Terminant sur la quatrième place à la suite d’une saison réussie mais écourtée, l’équipe réserve du RCA voit les championnats de France s’envoler sous ses yeux. Une frustration qui ne retire rien au mérite d’une équipe que Yann Mailly, coach adjoint, nous décrit aujourd’hui.
D’abord, en terme général, comment tu as vécu cette saison sur le banc ?
Ça s’est très bien passé de mon côté. Dire qu’il n’y avait pas d’appréhension, je ne sais pas, mais l’envie de bien faire était là. On a travaillé dur avant la montée, ça a été un gros moment, et par la suite l’envie de continuer le projet. Monter puis se maintenir c’était indispensable. Je l’ai vécu avec beaucoup d’envie. Ça serait mentir de dire qu’il n’y a eu pas eu de stress. On a connu des victoires à la dernière seconde, des matchs très forts d’intensité et au final une grosse saison. La réserve a su nous apporter des sensations, avec des matchs de haut niveau. Ils nous ont surpris même s’il fallait aussi réguler parfois, quand il y avait des creux dans l’investissement. Toutefois on n’imaginait pas qu’ils allaient terminer 4èmes. Même si la saison s’arrête là, on ne l’a pas volée vu que cette place c’est presque une constante sur la saison.
Cette place de 4èmes vient récompenser les joueurs mais aussi le staff…
Il y a dans cette saison la dynamique du staff qui a très bien fonctionné, avec les compétences spécifiques de chacun qui ont permis de construire un projet qui convient à tout le monde. Il faut saluer le travail de tous, de Jean Sébastien Leblond, de Jean Baptiste Segais pour le staff technique, mais aussi de Bertrand Legranger pour la préparation physique et Abdel Lasfer pour son analyse du banc de touche. Et bien sûr il y a Martin qui est là pour prendre les décisions, c’est celui qui tranche mais qui respecte aussi les choix de chacun. Il ne s’impose pas, tout le monde a son temps de parole sur les projets. Ça n’a jamais provoqué de problème, les choses se font de manière naturelle. Martin nous guide, mais il est aussi responsable final après certains points de désaccord. Il est prêt à écouter, ça permet d’être reconnu dans ces fonctions. Dommage que Martin ne soit pas très « corporate » dans le staff avec sa mèche de cheveux...
La réserve a sorti une grosse saison, est-ce qu’elle a répondu à vos attentes ?
La place de champions, il l’ont quelque part atteinte cette année.
Elle est allée au-delà de nos attentes dès le premier match. On les a senti biens dès le premier match même si c’est une défaite. Cergy a joué les championnats de France l’année dernière, on vient mourir à 8 points d’eux. On sent alors que le groupe est prêt. On enchaîne 4 victoires derrière, et pas des petites écuries. On a très vite vu que des compétences étaient à exploiter. Le début de saison s’est beaucoup fait dans la tête des joueurs. On perd la finale de l’année derrière, on la perd logiquement, mais les gars méritaient plus. La place de champions il l’ont quelque part atteinte cette année. Ils ont validé leur place de finalistes au terme de la saison écourtée. Il faut le dire, on a aussi fait des performances en dents de scie. C’est normal dans l’apprentissage. Mais le groupe a su réagir quoi qu’il arrivait. On a flirté avec le podium et on a respecté ce statut jusqu’au bout. Je craignais aussi un peu qu’on parte dans l’euphorie, mais le groupe a revendiqué cette place pour aller aux championnats de France.
Dans quel état d’esprit le groupe réserve a commencé sa saison ? appréhension ? insouciance ?
Une certaine appréhension je dirais. Cette crainte n’a pas tétanisé le groupe. La fédérale 3 c’est vraiment autre chose que ce qu’ils avaient connu auparavant. L’investissement des joueurs était bien là. Aux entraînements, ça arrivait qu’ils soient plus que l’équipe première, ça montre bien leur envie. Après la finale perdu, ils sont revenus sur les terrains en étant prêts à l’adversité. Cette saison ils allaient être les petits, mais ils ont montré qu’ils avaient de la matière pour sortir de ce rôle.
Quels ont été les points forts de la réserve ?
