FOOTBALL : Thomas Monconduit : « Cela va devenir plus difficile pour tout le monde »
Capitaine de l’Amiens SC, Thomas Monconduit a accepté de se livrer à GazetteSports. De la première partie de saison aboutie de son équipe jusqu’au départ de Jonathan Tinhan, en passant par les doutes sur la suite de sa carrière ou encore les ambitions pour 2017, le milieu de terrain n’élude aucune question. Entretien.
Après une trêve hivernale attendue, comment s’est passée la reprise de l’entraînement ?
Très bien, cette pause nous a fait beaucoup de bien. 2016 a été une année riche en événements et en émotions. Nous avions eu peu de vacances au mois de juin, cela commençait à devenir difficile.
Aussi bien physiquement que mentalement ?
Je dirais même plus mentalement. Physiquement, nous n’étions pas au fond du trou. On avait surtout besoin de couper un peu avec le football et de reposer les têtes. Nous avons pu vraiment faire une pause pendant une semaine. La deuxième, nous avions un programme personnalisé et quotidien à suivre. Cela nous a permis de reprendre avec plus de facilité, nous sommes montés en puissance au fil de la semaine.
Puis il y a eu ce match amical victorieux contre l’AC Amiens…
Bien que cela soit toujours différent d’un match officiel, cela fait du bien de retrouver une adversité, d’avoir ne serait-ce qu’un semblant de compétition. Nous avons gagné, j’ai joué 70 minutes pour ma part. Je me suis bien senti physiquement, j’ai vraiment le sentiment de revenir à un bon niveau physique. A l’entraînement, je bats mes records aux différents tests physiques, je me trouve vraiment en forme.
D’autant plus que vous avez longtemps couru après cette forme physique lors de votre première saison au club…
Cela fait extrêmement plaisir de pouvoir boucler un match sans ressentir une véritable fatigue au milieu de la rencontre. Ce n’était vraiment pas le cas l’an dernier, j’étais en difficulté au bout de 70 minutes de jeu, il y avait un vrai trou dans les vingt dernières minutes.
C’est la première fois depuis bien longtemps que vous avez eu la possibilité d’enchaîner autant de matches consécutifs…
J’ai ressenti un petit coup de mou au mois d’octobre. Cela faisait un an que j’avais perdu mon père, il y a donc un contrecoup psychologique qui a eu des conséquences sur mon niveau de jeu. Lorsque le mental ne suit pas, on est clairement moins efficace sur le plan physique. Mais j’ai fini par retrouver toutes mes sensations en décembre, et je me sens prêt pour attaquer cette nouvelle année. J’aspire à être le plus performant possible et, si nécessaire, à affronter les potentielles blessures.
« Le départ de Jonathan ne met pas fin à nos ambitions cette saison. »
Comment avez-vous vu vécu le départ de Jonathan Tinhan, avec qui vous étiez très proche aussi bien dans le vestiaire que dans la vie de tous les jours ?
Je l’ai mal vécu. C’est un très bon ami, on rencontre très rarement des personnes comme Jonathan dans le monde du football. Je pense que l’on restera des amis pour le reste de notre vie. Maintenant, je suis très content pour lui, pour le reste de sa carrière. Il est parti à Troyes, un club qui a l’ambition de remonter rapidement en Ligue 1. Il va me manquer mais il faut faire avec, c’est aussi un aspect de la vie d’un footballeur. Nous nous sommes très bien entendus dès les premiers jours. Cette amitié est restée et s’est développée au fil du temps.
Perdre un cadre à la mi-saison, ça amène à se poser des questions sur les ambitions du club ?
Le club a la volonté de recruter un joueur pour remplacer Jonathan, cela démontre une certaine ambition. En outre, l’entraineur ne veut pas recruter pour simplement le remplacer mais bel et bien pour se renforcer. Le départ de Jonathan ne met pas fin à nos ambitions cette saison.
La bonne première partie de l’équipe suscite de nouvelles attentes, vous en avez pris conscience ?
Cette bonne première partie de championnat était assez inespérée. On ne s’y attendait pas vraiment mais dans le même temps elle récompense tout le travail fourni depuis le mois de juin. Je pense que c’est donc mérité et que l’on aurait même pu être un peu mieux placé en appréhendant mieux les deux déplacements en Corse ou encore le match contre Sochaux, où on passe à côté de notre première période, et le déplacement à Laval, où on s’arrête de jouer en deuxième mi-temps.
L’ambition demeure tout de même le maintien ?
Toujours. Nous souhaitons assurer le maintien le plus rapidement possible. Ensuite, nous jouerons un hypothétique bonus si celui-ci se présente en deuxième partie de saison.
Rester dans la première partie de tableau apparaît comme un objectif atteignable…
C’est effectivement jouable. On ne parle pas encore de classement, on reste focaliser sur l’ambition de jouer et de développer un certain jeu. Le plus important demeure les ingrédients que l’on peut mettre sur le terrain chaque semaine.
« Troyes et Sochaux m’ont fait forte impression »
Craignez-vous que cela devienne plus difficile pour l’Amiens SC ?
Je pense que cela va devenir plus difficile pour tout le monde. Si nos adversaires ont pu travailler nos forces et nos faiblesses, nous en avons fait de même. La deuxième partie de saison s’annonce intense et particulièrement indécise. Nous avions déjà le sentiment que tout le monde pouvait battre tout le monde en première partie de saison, je pense que cela va être encore plus prégnant sur cette deuxième partie de saison. Qui peut dire aujourd’hui quels clubs vont monter en Ligue 1 ? Personne. Il suffit d’une bonne série pour faire remonter.
