FOOTBALL : L’Amiens SC en passe de perpétuer une tradition récente ?
Promu et plus que jamais en course pour la Ligue 1, l’Amiens SC a surpris bon nombre d’observateurs cette saison. Si beaucoup misaient sur un bon parcours de Strasbourg, actuel leader du championnat, pas grand monde avait prévu la merveilleuse aventure vécue par les hommes de Christophe Pelissier. Une surprise totale ? Pas totalement si l’on se plonge dans l’histoire récente du championnat.
Effectivement, les équipes en provenance du National ont pris la bonne habitude de briller ces dernières saisons. Sur les quinze saisons précédentes (ndlr : de 2002-2003 à 2015-2016), pas moins de sept promus ont réussi l’exploit d’accéder directement à la Ligue 1. Le RC Strasbourg et l’Amiens SC ont donc l’occasion de devenir les huitièmes et neuvièmes équipes à réussir pareille performance. Et, ainsi réaliser un exploit de taille puisque jamais deux promus n’ont accédé à l’élite du football français la même saison depuis le changement d’appellation en 2002.
Un modèle difficilement transposable :
Toulouse FC (Saison 2002-2003)
Relégué administrativement en National à l’été 2001, le club de la ville rose ne mettra que deux saisons pour retrouver la Ligue 1 autour d’un noyau dur de joueurs étant restés au club. Successivement quatrième de National et troisième de Ligue 2, le club présidé par Olivier Sadran est certainement l’exemple le plus marquant lorsque l’on évoque les récentes montées successives. S’il est vrai que son cas est difficilement transposable à celui de l’Amiens SC, en raison de son histoire, de ses structures et de ses moyens, l’équipe actuellement entraînée par Pascal Dupraz s’est rapidement relevée d’un dépôt de bilan avant de stabiliser en Ligue 1. Maintenus de justesse la saison de sa remontée (16e), les Violets se sont alors appuyés sur leur centre de formation en faisant notamment éclore des joueurs comme Moussa Sissoko, Etienne Capoue, Daniel Congré ou encore Wissam Ben Yedder. Cinq ans après sa double accession, Toulouse jouera même un tour préliminaire de Ligue des Champions contre Liverpool.
Saison suivante : maintien – 16e de Ligue 1 avec 39 points (9V, 12N, 17D)
Situation actuelle : 12e de Ligue 1.
L’exemple… à court terme ?
Valenciennes FC (Saison 2005-2006)
Valenciennes décroche le titre de Champion de France du National en 2004-2005. L’année suivante, les Nordistes réalisent un bon début de saison et se prennent rapidement à rêver d’une deuxième montée successive. Les hommes d’Antoine Kombouaré feront encore mieux puisqu’ils finiront par décrocher. Une première dans l’histoire du football française. La saison de la confirmation s’avère réussie puisque VA obtient son maintien en ayant été une seule fois en position de relégué au cours de la saison. S’ensuivaient alors plusieurs saisons en Ligue 1 marquées par une progression continue (13e en 2007-2008, 12e en 2008-2009, 10e en 2009-2010). Relégué en Ligue 2 après huit saisons parmi l’élite, le club est alors placé en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Valenciennes. Provisoirement rétrogradé en National par la Direction national du contrôle de gestion (DNCG) le club est finalement réintégré après appel devant la cour d’appel de Douai. Repris en main par Jean-Louis Borloo à l’été 2014, Valenciennes obtiendra un maintien ô combien difficile à l’issue de la 37e journée de Ligue 2.
Saison suivante : maintien – 17e de Ligue 1 avec 43 points (11V, 10N, 17D)
Situation actuelle : 13e de Ligue 2.
