BOXE – Jérôme Fouache : « Avec Christopher, on a galéré de la même manière »
Entraîneur du nouveau champion du monde WBF des super-légers, Jérôme Fouache savoure la réussite du gala organisé le week-end dernier au cirque Jules-Verne. Un événement qui aurait pu ne pas avoir lieu, l’entraîneur de l’Amiénois Boxing Club ayant pensé à raccrocher il y a peu. La possibilité de conquérir une ceinture mondiale avec son protégé de toujours, Christopher Sebire, a changé la donne. De quoi rallumer la flamme et repartir avec un nouvel état d’esprit et de nouvelles ambitions.
Vous devez être satisfait de ce gala pour le retour au cirque Jules-Verne…
Totalement, le cirque était plein à craquer. C’est le fruit d’un travail de longue haleine, auquel Amiens Métropole a pris part de manière active. Le service des sports s’est mobilisé, Olivier Duprez et le directeur des sports, Dominique Georges, ont fait beaucoup pour assurer le succès de ce gala. Je suis revanchard par rapport à l’ancienne municipalité, ce n’est pas normal de nous avoir laissé galérer de la sorte. On avait déjà évoqué ce type de gala avec l’ancienne municipalité. Alain Jauny nous a permis d’organiser des petites soirées mais elles n’étaient pas dignes d’une capitale régionale. Des villes comme Pont-Ste-Maxence ou Laon arrivaient à faire des galas d’envergure mais nous n’en étions pas capables. La philosophie était un peu garde tes gosses de 18 à 20 heures et le reste on s’en fiche.
Cette fois-ci, vous avez pu vous appuyer sur une équipe où les rôles étaient bien répartis…
Olivier (Duprez, ndlr) a fait un gros travail pour trouver les partenaires privés, il en fallait beaucoup. Le métier de Dominique Georges dans la boxe (chef du service des sports, ndlr), qui a été directeur des sports à Levallois, a aussi été important. J’étais donc zen par rapport aux précédents galas que l’on a pu organiser. Je savais que j’étais entouré par des professionnels de l’organisation.
Ce qui vous a permis de vous concentrer pleinement sur votre mission première, celle d’entraîneur de Christopher…
A un moment, il a fallu s’effacer. Les six premiers rounds, tout se passe bien pour Christopher. Ensuite, il y a eu une hémorragie nasale, à ce moment-là il faut savoir se mettre en retrait. Ce n’est pas évident, tu es chez toi, il y a du monde, mais il faut avant tout penser à la victoire plutôt qu’à son image. J’ai donc laissé le cutman faire son travail sur le ring, parce qu’il fallait arrêter l’hémorragie. Pour la première fois de ma vie, on a été pleinement professionnel dans le coin d’un boxeur professionnel. C’est la première fois que je n’avais qu’à me préoccuper de mon boxeur et de sa boxe. J’avais été habitué à tout faire. J’ai travaillé comme un professionnel avec un boxeur professionnel. Christopher a aussi fait des sacrifices pour faire un tel événement. Il a été obligé d’aller s’entraîner à l’extérieur, il a pris une semaine de congés sans solde avant le combat, ça représente également un coût financier pour le boxeur. Cette équipe va permettre de faire renaître une école que l’on pensait trop vieille à Amiens, celle du noble art.
Alors que vous aviez pensé à arrêter, il y a quelques mois de cela…
Avant ce combat-là, je n’avais plus envie. Je pensais que je n’avais plus les moyens de le faire. C’est Christopher qui me regonfle, le lendemain du combat il m’a remercié pour le travail effectué. Pourtant, j’ai donné les mêmes conseils pendant douze rounds, à savoir lève tes mains, et balancer les mêmes conseils pendant douze rounds ça peut être assez chiant pour le boxeur mais Coggi cognait en face. Dans la 7e reprise, Christopher a quand même été piqué, il a eu la lucidité et l’humilité de le reconnaître quand il est revenu dans le coin. C’est quand même rare. Les combats difficiles qu’il a pu avoir à l’étranger lui ont forgé cet état d’esprit. Avec Christopher, on se motive mutuellement. Et le fait d’avoir voulu arrêter à un moment donné me permet d’être plus zen aujourd’hui par rapport à la boxe. Ce qu’il faut savoir c’est que la boxe, c’est mon travail. Mais le fait d’avoir écrit des livres, de rédiger un scénario de film, m’a fait beaucoup de bien. J’ai pu prendre un peu mes distances avec le monde de la boxe. Maintenant, j’ai aussi envie de me ressaisir pour tous les gamins qui sont au club.
C’est donc le projet commun avec Christopher qui vous a redonné la flamme…
Effectivement, j’espère que dans l’avenir un mec comme lui restera dans la boxe. Quand il vient à la salle, il s’entraîne avec les gamins, il est dans le partage. Il me redonne envie d’avoir envie.
Vous vous attendiez à un tel schéma de combat entre Sebire et Coggi ?
