FOOTBALL – Quentin Heurtel : « Le rôle de gardien de but, c’est le plus complexe dans le football »

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Étudiant en staps et éducateur, spécialisé sur le poste de gardien de but à l’AC Amiens depuis cette saison, Quentin Heurtel nous parle de lui, de son poste et du rôle d’un éducateur.

Bonjour, pour commencer, pouvez-vous vous présenter ?

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Je suis Quentin Heurtel, j’ai 19 ans. Je suis originaire du département de la Somme et plus particulièrement du Vimeu. J’ai toujours occupé le poste de gardien de but depuis ma plus tendre enfance. Ma formation et mon éducation dans le monde du football ont commencé lorsque je suis entré au collège Louis-Jouvet de Gamaches. J’avais effectué une rentrée pas comme un collégien ordinaire puisque, quelques mois auparavant, j’avais passé des tests pour rejoindre la section sportive du collège et j’ai été retenu. J’ai passé là-bas 4 années où j’ai beaucoup appris, beaucoup progressé, notamment grâce au responsable, Frédéric Clercq, auquel je dois beaucoup aujourd’hui. Cet homme m’avait donné, sans le savoir, l’envie de suivre le chemin que je suis actuellement. Et on peut dire que mon histoire avec cette section n’est pas terminée puisque depuis 4 ans, chaque année, je reviens en tant que membre du jury pour le concours d’entrée. J’ai pour tâche de sélectionner les futurs gardiens de but de la section.

Après l’obtention de mon brevet, je suis entré au Lycée Louis-Thuillier à Amiens. J’avais été retenu pour suivre un cursus de 3 ans entre école et football au sein du Pôle Football de la Cité Scolaire. Avec à sa tête, Bruno Fagnoni, un amoureux du ballon rond avec qui j’avais une grande complicité que ce soit sur le terrain ou en dehors. Pour moi, c’est l’exemple à suivre dans ce que je veux faire. Pendant ces 3 ans, j’ai connu des hauts et des bas, mais je retiens avant tout ma progression en tant que gardien mais aussi une progression dans ma vision du football. De plus, à ma grande surprise, pendant ma 2ème année, j’ai été sélectionné en équipe de Picardie U18 futsal alors que ce n’est pas du tout ma discipline, à la base. Et j’en garde plein de bons souvenirs.

Après l’obtention de mon baccalauréat, j’ai décidé de poursuivre mes études en Staps. Je suis actuellement en 1ère année à l’UPJV d’Amiens. Et je suis devenu, depuis le début de saison, qui, malheureusement, a été courte, éducateur et responsable des gardiens de but de l’école de foot et de la préformation de l’AC Amiens. Mon souhait est désormais de faire de ce rôle qui me tient à cœur mon métier.

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Pour terminer, j’aimerais citer quelques personnes qui m’ont permis de devenir qui je suis actuellement : Christophe Wargnier, éducateur au SC Abbeville, Pascal Renaud, qui a été mon formateur gardien depuis que je suis tout petit, que ce soit à Eu ou à l’US Gamaches, Francis Thorrignac, entraîneur des gardiens de l’ASC féminines et Guillaume Gonel, entraîneur du groupe N3 de Dieppe. C’est un petit geste pour dire qu’ils ont beaucoup compté pour moi et que je ne les oublie pas.

Comment on appréhende la spécificité du poste de gardien de but ?

Le rôle de gardien de but, pour moi, c’est le plus complexe dans le football. Il y a tellement de caractéristiques, de choses à travailler qu’on ne sait plus où donner de la tête. Par exemple, pour moi, à l’AC Amiens, pour préparer un spécifique gardien, il faut s’adapter au public que l’on a en face. Une séance de gardien de but ne se fait pas en claquant des doigts, elle est préparée la veille avec un plan à respecter, avec un thème. Nous travaillons sur plusieurs mois. Pendant un mois, on va travailler sur un thème en particulier, par exemple, la relance. On termine quand même les séances par un petit jeu afin de garder le côté ludique parce qu’il ne faut pas que les gamins soient trop dans la répétition et que ce soit ennuyant. Tout en restant tout de même dans le thème du mois. C’est quelque chose de très complexe ce poste. Et c’est encore compliqué de faire comprendre l’utilité d’un spécifique pour les gardiens.

Quelles sont les méthodes que vous utilisez, justement, auprès des jeunes pour travailler cette spécificité, notamment en fonction de leur âge ?

En fonction du public, on va être plus ou moins exigeant. Pour ma part, mon plus jeune gardien est U10 et le plus âgé est U14. J’ai deux gardiens en U10-U11 qui font un spécifique le lundi avec mes deux gardiens U13. L’important, c’est d’avoir 4 gardiens pour permettre à chacun d’avoir des temps de récupération. Il faut aussi faire attention à ce qu’il y ait de la répétition.

Pour mes gardiens U13, ils ont aussi une séance spécifique le lendemain, avec les U15. Cela leur permet de se préparer à la saison prochaine, dans les grands buts. Passer d’un spécifique avec les plus petits à un spécifique avec les plus grands, cela permet d’avoir une progression constante, ils ont un élément de comparaison.

Mais, quels que soient les âges, je travaille de la même façon. Je suis un plan composé d’un échauffement, d’une mise en place thématique puis une mise en place tactique. On met cela en œuvre par des exercices de répétition qui ne sont pas ceux où les gamins prennent le plus de plaisir. Mais il faut qu’ils prennent le geste à la perfection. Ensuite, on finit sur un jeu pour rendre l’entraînement ludique, pour qu’ils continuent à profiter de leur spécifique. Il faut aussi qu’ils profitent de façon ludique, de manière amusante et que ce ne soit pas que de la répétition de gammes.

