Il reste des Français sur les courts de Roland-Garros ! Les ramasseurs de balles… Nina, Alexandre, Paul et Samuel jouent au tennis à l’Amiens AC et font partie des 250 « ballos » sélectionnés. Ils dévoilent leurs impressions au cœur du tournoi français du Grand Chelem.
« Le plus dur, c’est de faire attention à ne jamais être dans la lune… » confie en souriant sous son masque Samuel Tant, 15 ans, tennisman de l’AAC modestement classé 30/3 et qui a les pieds sur terre (battue) d’habitude. Quand on le croise ce jour-là, à Roland-Garros, il se prépare à vivre un rêve : fouler la terre battue du court Philippe-Chatrier, le plus grand et le plus prestigieux des terrains sur lesquels évoluent les meilleurs joueuses et joueurs du monde pendant trois semaines. Car si l’on parle de la « quinzaine parisienne », tout commence en fait huit jours avant, avec les qualifications pour le tableau principal. « En tout, j’aurai donc manqué trois semaines de cours, explique celui qui est en 3ème au collège St Martin, à Amiens. Mais ce n’est pas trop gênant car on est à la fin de l’année scolaire. » Samuel a quand même le brevet en ligne de mire : « un copain m’envoie tous les cours, je les regarde régulièrement. »
Début de tournoi réussi
Mais l’objectif de Samuel, à très court terme, c’est surtout d’aller au bout de l’aventure à Roland-Garros. « Je pense que je peux rester », dit-il sans fanfaronner, avec le sentiment d’avoir réussi son début de tournoi. La preuve ? Sa désignation parmi les douze « ballos », comme sont surnommés les ramasseurs, retenus pour le match entre Rafael Nadal et Richard Gasquet, programmé dans la session de soirée du court Philippe-Chatrier, jeudi dernier. Ramasser sur le « Central », même à huis clos à cause du couvre-feu, c’est un rêve que tous ne réaliseront pas. Mais pas de jalousie, chacun savoure sa chance d’être là, de côtoyer les champions.
« Hugo Gaston est gentil » pour Nina et Samuel
« J’ai ramassé sur le court n°14, précise Nina Laure, du haut de ses 14 ans. Jusqu’à présent, c’est le plus grand court où je suis allée » raconte l’adolescente qui a fait ses gammes lors des deux derniers tournois ITF féminins de l’Amiens AC. A Roland-Garros, Nina était donc en action « pour le match de Rublev (NDLR : joueur russe tête de série N°7, éliminé au 1er tour). Il y avait pas mal de monde. Et il a été sympa avec nous. » Mais bien souvent, les joueurs français ont surtout la cote auprès des ramasseurs. « Enzo Couacaud (NDLR : qui a franchi le 1er tour pour la 1ère fois de sa carrière) dit merci quand on lui donne les balles pour servir » a apprécié Nina. Et « Hugo Gaston est très sympa » selon Samuel, rejoint par Nina : « Gaston, il est gentil, cool… » Richard Gasquet, victorieux de ce duel 100% tricolore du premier tour, est plus ambivalent, à en croire Samuel : « s’il a gagné le point, ça va ! Et là, il veut toujours rejouer avec sa dernière balle. J’ai trouvé Zverev sympa aussi. »
Un bref moment de solitude
La peur de mal faire, voilà la hantise des ballos… « Cela m’est arrivé de ne pas savoir quoi faire à la fin d’un échange… » reconnaît Nina, quand Samuel évoque sa crainte de « la chute » qui pourrait faire mal et aussi faire rire le public. Ou la peur « de se prendre les pieds dans les bâches » enroulées en fond de court. Mais ces moments de solitude sont brefs, car le ramasseur se déplace toujours en groupe de six : deux de chaque côté du court, donc au fond et deux au filet. Comme sur la photo de classe, on met « les grands au fond, précise Samuel, qui sait de quoi il parle avec son 1,77 m. Et les moins grands au filet, le poste le plus dur, car ils courent plus ! » pour ramasser vite fait bien fait les balles qui échouent dans la bande ou dans le bas du filet.
Arrêter des balles à 200 km/h !
Pour ceux postés en fond de court, l’exercice est également très sportif : « on m’a demandé de plus me baisser pour effectuer les roulés » détaille Nina, au sujet de cette façon si particulière de se lancer les balles à ras de terre entre ramasseurs. Exercice sportif aussi à cause de la vitesse à laquelle les balles arrivent, parfois droit sur eux, en particulier au service. Le ramasseur peut alors se transformer en gardien de but, chargé d’arrêter des petits missiles, chronométrés à 200 km/h ou plus ! Et ça peut faire très mal au bout des doigts si on réceptionne mal la balle… Auquel cas d’autres ballos, comme Alexandre Boulogne Aragüés et Paul Grabowski, se tiennent prêts à entrer sur le court, sur décision de leur responsable, pour suppléer illico presto et incognito le malheureux ramasseur.
Prêt à ramasser…les miettes en finale
A partir du mardi ou du mercredi de la dernière semaine, une sélection va tomber : la liste des ramasseuses et ramasseurs gardés pour la fin du tournoi, les matchs à fort enjeu, à partir des quarts de finale. Si un débriefing a lieu systématiquement après chaque rotation – une trentaine de minutes passées sur le court, soit cinq à neuf jeux, parfois un set entier s’il n’est pas très long -, le couperet tombe en revanche assez brutalement. « On va juste nous dire si on est retenu ou pas pour la fin du tournoi » croit savoir Samuel Tant, optimiste pour son cas personnel (lire plus haut). « Avoir vu Nadal en vrai pour la première fois, c’était incroyable » réalise l’ado amiénois. Comme l’ogre de l’ocre, Samuel ambitionne d’aller le plus loin possible dans le tournoi, pourquoi pas jusqu’en finale où il se contenterait volontiers de…ramasser les miettes laissées depuis seize ans par le Majorquin.
Vincent Delorme
Photos : droits réservés et Vincent Delorme