Je m’attendais à ce que Coggi soit plus offensif au début du combat, en jouant sur sa forme physique. Je pense qu’il a regardé les vidéos des combats de Christopher et qu’il a vu que ce dernier avait l’habitude de bien terminer. Je pense que finalement Coggi a été plus surpris que nous. On a eu le schéma inverse de ce que l’on pouvait imaginer. Christopher est touché dans la deuxième partie du combat en réalité. On a alors demandé à Christopher de gérer mais le souci est que gérer face à un boxeur qui fonce comme Coggi est dangereux, ce dernier prend confiance. Il était dangereux quand il avançait, notamment avec la tête en avant, le travail de l’arbitre a alors été important pour lui demander de relever la tête. Quand il glisse, ce n’est pas un coup d’arnaque, le temps de récupération est bien pour Coggi parce qu’il a glissé et non pas pour Christopher qui aurait été touché, c’est le règlement. On a proposé un vrai combat, outre les histoires de ceintures majeures ou mineures, on voulait proposer un vrai combat aux Amiénois. Aujourd’hui, je n’ai aucun problème à dire qu’il est champion du monde dans une fédération mineure.
Une revanche en Argentine est-elle à l’ordre du jour ?
Il dit dans la presse qu’on l’a réveillé à 6 heures du matin, c’est entièrement faux. Il a mal compris ou bien la personne charger de lui expliquer s’est trompée. En ce qui concerne une revanche en Argentine, on n’ira pas faire de défense là-bas. On a galéré pour avoir le combat, on souhaite faire une défense à la maison et ensuite on verra. En plus, ce n’est pas la catégorie naturelle de Christopher. Il est bâti pour boxer dans la catégorie inférieure.
L’objectif est donc une défense à la maison au premier semestre 2017…
Je préfère voir un peu large pour ne pas avoir de déception. Je pense quand même que tout le monde a envie d’y revenir rapidement.
Une défense qui pourrait avoir lieu ailleurs qu’au cirque ?
Non, je ne pense pas. Après, je vais voir avec la municipalité mais je crois que cette dernière est également partante pour refaire un gala au cirque. Il faut aussi que les gens prennent leur place avant, on ne peut pas faire rentrer plus de gens qu’il n’y a de places. Ensuite, on aimerait bien étoffer un peu le plateau, on ira crescendo, afin d’offrir un meilleur spectacle encore. Je pense que ça se fera sans promoteur, pourquoi aller en chercher un alors qu’Olivier Duprez et Dominique Georges font le boulot. Il faudra trouver une télévision, ce combat méritait d’être télévisé. Quand je vois certains combats avec des mecs qui viennent juste chercher la bourse, ce n’est pas intéressant. Les deux combats que l’on a proposés, on a mis une vraie opposition. Olivier a évoqué la patinoire du Coliseum mais je préfère que ça se passe de nouveau au cirque. La boxe, c’est au cirque Jules-Verne, je sens une atmosphère particulière quand je rentre dans cette salle, ça sent la boxe. Je suis persuadé que l’on ne retrouvera pas l’ambiance qu’il peut y avoir au cirque dans un autre endroit, même si on remplissait la patinoire du Coliseum.
Vous avez le réservoir de boxeurs nécessaire ?
Je ne vais pas faire plaisir à des gens qui ne m’ont pas fait plaisir dans le passé. Le club de Ham au contraire a été classe, ils sont venus à la dernière minute. J’ai aussi envie de travailler avec le club de Compiègne et les frères Delarue, qui étaient présents samedi soir, ça m’a fait plaisir de les inviter. Si on peut les faire boxer avec une vraie opposition en face, on le fera. Je ne comprends pas les gens qui ont la rage après le succès de notre gala, je ne suis jaloux de personne de mon côté. On n’est pas obligés d’aimer les gens pour avouer leur compétence. J’aimerais bien faire plaisir à Dominique Georges qui apprécie beaucoup Souleymane M’Baye, même si je ne connais pas son entraîneur, en le faisant venir à Amiens. C’est quand même un boxeur qui a été champion du monde, il a des sponsors, ce n’est pas ce qui va nous ruiner. Ce serait un beau nom à l’affiche mais la vedette resterait Christopher. Avec Christopher, on a galéré de la même manière, on se comprend en un seul regard.
Le club de Montdidier pourrait s’arrêter, vous seriez tenté de reprendre les boxeurs qui se retrouveraient alors sur le carreau ?
Pourquoi pas, je sais qu’ils ont deux bons boxeurs, mais toujours en gardant le formateur dans le coin avec moi. C’est trop facile de récolter les fruits que l’on n’a pas semés. J’ai un gamin comme Nabil Bouazni qui est très talentueux et qui est le champion de demain. Quand je l’ai eu à 14 ans, il était très frêle mais on ne l’est pas toute sa carrière, il a un très bon coup d’oeil. Aujourd’hui, je veux qu’il soit dans un grand club, il a trois combats, trois K.O, à moi de faire en sorte qu’Amiens soit un club lui permettant de rester et de se développer. Organiser ce type de soirée est aussi un signal envoyé aux jeunes du club.