Les contre-exemples :
Arles-Avignon (Saison 2009-2010)
Le club d’Arles pensait vivre ses plus belles heures à l’aube de cette décennie. Après une montée en National obtenue aux dépens de Cannes, le club des Bouches-du-Rhône obtient le statut professionnel et change de nom pour devenir l’AC Arles-Avignon. Désormais basé au Parc des Sports d’Avignon, l’équipe entraînée par Michel Estevan réalise un exercice 2009-2010 de toute beauté. Notamment emmené par André Ayew, prêté par l’Olympique de Marseille, Arles-Avignon accède pour la première fois de son histoire à la Ligue 1 en bouclant la saison à la troisième place. Malheureusement, les multiples atermoiements de l’intersaison (renvoi du président Jean-Marc Conrad, confirmation de Michel Estevan avant son limogeage en octobre 2010, un recrutement raté avec en figure de proue les Grecs Basinas et Charisteas) auront rapidement raison des chances de maintien du club. A mi-saison, Arles-Avignon affiche le plus petit total jamais acquis par un club de l’élite à ce stade de la saison. De retour en Ligue 2, le club assure difficilement son maintien lors de l’avant-dernière journée de championnat. Bon dernier à l’issue de la saison 2014-2015, le club provençal est finalement rétrogradé en CFA. Trois mois plus tard, après un début de saison particulièrement inquiétant sur le plan sportif, la section amateur d’Arles-Avignon est placé en liquidation judiciaire. Aujourd’hui en DHR, le club d’Arles évolue à nouveau dans son historique stade Fernand-Fournier. Symbole d’un inévitable retour au point de départ.
Saison suivante : relégué – 20e de Ligue 1 avec 20 points (3V, 11N, 24D)
Situation actuelle : 1er de DHR sous le nom de l’AC Arles.
Evian TG (Saison 2010-2011)
Fruit d’une fusion entre plusieurs clubs savoyards, l’Evian TG a connu une progression fulgurante. Créé en 2007, le club découvre la Ligue 1 au début de la saison 2011-2012. Soutenu par le groupe Danone, l’équipe successivement entraînée par Pascal Dupraz, Stéphane Paille et Bernard Casoni enchaîne trois promotions en l’espace de quatre ans. Après un début d’exercice poussif, Evian finit par survoler le championnat de National qu’il remporte avec 82 points et ayant notamment la meilleure défense et la meilleure attaque du championnat. Très ambitieux, le club boucle un budget de 10 millions d’euros pour sa première année en Ligue 2 et déménage au Parc des Sports d’Annecy. Sensation du début de saison, Evian TG termine finalement la saison à la troisième place et va même continuer à surprendre lors de son arrivée en Ligue 1. Bouclant l’exercice 2011-2012 à la neuvième place, le club savoyard donne le sentiment d’avoir les reins assez solides pour s’installer parmi les 20 premiers clubs du football français. Des victoires de prestige, notamment contre le Paris Saint-Germain, et une finale de Coupe de France perdue contre Bordeaux (2-3) en 2013 donnent davantage de crédit à cette thèse. Sauf que le club finira par effondrer, aussi bien sur le terrain qu’en coulisse. Relégué avant même la dernière journée de championnat, il retrouve ainsi la Ligue 2 et entame ainsi le début d’une chute aussi vertigineuse que ne l’avait été sa progression. Après trois promotions en l’espace de quatre ans, Evian va ainsi enchaîner deux relégations successives à l’issue de l’exercice 2015-2016. Amené à retrouver le National, le club est placé en redressement judiciaire début août. Le 6 décembre 2016, l’entité Evian TG est placée en liquidation judiciaire sans poursuite d’activité. Les équipes de jeunes (U19, U17, U15…) poursuivent aujourd’hui l’aventure sous la bannière Thonon Évian Savoie Football Club.
Saison suivante : maintien – 9e de Ligue 1 avec 50 points (13V, 11N, 14D)
Situation actuelle : Disparition du club en décembre 2016.
Les erreurs de parcours :
SC Bastia (Saison 2011-2012)
Le parcours de Bastia est assez semblable à celui du FC Metz (voir ci-dessous), à savoir tomber afin de mieux rebondir. Après cinq saisons en Ligue 2, le Sporting est relégué en National 2010-2011. Bon dernier du championnat, le club corse frôle même la rétrogradation en CFA en raison d’un déficit supérieur au million d’euros. Finalement maintenu en National après recours devant le CNOSF, Bastia livre une saison historique. En restant invaincu à domicile et en totalisant pas moins de 91 points, les Bastiais signent la meilleure saison de l’histoire du championnat. Ce titre suscitera une dynamique entretenue la saison suivante avec un nouveau titre, imitant ainsi la performance réalisée par Valenciennes six ans plus tôt. Toujours classé entre la dixième et la douzième place depuis sa remontée en Ligue 1, le Sporting a même disputé une finale de Coupe de la Ligue en 2015. Actuellement lanterne rouge de Ligue 1, Bastia peut encore espérer se maintenir et ainsi enchaîner une sixième saison consécutive en première division. A moins que les soucis financiers et/ou extrasportifs (ndlr : débordements de supporters contre Lyon) ne rattrapent le club durant l’intersaison.
