Les 22 et 23 mai derniers, Lise Marie Leturgez et Théodore André, deux élèves du lycée professionnel de l’Acheuléen, ont décroché la médaille de bronze lors des championnats de France UNSS de Laser Run. Jonathan Desmaris, leur enseignant, revient au travers d’un récit inédit, sur la performance des deux jeunes amiénois.
Aujourd’hui je vais vous raconter une aventure extraordinaire, de celles qui vous donnent envie de vous lever le matin. Mais attention ! Pas juste pour vérifier que la pluie a enfin laissé la place au soleil dans notre ciel picard, non non, juste parce que cette histoire inspirante va redonner foi en vos rêves et vous faire comprendre « qu’à cœur vaillant, rien d’impossible » devise de Jacques Cœur (1395 – 1456).
Cette aventure donc, commence par la qualification de l’établissement l’Acheuléen, aux Championnats de France de Laser Run, en catégorie « sport partagé ». Bon, me direz vous, chaque année de nombreux établissements se qualifient aux « France UNSS » dans de multiples sports et peu d’entre eux reviennent avec les honneurs. Et puis, Laser Run ? Sport partagé ? On parle de quoi là au juste ? Je vais éclairer votre lanterne : le Laser Run est une discipline venue tout droit du pentathlon moderne qui consiste à combiner tir au pistolet laser et course, deux à quatre fois de suite, selon le format. En sport scolaire, la compétition se déroule toujours en équipe sous la forme d’un relais. La difficulté c’est qu’il faut courir vite et surtout rester efficace au tir malgré la fatigue, le stress, ou encore les conditions atmosphériques défavorables. Et on parle de « sport partagé » lorsqu’une équipe est composée d’au moins un élève ayant un dossier MDPH. Vous y êtes ? Vous suivez maintenant ? Bon, je continue alors.
Donc mardi 21 mai 2024, nous voilà partis à Coulommiers (77). Notre équipe est composée de Lisa Marie Leturgez (1C FAB) et de Théodore André (2C MET). Elle a pour particularité de ne pas avoir un élève du dispositif ULIS, mais deux. Théodore va donc concourir avec les « valides ». Lisa Marie, « la discrète » cache bien son jeu, c’est une « battante » qui ne lâche rien dès qu’elle croit en elle. Théodore, lui, c’est notre « Jeune Coach » qui rassure Lisa Marie et la guide durant ses tirs. Mais c’est aussi « la valeur sûre », un vrai métronome au tir !
Et puis il y a Matéo Hutin (2C INS) qui officiera en tant que « Jeune Officiel. » Solaire, il amène sa bonne humeur dans ses valises, et remplace Valentin qui a été contraint de déclarer forfait quelques jours avant le début du championnat. Qui a dit que l’entraide et l’empathie se perdaient ? Pas moi en tout cas ! Sur place, on sent une certaine fébrilité dans l’air, les compétiteurs arrivent de toute la France ! Nous allons nous présenter au secrétariat puis reconnaissance du parcours, entraînement au tir, réunion de préparation pour enfin regagner notre hôtel. Demain sera un grand jour !
Mercredi 22 mai 2024, Lisa Marie et Théodore devront effectuer 2 courses dont les temps seront cumulés afin d’obtenir un premier classement qui constituera l’ordre de départ des équipes pour la finale. Pour ce championnat de France, le format est le suivant : 3 courses en 2 jours. Lisa Marie, catégorie « handi », concourra comme suit : Tir / 200m / Tir / 200m et Théodore, catégorie « valide », effectuera Tir / 400m / Tir / 400m. A chaque passage au tir, chacun d’eux devra allumer 5 diodes vertes en moins de 50 secondes pour perdre le moins de temps possible. Je vous l’ai dit, ce sport demande, en plus de la rapidité et de la précision, un mental d’acier !
La course 1, celle de la découverte…
Découverte du protocole, de la chambre d’appel, écoute du briefing des juges, puis échauffement de 5’ sur le pas tir. Lisa Marie et Théodore sont en milieu inconnu, auprès de personnes qui leur sont étrangères. La gestion du stress est difficile. Lisa Marie est mise en difficulté sur le tir (49’’ et 35’’), loin de ses standards habituels. Sur la course, les jambes des deux coureurs sont lourdes. Ils terminent 5ème sur 8 (6’48). Leur marge de progression est énorme s’ils arrivent à se libérer et à gérer le stress de l’événement. Notre objectif avec Mme Buquet, avant la course de l’après-midi, est de faire en sorte que Lisa Marie reprenne confiance au tir. Comme je l’ai dit plus haut cet exercice est difficile lorsque le cardio est au plus haut. Autant l’apparition des diodes vertes nous boostent et nous donnent des ailes pour nous surpasser, autant l’échec au tir peut nous faire douter et perdre nos moyens. Quel challenge !