Cette envie de ne rien lâcher. Même si le manque de maturité nous a mené à des baisses de performances. On était dans le dur dans certains matchs, où il nous est arrivé de perdre nos moyens. Mais on allait chercher nos ressources. Ce qui m’a surpris c’est leur envie constante de dire « non maintenant on atteint le podium, hors de question qu’on aille en dessous. » J’avais peur qu’une place en milieu de tableau leur suffise, mais non, ils ont eu envie de progresser et augmenter les performances tout au long de la saison.
Quels ont été ses points faibles ?
Après la réponse précédente, je dirais le manque d’expérience dans les moments délicats. Les joueurs avec un peu de bouteille auraient pu permettre au groupe de vivre ces moments délicats en étant plus sereins. On a peut-être besoin que certains joueurs prennent le leadership, bien sûr sans écraser les autres joueurs. On en a besoin quand c’est compliqué pour l’équipe sur le terrain.
Y a-t-il des frustrations qui restent à la fin de la saison ?
Oui sur certains matchs qu’on n’aurait pas dû perdre. Je pense au match de Soissons lors de la phase aller, on avait largement les moyens de le gagner, c’est pareil contre Caen. Mais c’est le manque d’expérience. On est tombés face à des équipes avec beaucoup d’agressivité face à qui on a pas su se réguler. Dans les compétences propres on avait le niveau. Sur la face retour on prend une taule à Cergy pour le premier match. On n’a pas su, je pense, préparer le groupe à la reprise après la trêve. On s’est fait surprendre. Tout le monde doit tirer le bilan, joueurs et staff, pour éviter le creux. La défaite à Compiègne aussi, mais je ne m’étalerai pas car le groupe a su réagir quand même, et le match à Rouen dans un contexte très particulier où on a été frustrés de la tournure de la rencontre. Et bien sûr ne pas aller aux championnats de France avec ce groupe. Ils le méritaient vraiment après le travail effectué depuis deux ans.
J’ai aussi des regrets pour certains joueurs. On a dû plusieurs fois faire des choix durs, et ne pas mettre des joueurs sur la feuille de match. Ils ne se sont pourtant pas éloignés du groupe. Ce n’est pas simple de dire à un joueur qu’il ne jouera pas. Je veux remercier ces joueurs qui ont su respecter les décisions sans s’éloigner du groupe. On ne fait pas un tri, on ne prend pas les meilleurs et basta. Les décisions sont dures à prendre et on veut donner une place à chaque gars de l’équipe. Mais dans un groupe de 50 joueurs pour deux équipes il faut faire des choix. Les joueurs pas sélectionnés ont le mérite de respecter et d’accepter ça, ça fait aussi la force d’un groupe.
Les objectifs ont évolué au fur et à mesure des performances, le groupe a-t-il grandi et mûri ?
Le groupe a mûri, sans aucun doute, même si certaines fois il fallait intervenir pour reprendre le curseur dans la performance. Il faut maintenant qu’on puisse se maintenir pour l’année prochaine. Le RCA ça a toujours était deux équipes et faire en sorte qu’une réussisse, c’est faire en sorte que l’autre se porte bien aussi, donc le travail est loin d’être terminé.
On a gardé un noyau dur en intégrant aussi des joueurs pour élever notre niveau. Les anciens ont compris qu’on passait un cap. Il y a eu une belle osmose entre le groupe de l’année dernière et les nouveaux. Je pense à ceux qui étaient déjà présents, mais les nouveaux comme Quentin Delavallée, Hugo Dautruche, Pierre Blanchet, Ronan Cointepas, Simon Carpentier qui était de retour au club, et bien d’autres, ont su apporter quelque chose. J’en oublie mais tous ont joué un rôle.
Vous finissez 4èmes, à 5 points du top 3 et 8 points devant le cinquième, avec 6 bonus offensifs (second meilleur total de la poule). Tu y aurais cru en début de saison si on vous l’avez dit ?
Non pas du tout (rires). On ne pensait pas être à ce niveau. Mais si la saison avait continué on aurait au moins maintenu cette place je pense. Quatrièmes c’était le minimum. J’étais confiant dans la capacité des joueurs à se mobiliser quand ça allait être compliqué. On s’attendait à des moments durs, mais aussi à être prêts devant l’adversité. Mais je n’imaginais pas cela non. Domont, Compiègne, Epernay, on les a tous battus à la maison. C’est une très grosse satisfaction et une belle surprise. Et finalement c’est logique, ils n’ont pas volé leur place.
