Quelques jours après la défaite à Auxerre qui a mis fin objectivement aux dernières chances de maintien du RCA, Joël Nayet s’est exprimé sur la suite pour le club et notamment la quête d’un nouveau président.
Se retrouvant un peu par hasard à gérer le départ de la présidence de Julien Carlier, celui qui avait annoncé sa mise en retrait pour soucis de santé se retrouve finalement une nouvelle fois aux avants poste dans une situation qu’il aurait aimé ne pas vivre. Lui qui, selon ses dires, n’aurait pas dû accepter de rester vice-président, ce qui le met dans une situation particulière aujourd’hui.
Quel est votre sentiment au regard de la situation du club aujourd’hui ?
Je suis forcément déçu pour le club, pour les garçons. On a un groupe qui sur le terrain a fait ce qu’il a pu. Ils auraient parfois pu faire certainement mieux mais ils ont fait avec leurs armes. Il y a eu le choix de se recentrer sur un groupe plus local et sur nous mêmes avec un projet moins ambitieux en début de saison, ce que je ne partageais pas vraiment. J’étais plutôt participant d’un projet plus ambitieux en s’ouvrant au plus large. La résultante est là avec une descente et le premier forfait en réserve en 6 ans. On ne peut pas aujourd’hui faire un groupe composé essentiellement de joueurs amiénois ou picards en Fédérale 2, le vivier n’est pas assez important. Je pense que le club a fait une erreur sur ce point. Aujourd’hui il faut accepter et en tirer les leçons.
La descente va enterrer définitivement le projet de reprise du duo Wiotte-Madej ?
A mon âge il n’était plus question de reprendre la présidence mais j’étais prêt à venir en soutien de Stéphane Wiotte et de Stanislas Madej, qui est un homme de rugby qui a des contacts à l’OMR ce qui est important. Mais c’était un projet pour la Fédérale 2 et non la 3. J’ai mis 6 ans pour que le club accède en Fédérale 2 et à mon âge ce n’est plus possible d’aller sur un projet à long terme. Il faut, je pense, un nouveau projet avec du sang neuf. Pour moi il n’est pas question de repartir en Fédérale 3 et Stéphane Wiotte ne veut pas s’engager sans moi donc le projet ne verra pas le jour, en tout cas en l’état. Aujourd’hui je fais le sale boulot en essayant de gérer sur le plan économique la descente pour éviter au club d’être en difficulté mais c’est catastrophique les conséquences de cette relégation. On doit gérer des hommes qui doivent partir que ce soit des joueurs mais aussi dans l’organigramme et cela me touche. Je me suis engagé à accompagner le club jusqu’en avril et ensuite je passerai définitivement la main. J’ai d’autres projets dans le rugby avec des clubs qui tendent plus vers le haut niveau. Je prépare le club à une survie économique et à lui permettre de repartir sur des bases saines mais je ne m’occupe pas de préparer la saison prochaine car je ne serais plus là. A partir du mois d’avril, Amiens pour moi c’est fini, mon chemin ici est fini et il faut quelqu’un de nouveau pour continuer à faire un autre bout de chemin avec le club. Quand on est un acteur économique comme moi, je pense qu’il est normal de s’investir dans le sport car ça fait partie de l’attractivité d’une ville. Pour moi cette attractivité est importante et j’ai pris du plaisir à faire ainsi. Mais il est tant d’avoir un nouveau projet et que des gens se prennent en main puisque certains ont réduit le projet initial à un projet trop local et on en connaît les conséquences. Peut-être que le club n’est pas prêt à accéder au haut niveau mais la dure réalité c’est qu’aujourd’hui, on doit gérer une descente et des hommes qui vont perdre leur travail.
Vous allez vous désengager totalement du club ?
Non je vais rester sponsor comme c’est le cas depuis de nombreuses années mais je serais un sponsor lambda. Je reste un acteur économique du territoire donc je continuerais à soutenir le club mais je ne serais plus un sponsor principal comme j’ai pu l’être. Des gens ont des idées, il faut qu’ils les portent pour emmener ce club au plus haut niveau ou pas si le projet est réduit, en tout cas ce n’est pas ma vision des choses. Je reste persuadé que la ville d’Amiens doit avoir un club en Fédérale 1. Le sport et la culture, pour moi, portent l’attractivité d’une ville c’est pour cela que des gens comme moi, comme Jean Luc Mention, Bernard Joannin investissent dans des clubs comme de nombreux entrepreneurs. D’ailleurs Bernard Joannin va visiblement bientôt quitter le club et c’est là je pense vraiment que certain mesureront ce qu’il a fait pour la ville et son attractivité.
Cette vague de départs va obliger à un gros recrutement pour avoir un groupe compétitif l’année prochaine ?
