BASKET-BALL – Frédéric Domon : « Mon plus gros regret est d’avoir porté ce maillot de Longueau »
Frédéric Domon, charismatique et volcanique entraîneur de l’ASCBB, appréhende le match de ce samedi contre Longueau avec beaucoup d’envie et de hargne. Ancien joueur de l’ESCLAMSBB, Domon garde un très mauvais souvenir de son passage au sein du club de la cité cheminote et entend bien faire tout son possible pour éviter la défaite des siens à l’issue de ce premier derby de la saison.
Comment jugez-vous le début de saison de votre équipe ?
Un peu décevant. Nous avions fait un bon début puis par manque d’expérience nous lâchons deux-trois matches dans les dernières minutes. Le haut niveau en Picardie est faible, donc quand vous jouez des équipes du Nord ou de la région parisienne c’est une autre musique. Nous n’avions pas l’habitude de nous entraîner. Nous sommes passés à trois entraînements, cela pose des problèmes. Les joueurs ne sont pas habitués à la dureté des matches tous les samedis. Certains évoluaient trois divisions en dessous il y a trois ou quatre ans, c’est la différence avec Longueau qui a recruté des joueurs en Nationale 2. Ces joueurs manquent donc d’expérience dans les moments clés.
Quel est votre objectif cette saison et êtes-vous confiant sur votre capacité à le remplir ?
Nous n’avons jamais dit autre chose, si j’arrive à maintenir cette équipe ce sera une vraie performance. Le problème est que pour certains une descente serait un échec, je ne vois pas les choses comme ça. Quand tu n’as pas d’argent, c’est difficile de s’en sortir. Si nous ne formions pas de joueurs, nous serions déjà morts. Nous n’avons pratiquement pas de sponsor privé, tout est subventionné, même mon travail est subventionné, c’est très compliqué. Il n’y a aucune jalousie envers Longueau, mais si la stratégie est de payer des joueurs pour aller en Nationale et y rester sans jamais pouvoir monter ensuite, ça ne m’intéresse pas. Tu ne peux pas demander à des bénévoles de se démener pour trouver de l’argent pour ensuite le donner à deux joueurs qui ne se préoccupent pas de l’avenir du club. C’est important de s’identifier au logo du club pour lequel on joue.
Si vous aviez plus de leviers pour renforcer votre groupe, quel serait le secteur privilégié ?
Clairement l’intérieur, nous manquons clairement de taille et de puissance physique. Le basket-ball reste un rapport de forces, il faut avoir des mecs qui tiennent la route. Jouer avec des petits, ça fonctionne quand tu as Curry et qui fait panier à chaque tentative. Le problème est que Curry est unique, si je l’avais je serais plus tranquille. Le small ball fonctionne avec une ligne arrière qui met des paniers. Il faut le bon équilibre entre des grands et une bonne ligne arrière. Le grand nous l’avons mais il est blessé actuellement. Surtout, nous n’avons pas la profondeur de banc pour pouvoir pallier son absence. Il est en phase de reprise, il risque d’être un peu court. Il sera dans l’équipe et on verra le temps de jeu que l’on peut lui donner.
Comment jugez-vous vos conditions de travail au quotidien ?