Certaines équipes ont un gros différentiel de niveau entre équipe première et réserve, ce n’est pas le cas du RCA, comment l’expliquer ?
C’est dans la politique du club. On n’a pas la volonté de différencier les deux équipes, ou de faire un traitement particulier pour l’une ou l’autre. La réserve doit être là pour permettre au groupe de l’équipe première de grandir. On a les mêmes consignes pour tous les joueurs. Le niveau d’exigence est exactement le même entre les deux équipes. On a quelques joueurs qui sont installés en B et ne revendiquent pas leur place en A. D’autres savent que la B n’est pas un circuit fermé. Rien n’est figé. Un B peut largement intégrer la A, et inversement. Le groupe est donc plus ou moins homogène, bien sûr avec les capacités de chacun. Des cadres sont ancrés en A, mais d’autres méritent aussi de passer un cap.
Vous remportez 7 matchs sur 8 à domicile, c’est un bilan qui est plus qu’honorable..
Ce sont des choses dans les valeurs du club qui sont importantes à cultiver. Quand on arrive dans des divisions comme la Fédérale 3 on doit marquer notre territoire. Tout le monde doit comprendre que venir à Amiens ce ne sera pas simple. Si on veut grandir, les matchs à domicile sont plus qu’importants. On a l’ambiance qui motive les joueurs, et on met les conditions propices pour. On le voit sur le terrain. Ils prennent plaisir devant les supporters. Quand l’équipe première voit que sur le terrain la B gagne, c’est positif pour eux, et ça les met dans une bonne dynamique.
3 victoires sur 8 matchs à l’extérieur, qu’est ce que signifie pour toi ce bilan ?
C’est toujours compliqué, mais dans ces cinq défaites il y a deux bonus défensifs. Le niveau à domicile doit forcement être élevé. La philosophie du match à domicile fonctionne pour toutes les équipes. Il est aussi peut-être plus délicat pour nous de maintenir ce niveau de performances à l’extérieur. C’est dans ces moments aussi qu’on aura besoin de s’appuyer sur des leaders.
Vous avez souvent parlé de statut à respecter durant la saison. Ce statut il sera à conserver aussi la saison prochaine…
On sera attendus, on sera aussi là pour les attendre.
La réserve d’Amiens ne sera plus perçue de la même manière. On avait l’image du promu, et la réserve du promu ne fait peur à personne. Inconsciemment on a été favorisés par ce statut durant la saison. L’année prochaine tout le monde saura que la B d’Amiens, c’est le haut de tableau. On devra être prêts à affronter des équipes qui sauront qui ont est. On sera attendus, on sera aussi là pour les attendre. Les joueurs ont aussi cette frustration de ne pas avoir connu le championnat de France, ça restera une motivation très forte pour eux je pense. Mais il faudra être vigilants, la deuxième année c’est toujours la plus compliquée. On sait qu’on part sur une base de travail qui est bonne, plutôt qu’avoir connu la difficulté toute la saison. Mentalement il faudra être là, sans se relâcher. La pression sera différente, sans être plus importante. Et si elle est plus élevée, on doit se dire qu’on a des compétences aussi plus élevées pour la supporter. Oui ça va être dur de refaire le même parcours, mais on a les moyens d’affronter les situations dures.
Au final que retenir de cette saison ?
On retient une magnifique surprise qui permet au club de continuer à grandir. Une réserve performante permet un niveau de performance élevé. Le club va en profiter. Et aussi une envie de poursuivre, autant pour les joueurs que pour moi à titre personnel. Je continue cette aventure avec ce groupe, alors que je devais m’arrêter à la fin de cette saison 2019/2020. À travers les résultats, je me devais de rester. J’aurais eu un goût d’inachevé.
On a maintenant une longue trêve qui s’impose à nous. Il ne faut pas oublier que ce qui nous a maintenu, c’est tout le travail d’intersaison fait par les joueurs. On a vu tout le monde vouloir évoluer dans la prépa physique. Il faudra être encore plus investis dans ce domaine. La coupure est encore plus longue, et le niveau sera au moins le même, voire plus élevé. Si on ne refait pas le même investissement, voire plus, alors on a des raisons de craindre pour la suite. C’est indispensable. On ne peut pas jouer pleinement avec nos capacités s’il y a du relâchement dans la préparation physique. C’est primordial.
Propos recueillis par Benjamin Poupart
Crédit photo : Coralie Sombret – GazetteSports