Saison suivante : maintien – 12e de Ligue 1 avec 47 points (13V, 8N, 17D)
Situation actuelle : 20e de Ligue 1.
FC Metz (Saison 2013-2014)
Vice-champion en 1998, le FC Metz est l’un des clubs historiques du championnat de France. Avec pas moins de 60 saisons en Ligue 1, le club lorrain évolue dans une toute autre galaxie que l’Amiens SC qui n’a pas encore joué le moindre match à cet échelon. Pourtant, les Lorrains ont connu une dernière décennie bien plus contrastée que son bilan général. Avec pas moins de six saisons en Ligue 2 sur les dix dernières années, l’ennemi intime de l’AS Nancy s’est même mis en danger au point d’évoluer pendant une saison en National. Un intermède extrêmement rapide puisque le FC Metz terminera vice-champion à l’issue de la saison 2012-2013 et retrouvera ainsi une situation bien plus conforme à son statut. Mais comble du destin, cette descente aura permis au club de se reconstruire et ainsi de retrouver l’élite du football français après cinq saisons consécutives pendant lesquelles le club avait végété en Ligue 2. Emmené par Albert Cartier, Metz accéde donc à la Ligue 1 sept ans après son dernier passage lors de la saison 2014-2015. Une saison particulièrement décevante puisque Metz termine alors à la deuxième place et retrouve à nouveau la Ligue 2. Promu pour un but la saison dernière, le club de Bernard Serin a d’ores et déjà assuré son maintien cette saison. Reste à savoir si Metz se destine à être un club faisant régulièrement l’ascenseur entre la Ligue 1 et la Ligue 2 ou bien si celui-ci sera en mesure de stabiliser parmi les vingts meilleurs clubs du football français.
Saison suivante : relégué – 19e de Ligue 1 avec 30 points (7V, 9N, 22D)
Situation actuelle : 14e de Ligue 1.
La comparaison naturelle :
GFC Ajaccio (Saison 2014-2015)
Deux montées successives après avoir terminé à la troisième place du National. Une accession historique à la Ligue 1 avec un des plus petits budgets du championnat et des joueurs qui découvrent le monde professionnel, le GFC Ajaccio apparaît comme le double promu le plus proche de celui que pourrait être l’Amiens SC en fin de saison. Pour le GFC Ajaccio, tout remonte à la saison 2010-2011 durant laquelle le club obtient la montée en National. Alors que le deuxième club d’Ajaccio souhaite se maintenir au troisième échelon du football français, celui-ci se mêle finalement à la lutte pour la montée en Ligue 2. Troisième après un retrait de deux points après un match à Beauvais, les Gaziers redescendront automatiquement la saison suivante. Un accroc qui n’empêchera pas les Corses d’obtenir à nouveau la montée en Ligue 2 à l’issue de la saison 2013-2014. Dans la foulée, l’équipe entraînée par Thierry Laurey assure une deuxième montée successive à l’issue de la 37e journée de Ligue 2. Après une saison honorable en Ligue 1, le GFC Ajaccio a retrouvé l’antichambre du football français cette saison où il s’est notamment incliné 4 à 0 contre Amiens. Le signe d’un passage de relais ?
Saison suivante : relégué – 19e de Ligue 1 avec 37 points (8V, 13N, 17D)
Situation actuelle : 8e de Ligue 2.
Et l’Amiens SC ?
En attendant de savoir si l’Amiens SC imitera ses glorieux prédécesseurs à l’issue de cette saison 2016/2017, ce tour d’horizon permet de voir que l’exploit est tout à fait possible. Sans pour autant banaliser la performance réalisée par les Amiénois, la dynamique d’une montée est toujours un atout majeur dans un championnat aussi dense et serré que la Ligue 2. Ensuite, si montée il y a, il faudra digérer celle-ci et prendre les bonnes décisions afin de pérenniser le club dans le monde professionnel. En ce sens, l’intersaison sera cruciale afin de prolonger les joueurs que le club souhaite garder, réussir le remplacement de ceux qui partiront et renforcer le groupe pour atteindre le niveau escompté en Ligue 1 tout en gardant une ligne de conduite en adéquation avec les moyens du club. Faisons confiance à Bernard Joannin, John Williams et Christophe Pelissier pour continuer le travail entrepris depuis plus de deux ans.
Romain PECHON