Entre les joueurs blessés, l’escalade qui se déroule en même temps que nos entraînements, ce qui implique que l’on doit laisser les portes grandes ouvertes et qu’il fait -10 degrés dans la salle, le fait que l’on doit jouer sur du béton… Il y a effectivement mieux quand tu es amené à jouer en championnat de France. Je ne pense pas que le football s’entraîne en même que l’athlétisme. Je ne peux pas communiquer avec mes joueurs pendant l’entraînement, c’est extrêmement complexe. Je dois réunir tout le monde pour donner la moindre consigne. Je suis conscient que c’est extrêmement compliqué pour l’escalade également. Après, je suis content d’entraîner l’Amiens SC. J’ai eu d’autres propositions, mais je suis avec un président qui est un super mec, il m’a tendu la main à un moment donné dans ma vie. Nous sommes indissociables, il sait que je ne suis pas un magicien, je ne suis que péniblement entraîneur de basket. J’admire mes joueurs, il faut vraiment me supporter, je suis hyper rigoureux. Pour ma part, je suis fier de ce qu’ils ont déjà fait, je le serai encore plus s’ils se maintiennent, d’autant plus qu’ils le mériteraient, ce serait le plus beau cadeau qu’ils puissent me faire. Aujourd’hui, le job d’entraîneur est compliqué, tu es entraîneur, psychologue, père, ami, frère, ça en fait des rôles à assumer.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours personnel…
J’ai commencé comme joueur à Boves, je suis parti à l’âge de 17 ans à Nancy, en pro B. J’ai fait onze saisons là-bas, puis j’ai joué à Pau, avec lequel j’ai été champion, avant de rejoindre Antibes, où j’ai également remporté le champion. J’ai finalement terminé ma carrière au niveau nationale 1, à Tourcoing. J’ai également eu 16 sélections en Equipe de France, à partir de 1995. Ce n’est pas beaucoup mais c’est une fierté. Enfin, à mon grand regret, j’ai porté ce maillot de Longueau à mon retour. Un maillot que je regrette d’avoir porté, je déteste ce club aujourd’hui, c’est le seul moment où je regrette de ne plus pouvoir jouer. Il s’est passé des choses sur le plan personnel que je ne peux pas oublier. Je ne suis plus objectif, l’idée de jouer contre eux me pourrit la vie depuis une semaine. La vie serait plus belle si ce club n’existait plus. Personne ne peut imaginer ce que je ressens, si j’étais joueur, personne ne pourrait m’approcher à trois mètres. Ce sont des choses que je ne peux pas expliquer, ce sont des choses qu’il faut vivre pour le comprendre. Le classement n’a aucune incidence sur mon rapport avec ce club. Les positions seraient inversées, j’appréhenderais le match de la même manière.
Cela joue sur votre préparation du match ?
Absolument pas. Certains joueurs sont au courant, d’autres non. J’en parle avec vous mais je ne suis pas du genre à faire causette sur ce sujet. Vous verrez très bien que dans le vestiaire je serai très apaisé avant le match. Je parlerai de jeu, je veux que nous donnions une bonne image. Nous sommes aux extrêmes, nous avons une approche et une philosophie totalement différentes. Je veux juste que nous donnions une bonne image de nous. Je veux que l’on dise de nous, même en cas de défaite, que nous sommes une belle et une respectueuse équipe.
Ce match est donc plus qu’un derby…
C’est comme lorsque je jouais à Pau et que l’on jouait Limoges, ou encore Paris et Marseille en football. Pour moi, c’est inconcevable qu’un joueur passe d’un club à un autre, je n’aurais pas pu le faire, je n’aurais jamais pu porter le maillot de Limoges. C’est pourquoi le plus gros regret de ma vie est d’avoir porté ce maillot de Longueau.
Craignez-vous qu’une pression supplémentaire pèse sur vos joueurs ?
C’est à moi de leur faire comprendre que cette pression est ponctuelle. Leur quotidien n’est pas de donner des interviews, ils n’ont pas cette habitude, cette atmosphère peut être perturbante mais c’est aussi mon rôle de les tranquilliser sur cet aspect. Cela peut aussi amener certains joueurs à surjouer, à en faire trop, je veux qu’ils jouent avec leur tête. Quoi qu’il en soit, je sais déjà en quels joueurs je peux avoir confiance, je connais le basket et mes joueurs.