Il va y avoir des départs c’est certain, car les contrats ne pourront pas être renouvelés pour certains, ou pas dans les mêmes conditions car le budget va presque être divisé par deux. Après je ne gère pas le sportif et ce sera aux gens en charge du recrutement et du futur président de valider les arrivées. Je vais me concentrer à essayer d’aider les joueurs qui devront partir à trouver un point de chute et à gérer le possible départ de salariés qui peuvent être touchés par la perte de budget. Le recrutement ce n’est pas mon rôle, en espérant que ce soit plus une réussite que cette année. Quand on voit une équipe en Fédérale 2 qui est obligée de faire jouer des joueurs en A et en réserve le même dimanche, il y a un problème. On doit être capable dans un club comme Amiens d’aligner 44 joueurs le dimanche.
On a l’impression qu’au-delà du sportif, l’une des raisons de cet échec est structurel avec des dysfonctionnements dans l’organigramme et la gestion de l’extra sportif ?
Tout n’a pas été bien fait,après je n’ai pas préparé la saison car je me suis mis en retrait pour des problèmes de santé. On m’a demandé de revenir en tant que vice-président pour gérer les relations avec les partenaires. J’ai alors face à la situation, essayé de faire bouger les choses ce qui n’a pas tout le temps plu. Malheureusement on n’a jamais réussi à se remettre du début de saison et des erreurs de l’intersaison. On a trop voulu se reposer sur nos joueurs amiénois qui ont un bon niveau mais qui n’ont pas forcément l’expérience que l’on a pas été assez cherché à l’extérieur. Surtout on ne pouvait pas se maintenir avec un groupe aussi peu consistant. Il faudra apprendre pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Des clubs sont en grosse difficultés financières et une cascade de descentes administratives pourrait avoir lieu et donc des repêchages. Après, je ne suis pas persuadé que ce serait une bonne chose d’être repêché au mois de juillet. Une saison se prépare en amont et rester en Fédérale 2 ne serait pas forcément un cadeau car je ne pense pas que le club sera en mesure de vivre une deuxième saison comme celle que l’on vient de vivre.
Etes vous inquiet pour l’avenir du club qui aujourd’hui n’a plus de président ?
Il y a un bureau qui travaille bien avec des gens compétents et qui ont de vraies qualités. Il y a aussi des gens dans le club qui n’ont pas connu le haut niveau et qui n’ont visiblement pas envie d’y aller. Comme dans tout club, il y a des gens qui ne savent que critiquer mais je pense que le bureau est assez solide pour porter un projet de Fédérale 3. Pour la Fédérale 2 il faudra peut être prendre du temps mais aujourd’hui je ne peux pas imaginer que le club ne soit pas capable au minimum de rester en Fédérale 3 surtout quand je vois le niveau.
Cela peut-il remettre en cause le projet de CEL ?
Non, j’ai rencontré les gens de la ligue récemment et il m’ont bien confirmé la venue du CEL à Amiens à la rentrée. C’est un projet qui m’a tenu à cœur et pour lequel je me suis battu. C’est forcément dommage de pas être resté en Fédérale 2 mais la descente ne remet rien en question. On a pris le dessus sur des clubs comme Beauvais qui évolue à un niveau au-dessus, car on a une meilleure attractivité. Il ne faut pas non plus oublier que c’est avant tout un projet Ligue avant d’être un projet du club. En étant en Fédérale 3 il sera peut être plus simple de lancer des jeunes même si l’on a vu que c’était aussi possible en Fédérale 2. Dans la restructuration du club je m’attache à garder un staff technique complet pour aider au développement des jeunes aussi. D’ailleurs, si nos seniors ont eu du mal cette saison, nos jeunes sont performants. Nos U19 ont manqué de peu la qualification en phase finale et nos U16 sont en demi-finale. Ils ont gagné l’aller à l’extérieur, vont gagner à domicile et donc aller en finale à Lille dans quelques semaines. Cela leur donne, en cas de victoire finale, d’aller en niveau Nationale pour la première fois de l’histoire du club. Ce serait une excellente nouvelle pour l’avenir du club et si l’on travaille bien avec le CEL on sera capable d’amener plusieurs équipes à ce niveau et d’alimenter l’équipe seniors avec des joueurs de qualité, de manière régulièret. Mais on ne pourra jamais faire une équipe composée uniquement de notre formation, il faudra continuer d’aller chercher des ressources ailleurs et pour cela il faudra être plus ouvert qu’aujourd’hui.
Avant de conclure l’entretien, Joël Nayet lance un appel à candidature, “si des gens veulent s’investir dans le rugby et le club je suis prêt à les accueillir du mieux possible mais dans le sport comme ailleurs trouver des bénévoles c’est de plus en plus compliqué alors des dirigeants bénévoles encore plus.”
A noter que les départs devraient concerner notamment les joueurs sous contrat qui pourraient vouloir partir pour rester à ce niveau mais aussi et surtout les joueurs en fin de contrat comme les deux Sud Africains O’Neill et Tsomondo. Ce dernier semble d’ailleurs sur le départ puisqu’il a publié des vidéos sur ses réseaux sociaux pour vendre ses talents récemment.
Propos recueillis par Aurélien Finet
Crédit Photo : Léandre Leber – Gazette Sports