VOILE : Isabelle Autissier, de navigatrice à la scène amiénoise

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Première femme à avoir effectué un tour du monde en solitaire et à la voile en 1991 en 139 jours et 4 heures, présidente d’honneur du WWF France depuis 2021, mais aussi écrivaine, Isabelle Autissier connait une vie bien remplie. Elle était dernièrement en représentation pour son spectacle « Sur le pont » à Amiens à la Maison de la Culture, tandis qu’une adaptation de son roman « Soudains Seuls » vient de sortir au cinéma avec comme acteurs Gilles Lellouche et Mélanie Thierry.

Isabelle Autissier est fière de son parcours. Première femme à avoir fait un tour du monde en 1991, elle reproduira cette aventure à deux reprises avant de mettre un terme à sa carrière sportive en 2000 : « J’avais pris la décision en 1998 de faire un dernier tour du monde quel que soit le résultat. J’avais fait le tour de la question… » La navigatrice n’a pas pour autant tout stoppé définitivement puisqu’elle accompagne aujourd’hui des chercheurs et des sportifs. Isabelle avait d’autres envies, « que ce soit en solitaire ou en équipe, la course nous prend 140% de notre temps, vous n’avez pas le temps de faire autre chose. » Cette décision ne fut pas difficile à prendre puisqu’elle avait déjà quitté son métier d’ingénieur des pêches pour se consacrer aux courses au large. Aujourd’hui écrivaine, elle a également connu une période en tant que chroniqueuse radio, « peut-être qu’un jour j’arrêterai d’écrire, on n’est pas monolithique. »

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« Dans le milieu, entre coureurs, ça se passe bien »

Isabelle Autissier ne voit pas d’exploit dans le fait d’avoir été la première femme à avoir effectué un tour du monde, « ça me fait ni chaud ni froid. J’ai eu une chance extraordinaire, parce que quand j’étais petite, on m’a jamais dit qu’il y avait des trucs pour les filles et des trucs pour les garçons. Je n’ai jamais vu au nom de quoi, j’aurais dû me demander si c’était bien parce que j’étais une femme ». Oui, elle fut motrice mais ce n’était pas son but premier. Même si elle est ravie de voir l’évolution de son sport et la reconnaissance que le public montre, elle déplore encore des critiques injustifiées : « Le jour où l’on arrêtera de dire que c’est bien pour une femme, on aura évacué ce problème là. Je n’ai jamais eu un marin qui m’a manqué de respect. Quand on est devant, on est devant, et les marins le comprennent bien. »

Des expériences qui l’ont forgée

En 1997, lors du Vendée Globe, Isabelle Autissier a tenté de sauver Gerry Roufs, alors que la balise avait cessé d’émettre. « J’ai énormément réfléchi à la suite du drame de Gerry, à ce que j’allais faire moi si mon bateau se retrouvait à l’envers. J’étais la première à avoir réfléchi à des solutions que tout le monde possède aujourd’hui comme le hublot et le radeau de survie à l’arrière. » Pour elle, c’était important de se retrouver en sécurité après ce drame, estimant que c’est à cause du retournement de son bateau que Gerry Roufs a disparu. Elle a entrepris de nombreuses réflexions pour « répondre point par point à ces évènements » avec son équipe. « Par chance c’est à moi que c’est arrivé » car en 1999, elle a vécu cette situation, lors du Around Alone, durant lequel elle a chaviré et Giovanni Soldini est venu à sa rescousse : « Mon secret, c’est de me préparer, c’est de savoir que tout peut arriver en mer. »

Le piment de la mer ce n’est pas de jouer avec sa vie, ça n’a aucun intérêt.

Isabelle Autissier

Des courses au large à représentation sur scène et même au grand écran

« Le spectacle, ce n’était pas mon idée » mais plutôt celle du musicien qui l’accompagne, Pascal Ducourtioux, compositeur et ami de longue date, qui un jour lui a proposé de monter un spectacle parlé : « Essayons, on ne risque rien à essayer, hormis réussir. » Les deux amis ont donc monté un spectacle au Festival du vent pour un essai, « un petit truc de 20 minutes » qui s’est avéré être une réussite, ce qui les a amené à continuer. Depuis, ils ont monté plusieurs spectacles dont « Sur le pont » qu’elle joue depuis un an. Outre les contes imaginaires qui composent ses récits, « mon passé maritime en général m’amène à avoir toutes ces histoires ».

Quant au fait de se produire devant un public, ce n’est pas un problème pour la navigatrice : « En marge de la compétition, il y a les médias, on en fait énormément, donc on a l’habitude de parler aux gens, de raconter des histoires », d’autant plus qu’elle a présenté, entre 2012 et 2016 sur France Inter, les récits d’Isabelle Autissier, dans lesquels elle raconte ses histoires.