L’enjeu sera donc de survivre à l’intérieur…
Je suis entraîneur de Longueau, je joue à fond sur ce secteur de jeu. C’est donc à nous de travailler sur ce point faible afin de le masquer un maximum. Il faudra les empêcher d’avoir des deuxièmes et troisièmes chances, faire des prises à deux sur leur grand en profitant de notre mobilité. Il faut que les joueurs prennent conscience qu’ils ont aussi des qualités autres que ces gens-là. Il faudra donc les laisser bombarder à trois points et cadenasser l’accès à la raquette. S’ils rentrent derrière la ligne à trois points on mettra alors en place le plan B, voire de demander une dérogation pour jouer à 7 mais je ne pense pas que nous aurons le droit (rires). Je persisterai même s’ils rentrent en début de match car l’adresse est quelque chose d’aléatoire. Si nous sommes à 25 ou 30 points à la mi-temps, je dégainerai rapidement le plan B mais si nous sommes à hauteur, je persisterai avec cette approche. J’ai été dans de meilleures situations, ce n’est clairement pas la meilleure situation pour un entraîneur.
Avez-vous identifié un joueur adverse qu’il faut absolument surveiller de près si vous voulez préserver vos chances de victoire ?
Il n’y a pas de collectif à Longueau, les entraîneurs sont tous unanimes sur ce point. Par contre, ils sont forts sur le plan individuel, tout le monde s’accorde aussi là-dessus. Ils défendent très fort à cinq, sur l’homme, ils sont durs et profitent de leur avantage physique. En attaque, ils jouent également sur cet aspect. A l’inverse, nous devons mettre en place un jeu parfaitement huilé pour contrer nos lacunes physiques. Sans leur américain, ils seraient déjà bien moins forts, surtout qu’il arrive à fédérer autour de lui. C’est un bon joueur, un professionnel.
Votre préparation est-elle différente ? Vous avez prévu un rassemblement avant le match ?
C’est bien pour les footballeurs les mises au vert, c’est une absurdité. J’ai été champion de France à deux reprises sans la moindre mise au vert, ça coûte de l’argent au club pour pas grand-chose. Aux Etats-Unis, les joueurs ne mangent même pas ensemble. Si les joueurs sont assez intelligents, ils sont en mesure de gérer la préparation du match. Ce serait une erreur de changer leurs habitudes, je pense même que pourrait perturber les joueurs. Nous sommes arrivés à Boulogne deux heures avant le match, les joueurs n’ont pas apprécié, ils avaient le sentiment de perdre leur temps. Pour ma part, je pensais que c’était une bonne chose, nous avons pu faire une balade à la plage avant le match. Je dois m’adapter à leur façon de penser qui est très différente de la période où j’étais joueur, c’est parfois difficile. J’ai été formaté de la sorte, c’est toujours compliqué. Il faut que je fasse le chemin inverse de ma formation. Si je ne cherche plus à les comprendre, je continue de les écouter.
Une victoire pourrait-elle participer à vous relancer ?
Je pense surtout que je pourrais profiter de la soirée à fêter la victoire. Je ne pense pas que ce match sera à l’origine d’une quelconque dynamique, si on vient à gagner il faudra même faire redescendre sur terre nos jeunes. Ce n’est qu’un match qui compte autant de points que tous les autres, il vaut deux points, c’est tout. Si nous devons perdre deux fois Longueau et que nous assurons tout de même notre maintien, cela m’irait bien également.
Un pronostic ?
Nous allons l’emporter ! Je ne vais pas pronostiquer Longueau quand même ! Un seul point me suffira même si cela fera souffrir mon cœur. J’ai eu la chance de jouer pendant dix ans de jouer des monstres en Coupe d’Europe, face à des équipes qui avaient dix fois notre budget, je ne me suis jamais dit que j’allais en prendre plein la tronche. Je me disais même l’inverse, en réalité c’était souvent moins qui en prenait plein la tronche mais si je partais perdant à chaque fois autant ne pas y aller. Autant ne pas faire la guerre si nous ne pensons même pas l’emporter.
Propos recueillis par Romain PECHON (avec L.B.)
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