu’un qui a cet amour du club. C’est important d’avoir des gens comme ça dans le staff. Ensuite, Andrea a l’expérience d’un club professionnel. Elle va nous apporter un vrai plus au quotidien. À son arrivée, on a travaillé pendant trois semaines pour préparer la saison. Ça a été très riche et aujourd’hui, on sait vraiment où l’on va après chaque séance et on a un rythme de croisière pour toute la saison. On n’a plus de joueurs au statut professionnel, mais avec Christian qui est un ancien professionnel, on a cette expérience. C’est quelqu’un qui prend beaucoup de recul sur les situations et qui est très intéressant au quotidien.
Le fait d’avoir un préparateur physique à plein temps, va permettre d’éviter les problèmes physiques et les baisses de régime en fin de match qu’on a pu voir l’année dernière ?
Forcément, l’année dernière, Bertrand, de par son travail, ne pouvait pas être là tout le temps et, du coup, certains mecs rataient des séances de physique. Cette année, avec sa présence au quotidien, on va pouvoir travailler de façon plus individuelle. Cela va aussi permettre de prévenir les blessures, mais aussi de permettre des retours de blessures plus encadrés et plus rapides en lien avec la cellule médicale piloté par Jérémy Bichari.
Cette envie de revanche et cet esprit familial ont permis de convaincre certains de poursuivre l’aventure.
Quel a été le discours pour convaincre autant de monde de rester malgré la descente ?
À l’image du Coach, je pense que les joueurs ont un sentiment de revanche. Cette saison laisse un vrai goût amer. Ce sentiment, on n’en a pas parlé avec les joueurs. Ça a été un peu de temps au téléphone pour avoir l’avis de certains mecs et aussi échanger sur cet échec. On a construit l’année autour de certains leaders. Quand l’année était terminée, je me suis retrouvé un peu seul, parce que je savais que le staff allait arrêter pour diverses raisons. Je me suis alors tourné vers des joueurs cadres pour voir ce qui avait marché et du coup moins bien fonctionné l’année dernière, mais aussi présenter le projet. Et présenter ce que j’avais envie de mettre en place : en réussissant à convaincre les joueurs leaders, cela a permis de convaincre d’autres joueurs avec qui ils ont pu échanger. Petit à petit, on a construit notre effectif comme ça. Cette envie de revanche et cet esprit familial ont permis de convaincre certains de poursuivre l’aventure.
Pour le capitanat, le choix de Paul Grenet est pour vous logique ?
Oui, c’est dans la continuité de l’année dernière où il était vice-capitaine. Au-delà d’être un formidable joueur, c’est un mec réfléchi avec qui il est facile d’échanger. Il a du recul sur sa pratique. Il arrive à sortir du « moi » pour passer à « nous ». Pour être capitaine, il faut être capable de s’oublier un peu pour penser aux autres. Le vice-capitaine est Julien Schnnerberger, dans le même profil. Ce sont des gens qui savent communiquer au groupe et être écoutés. Ce sont aussi des valeurs d’exemples sur et en dehors du terrain. On a voulu rester dans ses valeurs qui sont pour moi très importantes quand on est capitaine. Ils font partie des leaders qui ont été présents dans la tempête l’année dernière.
L’objectif, l’année prochaine de remonter immédiatement ?
Dans un premier temps, l’objectif sera d’être en phase finale. Si ensuite on arrive à passer deux tours et à remonter, ce sera très bien. Mais on sait d’où l’on vient. Il faut rester très humble avec beaucoup d’humilité. On repart sur un nouveau cycle. Il y a des choses à reconstruire et cela peut prendre du temps. On va essayer de faire une bonne campagne de matchs amicaux, ce que nous n’avons pas fait l’année dernière pour aborder la saison avec certaines certitudes. Il n’y aura pas d’enseignement certain à tirer des matchs amicaux, mais j’en attends que dans le contenu. Les attitudes montrent des choses.
Il y aura à chaque fois deux équipes qui vont jouer lors des matchs amicaux ?
L’objectif sera de donner du temps de jeu à un maximum de joueurs. Pour le 30 août face à Aulnay, on est encore en réflexion sur le format du match. Pour la triangulaire, on aura deux équipes qui vont jouer. Une équipe joue contre Quevilly, qui est en Régional 1, et l’autre équipe face à Pont-Audemer, qui est en Fédérale 3.
Il n’y a pas beaucoup de matchs amicaux, c’est primordial d’en faire tout de même ?
Oui, on limite les matchs, car forcément, il y a un gros risque de blessures au rugby, notamment dans la reprise avec les contacts. Mais cela fait aussi partie des risques du sport. Il est ultra important de faire des matchs amicaux pour se préparer au contact et au défi physique que demande notre sport, car ce n’est pas pareil à l’entraînement que face à des mecs que l’on ne connaît pas. La notion d’affrontement est très importante. Il faut aussi qu’on se réhabitue à l’arbitrage. Même si on va faire venir des arbitres à l’entraînement, ce n’est pas la même chose.
Tout le monde est conscient qu’il faudra être sérieux pour retrouver la confiance et enchaîner les bons résultats.
Y a-t-il un risque qu’il y ait un relâchement et que certains prennent les matchs à la légère au vu de l’écart de niveau entre les deux divisions?
Je ne pense pas, car ce n’est pas dans l’état d’esprit des mecs. Surtout, on sait d’où l’on vient et la saison qu’on vient de faire. On ne peut prendre personne de haut vu nos résultats l’année dernière. Tout le monde est conscient qu’il faudra être sérieux pour retrouver la confiance et enchaîner les bons résultats. C’est sur le terrain qu’il faudra prouver que l’année dernière, ce n’était pas notre vrai visage, et que notre place n’est pas en Fédérale 3.
Va-t-il avoir des changements dans le jeu pour cette nouvelle saison ?
Oui, on repart sur une nouvelle saison, donc on va changer des choses. On n’ira pas plus dans le détail pour l’instant. On ne peut pas changer de cycles sans proposer autre chose aux joueurs. C’est donc important de proposer des contenus différents aux joueurs pour éviter une certaine lassitude. Ça fait du bien aussi pour la fraîcheur mentale.
Aurélien Finet
Crédit Photo : Léandre Leber – Gazettesports