A ces activités s’ajoute celle de romancière. L’auteure de cinq ouvrages depuis 2007, a d’ailleurs vu ce mercredi, une adaptation de son roman Soudain Seuls sortir sur grand écran. réalisée par Thomas Bidegain, avec comme acteurs Gilles Lellouche et Mélanie Thierry. Un film dans lequel elle n’est pas intervenue : « Il a revisité le livre à sa façon, je n’avais pas à intervenir, je ne connais pas le langage du cinéma. » Elle est cependant contente du résultat et souligne la qualité du travail du réalisateur et des acteurs : « Quand je regarde le film aujourd’hui, il tient la route. » Elle avoue que le film ne raconte pas la même histoire que le livre mais il garde le cadre, « sa sensibilité fait qu’il s’est plus concentré sur la question du couple, moi je m’y étais aussi intéressée mais plus dans le cadre de ce que sont les humains dans la nature ».

La scène est un peu différente de la conférence et de l’interview. La scène vous met aussi en jeu physiquement. Votre gestuelle, vos déplacements, votre regard ont un sens.

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La nature et l’environnement, une préoccupation majeure pour Isabelle Autissier

Navigatrice et présidente d’honneur du World Wildlife Fund France, la native de Paris met un point d’honneur à faire cela en toute humilité : « Les étiquettes, ça ne m’intéresse pas, je suis moi, Isabelle Autissier […] Je fais ce que j’ai envie de faire, avec les gens qui m’intéressent. Je pense être diverse, je suis tout à la fois ». Le plus important pour elle, c’est sa préoccupation pour l’avenir des sociétés humaines, et notamment autour de la notion environnementale, en essayant « de faire les choix qui me correspondent. » Elle évoque notamment l’industrie textile, qui est très polluante : « Je préfère acheter un t-shirt à 20€ qui sera un t-shirt durable, plutôt que de l’acheter cinq en faisant travailler des gens au Bangladesh, qu’on surexploite […] Qui plus est, ça va subventionner des cultures de coton, qui sont des horreurs environnementales bourrées de pesticides et où on gâche de l’eau. Après on met ça dans des conteneurs qui traversent la planète et en plus à la fin j’aurais un t-shirt que je ne mettrais que quatre fois, car c’est la moyenne. […] Moi je préfère acheter un truc qui durera quinze ans, je trouve ça plus intéressant ». Un choix de consommation, en rupture avec le modèle de notre société actuelle, qu’Isabelle Autissier estime « dangereux pour la santé ». La navigatrice privilégie la cuisine maison en composant avec le bio et en réduisant la proportion de viande.

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La COP 28 comme évènement déclencheur de la protection de l’environnement

C’est l’évènement majeur concernant l’environnement, qui a débuté en début de semaine à Dubaï. Un lieu qui résonne difficilement avec la problématique environnementale mais qui fera peut-être bouger les choses… En effet, il sera impossible de passer à côté de la notion d' »énergie fossile » qui anime le monde depuis une vingtaine d’années. Pour Isabelle Autissier, il faudrait arrêter de chercher de nouvelles sources de pétrole pour « tenir les 1,5°C. Ne pas tenir ces 1,5°C, c’est mettre les sociétés humaines à risques. Ce qu’on commence à voir c’est de la rigolade, ce qu’on va payer sera de plus en plus dramatique pour les humains. » Elle qui estime qu’il est nécessaire de mettre tout le monde autour de la table pour discuter et surtout parler aux patrons pétroliers. Elle y voit un côté indispensable de passer par des débats houleux comme il pourrait y en avoir lors de cette COP, pour pousser et de dire, « maintenant, qu’est-ce qu’on fait? ». Et malgré le côté provoquant du lieu, elle y entrevoit une possibilité d’entrer réellement dans le vif du sujet.

Après un parcours sur l’eau, c’est donc sur les planches qu’Isabelle Autissier s’exprime désormais. Avec des engagements parallèles qui font que la navigatrice est sur une multitude de fronts, la volonté de partager et d’être engagée l’amène à être indéniablement « Sur le pont ».

Prochains spectacles :

16 décembre 2023

Communauté de communes du Pays du Coquelicot, Bouzincourt

17 décembre 2023

Entrepôt des Sels, Saint-Valéry-sur-Somme

Interview : Léandre Leber
Rédaction : Kélian Bourg
Crédit Photo : Kevin Devigne – Gazette Sports

Publié par La Rédaction

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