Pensez-vous que la municipalité et les partenaires privés seront en mesure de se mobiliser de nouveau et avec la même ampleur dans quelques mois ?
Olivier Duprez est détaché au service des sports pour l’événementiel. Il trouve d’autant plus facilement des partenaires pour de la boxe que pour du volley-ball en raison de son statut d’ancien boxeur. Au-delà de la simple subvention, la ville permet aussi à Olivier de se mobiliser exclusivement à la recherche de partenaires. C’est un apport très important. J’ai donc confiance sur la mobilisation des partenaires pour un prochain gala.
Si on propose un championnat d’Europe à Christopher, vous refusez ?
Ce ne serait pas le cheminement logique. Cela a beau être une fédération mineure, si tu fais un championnat du monde puis par la suite un championnat d’Europe tu perds en lisibilité. C’est dévaluer le titre de champion du monde. S’il se blesse à la quatrième reprise lors d’un championnat de France, les gens vont se dire il est champion du monde mais il est incapable de devenir champion de France. Christopher n’a plus rien à prouver au niveau national, le match nul contre Franck Petitjean, à l’extérieur, prouve qu’il avait le niveau et qu’il avait certainement gagné le combat. L’objectif reste aussi qu’il descende en poids légers, il ne sera peut-être pas d’accord avec moi. On dit que Christopher n’a pas de frappe mais quand on regarde la tête de Coggi, il était quand même bien marqué par la répétition des coups. Ce manque de frappe serait moins pénalisant en légers. On pourrait donc voir pour le titre W.B.F des poids légers. Christopher va également monter dans la hiérarchie mondiale s’il gagne sa défense de titre. Un membre de la W.B.C m’a déjà dit que Christopher pourrait être bien placé en cas de victoire lors de sa défense du titre de champion du monde W.B.F. On a beau dire que c’est une fédération mineure, si l’affrontement est de qualité le titre a une réelle valeur. Le superviseur de la W.B.F considère que le combat entre Sebire et Coggi était l’un des combats de l’année en ce qui concerne sa fédération. L’erreur pour cette fédération serait de faire des combats où la finalité est connue d’avance, c’est le meilleur moyen de discréditer le titre en jeu. Quand Tony Averlant gagne le titre W.B.F, il le gagne à l’issue d’un très bon combat face à un bon adversaire. Que ce soit Tony Averlant à Saint-Quentin ou Christopher Sebire à Amiens, ils sont champions du monde.
Comment avez-vous trouvé le premier combat professionnel de Ouissam Hattab ?
Avec tout le stress que cela engendre de ne pas avoir boxé depuis deux ans, de revenir dans un cirque Jules-Verne qui était plein, je trouve qu’il a livré un bon combat. Après, il a fallu calmer un peu les choses car je n’aime pas les boxeurs fanfarons, je ne voulais pas qu’il extériorise trop les choses. Il a su rester zen, c’est une bonne chose. Ouissam a eu un vrai adversaire, il est venu pour boxer et gagner. Mais comme Christopher, ce n’est pas sa catégorie. Il a perdu beaucoup de poids mais il peut encore boxer une catégorie en dessous. Le prochain combat ce sera en dessous ou rien.
Les féminines ont aussi été mises en valeur…
C’était le premier combat de Léa Dufresnoy, les deux autres sortent du pieds-poings, ils avaient déjà un peu d’expérience, Léa pour sa part n’était pas bien avant le combat. C’est une fille bien éduquée, qui ne se bagarre jamais, ce n’est pas la fille qui a la rage et qui est prête à sauter sur tout ce qui bouge. Pour elle, c’était quelque chose d’impressionnant de monter sur un ring. Il faut quand même une sacrée force pour réussir à monter sur le ring en étant stressée de la sorte. A un moment, je me suis demandé si elle y arriverait. Je lui ai fait une mauvaise peur mais jamais je l’aurais incendié.
Quel est votre rôle à ce moment-là ?
Il faut aller dans le sens contraire de la boxeuse. Il faut adapter son discours au boxeur que l’on a en face. Concernant Léa, il faut savoir la bousculer, il faut lui rentrer dedans. On ne peut parler de la même manière à Christopher, Ouissam ou Léa.
La boxe féminine est devenue un axe de développement important au sein du club ?
Au début je n’étais pas très fan, je peux avoir des préjugés d’un autre temps. Quand on voit les filles boxer samedi, on peut uniquement se dire que c’est une bonne chose. La médaille d’or Estelle Mossely va aussi servir de détonateur. Aujourd’hui, on a 110 filles, on est même obligé de refuser du monde à l’aéroboxe. C’est vraiment positif pour le club.
Propos recueillis par Romain PECHON