Habituellement, à cette période, les entraînements ont repris sur les places de ballon de nos villages. Un peu d’herbe ici et là sur les terrains en terre battue, quelques petites rigoles sur les revêtements en schiste ou de légères fissures sur ceux recouverts de macadam, des traces de mousse laissées par les pluies automnales et hivernales, des branches gênantes qu’il faudra éliminer sur les arbres bordant l’aire de jeu.
Ces constats annuels font partie du décor et rappellent aux ballonnistes que le temps est venu de faire à leur tour, le nettoyage de printemps dans leur corps.
En éliminant les toxines, en redécouvrant les bons gestes, sans forcer, sinon gare à la déchirure ou autre élongation.
On prend du plaisir à retrouver ses marques et surtout les copains, prêts à redevenir des coéquipiers ou bien de futurs adversaires. Qu’importe, on est entre bons camarades et on pratique avec passion le même sport, celui qui jadis faisait tout autant vibrer nos aînés !
Il est vrai que d’habitude, cette activité rythme le mois d’avril des joueurs de ballon ! En effet, en avril le ballon au poing revient, on respire les odeurs printanières, on apprécie le renouveau de la nature et on ressent l’envie de « taper dans le ballon ».
Mais pas cette fois, pas cette année !
A cause d’un virus venu on ne sait comment, qui partira, on ne sait pas quand, qui s’est installé chez nous, dans nos villes et nos campagnes. Bouleversant nos habitudes, semant un profond désarroi, plongeant les familles dans un stress souvent envahissant. Emportant des êtres chers, des parents âgés mais pas seulement, laissant derrière lui la peine et la désolation.
Mais notre lueur d’espoir existe et ne vacillera pas. Il ne faut jamais désespérer !
Certains, nombreux, sont épargnés ou guéris et c’est encourageant. Heureusement, l’espoir renaît !
Nous devons nous-mêmes encourager et applaudir tous les soirs comme nous le faisons depuis plus de trois semaines, le comportement absolument exemplaire des soignants et de tous les personnels impliqués pour sauver des vies ou faciliter la notre et celle de nos anciens. Nos routiers, nos ambulanciers, nos caissières, nos éboueurs… Et tous ceux qui se rendent à leur travail à l’usine, au bureau, aux champs, méritent notre total respect et aussi toute notre profonde reconnaissance.
Quant à nous autres, la véritable action que l’on peut, que l’on doit avoir, est de rester chez nous, autant que possible et de respecter scrupuleusement les gestes barrières.
C’est absolument indispensable pour retrouver une situation normale ou presque. L’effort peut sembler pénible mais sûrement pas insurmontable !
Et le ballon au poing, que devient-il dans cette période ?
Il me faut préciser qu’aussi loin que mes recherches m’ont permis de vérifier, à l’exception des deux guerres mondiales, il s’agit d’une situation totalement inédite pour notre jeu picard !
On jouera lorsque la situation redeviendra normale.
Mais quand ? Nul ne saurait le dire aujourd’hui et personne ne peut envisager une date de reprise et annoncer avec certitude le premier jour du championnat. En sachant qu’il faudrait très vraisemblablement prévoir une période de quinze jours pour se « remettre dans le bain » avec des entraînements adaptés et progressifs pour préserver l’intégrité physique des compétiteurs.
Échapper au virus, c’est bien mais ne pas pouvoir jouer à cause d’une élongation du tendon ou une déchirure musculaire serait dommageable. Tout cela par la faute d’une préparation mal contrôlée !
Pour la suite, je vais employer « un conditionnel de précaution et de sagesse » !
La période de sortie du confinement pourrait être très longue et compliquée, sortie progressive, pas pour tout le monde, avec masques, sans masques, risques de vague nouvelle si sortie de confinement prématurée, maintien de l’interdiction des rassemblements de plus de X personnes et donc impossibilité de réunir des joueurs et de disputer des concours devant un public…
Autant d’interrogations pour le moment sans réponses mais dont les résultats conditionnent le retour du ballon au poing. On pourrait imaginer des tas de choses, mais personnellement je me dis que si l’on parvenait à mettre en place un championnat disputé sur huit concours serait déjà une belle satisfaction au vu des circonstances que nous rencontrons. Cela supposerait évidemment la suppression de la trêve de juillet et un démarrage officiel vers le 21 juin, mais c’est peu probable.
En effet, je reste très prudent, n’ignorant pas que mon souhait ne pourrait être qu’un vœu pieux ! Toutes les suppositions sont du domaine des hypothèses car nous ne maîtrisons aucunement la suite des événements.
Il se pourrait même que les concours en plein air ne puissent pas reprendre cette année, tout simplement. Ce serait une saison blanche, ce serait certes bien décevant, fort contrariant mais si c’est le prix à payer pour que chacun retrouve la santé et la sérénité, alors acceptons-le avec philosophie.
Evidemment, il n’est pas du tout aisé de trouver les mots justes pour expliquer les dangers encourus à nos enfants, passionnés de ballon, impatients de retrouver leurs jeunes partenaires ou adversaires.
Et pourtant, il nous faut impérativement les mettre en garde, leur indiquer les risques à ne pas prendre, les persuader que les moments tant attendus par eux, seront immanquablement de retour, un peu plus tard mais de manière inéluctable.
Quoiqu’il arrive, tous ensemble, nous ferons tout afin que le ballon au poing réussisse à surmonter les difficultés. Voilà ce que je voulais vous dire, vous faire un petit coucou et surtout maintenir un lien entre nous. Je vous invite à prendre bien soin de vous et des autres…
Et tous ensemble, solidaires, soyons confiants, les vrais beaux jours reviendront, n’en doutons pas !
Gilles Caron
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