J’entends encore sur le bord des terrains certaines personnes dire que c’est n’importe quoi de faire des spécifiques gardiens pour des gamins de 10 ans, je veux leur prouver le contraire.

J’entends encore sur le bord des terrains certaines personnes dire que c’est n’importe quoi de faire des spécifiques gardiens pour des gamins de 10 ans, je veux leur prouver le contraire. Pour moi, un gardien, même en U10, j’admets qu’il a toujours besoin de suivre les entraînements des joueurs pour garder le contact avec le ballon dans les pieds, pour travailler certains aspects techniques. Mais dans mes spé aussi il y a du jeu au pied, de la technique. Chacun de mes gardiens sait contrôler, sait faire une passe du pied fort, du pied faible. De toute façon, ils ont deux entraînements par semaine, un spécifique et un avec le groupe.

On peut dire que c’est votre expérience personnelle qui vous a donné envie de transmettre ce que vous connaissez du poste de gardien ?

Oui, et notamment les différentes personnalités que j’ai pu rencontrer dans ma formation de joueur qui m’ont donné envie de suivre ce chemin. Pour autant, je tiens à préciser qu’à l’origine, je souhaitais juste être éducateur, avoir une équipe à disposition. Et finalement, je suis arrivé à l’AC Amiens en septembre et ils m’ont proposé ce poste au vu de mon parcours. J’ai accepté, et je me suis jeté à l’eau. Et je ne regrette pas mon choix, c’est ce que j’aime faire.

J’ai pu constater qu’en tant que gardien de but, quand on fait un spécifique, on ne pense qu’aux choses qu’on doit travailler et on ne pense pas à ce que l’éducateur ou le formateur que l’on a en face de nous a pu travailler en dehors du terrain. Et quand on franchit la barrière et que l’on devient soi-même éducateur, finalement, on se rend compte qu’il y a beaucoup de choses à mettre en œuvre pour mettre en place une séance. Notamment pour que la séance soit vivante. Parce que si on ne le fait pas, si on ne donne pas de la voix, les gamins vont s’ennuyer.

Comment s’articule votre emploi du temps entre le club et la fac ?

Le week-end, j’aime bien revenir chez moi, auprès de ma famille. Le dimanche soir, je suis de retour sur Amiens et dès ce moment, ma semaine commence. Je prépare ma séance du lundi à ce moment-là. Le lundi, à partir de 8h, j’ai cours, toute la journée jusque 16h, et ensuite, l’entraînement commence à 17h30, ce qui me laisse le temps de me rendre à Amiens Nord. Mais la séance est prête, je n’ai qu’à penser à mes cours pendant la journée. Et le soir, je passe de la casquette d’étudiant à celle d’éducateur.

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Le fait de faire des études en lien avec le sport facilite le passage d’une casquette à l’autre ?

Oui, tout à fait, mes cours de staps me permettent d’évoluer dans mon poste d’éducateur. On voit notamment l’anatomie du corps humain, cela aide quand les petits signalent telle ou telle douleur. On sait plus facilement identifier là où est le problème. Cela nous permet un meilleur suivi. Alors qu’il peut y avoir des éducateurs qui, quand un petit se plaint d’une douleur vont dire « Ne t’inquiète pas, ça va passer. »

Nous avons aussi des cours spécifiques à l’encadrement, à l’animation. Il y a donc des thèmes dans nos cours qui nous permettent de rectifier, parfois, des choses que l’on ne faisait pas bien avec les petits. Donc, oui, ça m’aide dans ma fonction d’éducateur.

Puisque l’on parle de casquettes multiples, avez-vous abandonné celle de joueur ?

Oui, quand j’ai commencé en septembre, j’avais l’intention de ne plus jouer au football pour prendre du temps pour faire ce que j’aime. Mais, finalement, au mois de décembre, ça a été plus fort que moi. Un club est venu me solliciter pour son équipe réserve et je me suis prêté au jeu. Mais, cela a été très court, je n’ai eu le temps de faire que 3 matchs de championnat.

Justement, avec ce qui se passe en ce moment, quel est le moyen de garder le lien avec les jeunes ?

Je travaille avec l’ensemble du groupe d’éducateurs sur les catégories qui me concernent. Je suis chaque semaine en communication avec les éducateurs. Et nous adressons un message à peu près toutes les deux semaines à nos petits, surtout en prévenant qu’il ne faut surtout pas plaisanter avec ce qu’il se passe actuellement – c’est tout à fait logique que les championnats aient été arrêtés, c’était la moindre des choses. On essaie de leur faire comprendre ce qui se passe, la gravité des événements et que c’est normal de ne plus jouer au football.

On essaie de leur faire comprendre ce qui se passe, la gravité des événements et que c’est normal de ne plus jouer au football.

Aussi, on garde le contact en leur proposant de petits exercices à faire à la maison, dans le jardin. Des exercices appropriés à la situation. Ils nous envoient des vidéos de jonglages, par exemple. C’est bien, cela nous montre qu’ils ne perdent pas le sens du ballon.

Au-delà de votre volonté de faire de ce rôle d’éducateur votre métier, comment voyez-vous l’avenir ? Toujours spécialisé sur le poste de gardien ou avec un groupe ?

J’ai pour objectif de garder ma casquette d’éducateur de gardiens de but parce que cela faisait longtemps que le club n’avait pas eu ce genre de personne en son sein. Mais j’aimerais, dès l’année prochaine, prendre une équipe.


Morgan Chaumier

Crédit photo : DR