Le déclic’
Pour cette deuxième course, l’objectif prioritaire n’est pas le classement, mais l’amélioration du temps effectué le matin. D’abord se centrer sur soi. Oublier le bruit, la foule, les adversaires. Faire le vide et vivre sa course. Le classement n’en sera que meilleur. Ils déroulent, améliorent leur temps de 38 secondes (6’10) !!! Objectif plus que rempli. Ils se classent donc 3ème. Lisa Marie est allée puiser en elle-même au pas de tir (31’’ et 26’’) et Théodore a été stratosphérique au tir (13’’ et 14’’). Les élèves sont contents, soulagés. Le sourire retrouvé sur le visage de Lisa Marie. Ils ont réalisé une course pleine. Au-delà de leur résultat, j’ai particulièrement apprécié leur force et leur résilience qui leur ont permis de se relever et d’aller de l’avant. A la fin de cette première journée de compétition, l’Acheuléen est 4ème à seulement une seconde des 3èmes. Malheureusement, pour la finale, Lisa Marie partira cinq secondes derrière le 3ème. Et nous voici jeudi 23 mai 2024, jour de finale. Le départ se fait donc en handicap start : départ toutes les 5 secondes en fonction du classement de la veille. C’est le grand jour, ça passe ou ça casse !
La finale : La remontée
Mme Buquet et moi-même nous sommes donnés comme mission d’aider les élèves à gérer leur stress. Dans ce but, nous sommes partis effectuer une longue marche matinale. Nous avons quitté le bruit et l’agitation pour revenir « à l’essentiel. » Ce bain de verdure a permis à Lisa Marie et Théodore d’apaiser leurs tensions et de mieux gérer leurs émotions. Notre finale étant la quatrième course de la journée, nous avons pu parler, leur faire prendre conscience de la chance qu’ils ont de vivre ces moments-là. Nous avons une pensée pour Matéo qui juge en ce moment les autres courses. Puis nous sommes revenus sur la course à venir : Ne rien lâcher, même si l’on perd du temps sur le pas de tir. Le coéquipier peut toujours rattraper le coup. Le plan de course à respecter est simple pour l’équipe : réaliser la même course qu’hier après-midi. Lisa Marie, seule fille chez les « handi », doit essayer de perdre le moins de temps possible, même si elle est doublée par certains garçons.
A l’échauffement, Lisa Marie se rassure au tir alors que Théodore voit sa main trembler un fois le pistolet en main. Après quelques conseils, il retrouve la mire. Ouf ! Et c’est le départ vers la chambre d’appel où les élèves sont livrés à eux-mêmes. Matéo, posté près d’eux, prend le temps de leur glisser quelques mots d’encouragement ! Lisa Marie part en quatrième position à cinq secondes du troisième, 10 secondes du second et 15 secondes du premier. Elle est déterminée et réalise d’entrée son meilleur passage au tir du championnat en 21’’ puis assure son deuxième passage en 28’’. Elle n’est doublée que dans les 100 derniers mètres par un garçon. Elle passe le relais à Théodore en cinquième position. Premier tir en 19’’, toujours aussi régulier malgré l’enjeu. Il double la 4ème à la course et arrive sur le pas de tir en voyant la 3ème qui est déjà en train de tirer. Cette dernière flanche et 19’’ plus tard, Théodore pose son pistolet en 3ème position et n’a plus qu’à assurer un dernier 400m pour monter sur le podium. Il franchit la ligne en 6’13. Ils viennent de réaliser leur meilleure course du championnat au meilleur des moments (6’13 – 15’’ de handicap = 5’58). Les premiers et deuxièmes terminent en 6’ et 6’02.
A l’arrivée, Théodore attendra chacun des concurrents pour leur serrer la main et les féliciter. Quel fair-play !! Lisa Marie ne peut pas encore le rejoindre à ce moment-là. Ils ne réalisent pas encore qu’ils sont 3èmes. Alors, nous leur annonçons, quel plaisir ! Il y a tout d’abord de l’étonnement sur leurs visages, comme si cela n’était pas possible, pas pour eux. Nous leur répétons une deuxième fois, les sourires apparaissent même s’ils ont encore du mal à réaliser. Et puis il y a le podium sur lequel ils montent, réservés, contenant leur émotion devant un tribune pleine.
Ce jeudi 23 mai 2024 est une journée historique pour le lycée professionnel de l’Acheuléen. Premier podium, première médaille lors d’un championnat de France UNSS pour le lycée. Mais aussi tellement plus !!!!! Au cours de ces 3 dernières journées, deux élèves ont chuté, se sont relevés, ont dépassé leurs limites, pour prouver qu’ils étaient légitimes. Pour prouver qu’on avait eu raison de leur faire confiance et ce, sans jamais se départir de leur humanité ni de leur empathie, pour décrocher avec brio une magnifique 3ème place. Ils peuvent être fiers de tout le chemin qu’ils ont parcouru, autant que nous sommes fiers d’eux !
Jonathan Desmaris
Crédit photos : Fred’s Pictures et Elodie Rouquette – DR