Quelle équipe vous a le plus impressionné sur la phase aller ?
Je dirais que deux équipes m’ont vraiment laissé un bon souvenir. S’il est vrai que nous sortions d’une semaine à trois matches, Troyes m’avait fait forte impression. Ensuite, Sochaux nous avait bien bougés lorsqu’ils sont venus gagner ici, notamment en première mi-temps. J’ai le sentiment qu’ils peuvent encore monter en puissance, ils auront leur mot à dire.
Les sollicitations multiples, des performances un peu moins abouties, ce genre d’éléments peut-il aboutir à l’effritement de la force collective dégagée en première partie de saison à l’Amiens SC ?
Notre force est que l’on ne pense pas classement. Nous sommes uniquement concentrés sur le terrain. Nous ne pouvons pas empêcher certains joueurs d’être courtisés. La manière avec laquelle ils appréhendent cela les regarde également. Nous leur demandons juste de garder le bon état d’esprit.
Guessouma Fofana est courtisé par de nombreux clubs, ce qui est assez logique au regard de son profil…
Totalement. Quand je suis arrivé au club, je me suis très vite dit que c’était le joueur au plus gros potentiel au sein de l’équipe. Cela ne m’étonne pas du tout qu’il soit sollicité de la sorte. S’il part, je serais content pour lui mais en même temps triste pour nous. C’est un bon joueur, un homme que j’apprécie et une personne importante au sein du vestiaire.
« Le capitanat ? C’était un peu difficile au départ »
Qu’est-ce que cela change de jouer avec Guy N’Gosso ou avec Guessouma Fofana ?
Le second est un peu plus offensif. Quant à Guy, il avait cette force de communication pendant le match qui était très importante. C’était un véritable relais, il me faisait beaucoup de bien. Nous avions pris l’habitude de beaucoup échanger durant les matches, c’était un vrai plus. En ce qui concerne Guessouma, il a cette force pour aller en permanence presser l’adversaire et se porter vers l’avant en phase offensif. Etant pour ma part plus défensif, je trouve que nous sommes complémentaires. J’apprécie autant de jouer avec l’un ou avec l’autre.
Comment vivez-vous votre rôle de capitaine ?
C’était un peu difficile au départ. Je ne connaissais pas les attentes du coach, mais après m’avoir observé pendant deux mois, il m’a donné des consignes bien précises. C’est un rôle qui me plaît mais qui n’est pas évident. Il faut fédérer l’ensemble du groupe, se faire apprécier de tout le monde. Je pense m’en sortir pas trop mal, même si cela peut être difficile mentalement. Guy était un relais très précieux dans ce rôle de capitaine, c’est dommage qu’il se soit blessé mais il faut s’y accommoder. Les vacances m’ont aussi permis de prendre un peu de recul sur ce rôle.
Les pistes d’amélioration sont d’ores et déjà identifiées…
Je dois communiquer davantage dans le vestiaire avec certains joueurs. J’avais le rôle de capitaine sur le terrain mais la semaine je n’avais pas trop ce rôle au quotidien. Il faut que je devienne le capitaine tout le long de la semaine, aussi bien sur le terrain que dans le vestiaire. J’ai 25 ans et je trouve que Régis (ndlr : Gurtner), Julien (ndlr : Ielsch), Richard (ndlr : Soumah) ou encore Guy (ndlr : N’Gosso) ont un rôle aussi important que le mien.
Vous appartenez au conseil des sages, le bon équilibre entre le ressenti des joueurs et les directives du staff est important pour permettre au club de bien vivre…
Le relais entre le staff et l’ensemble du groupe est très important. Ce sont des choses que je ne voyais pas auparavant alors que le groupe peut avoir un ressenti qui n’est pas perçu par le staff technique. Notre rôle est donc de relayer l’information et de trouver la meilleure voie possible pour continuer d’avancer. En février 2016, une réunion entre les cadres et l’entraîneur a permis de nous remettre d’aplomb. Nous nous sommes dit les choses, cela a débouché sur la série de douze matches sans défaite et la montée en Ligue 2.
« Aucune raison que je quitte le club »
Quel rôle avez-vous joué dans cet épisode ?
Un rôle très mineur. C’était le moment de la saison où j’étais le plus en difficulté. J’ai hésité à arrêter le football après le match contre Orléans (0-2, 27 février). J’ai eu la chance que Laurent Héloïse soit suspendu contre Luçon. Le coach m’a alors lancé et je ne suis plus sorti de l’équipe jusqu’à la fin de la saison.
Il vous reste un an et demi de contrat, une réflexion se porte-t-elle sur une prolongation de votre contrat avec l’Amiens SC ?
Je me sens bien au club, j’apprécie l’esprit de famille qui se dégage. Nous connaissons l’ensemble de l’administration, le président et le vice-président sont très proches de nous. Nous faisons régulièrement des repas tous ensemble, c’est suffisamment rare pour être signalé. J’apprécie la ville d’Amiens, je ne suis pas loin de Paris et de ma famille, il n’y a aucune raison que je quitte le club.
Le club a été présent, à l’écoute lorsque vous avez perdu votre père, l’an dernier…
Les dirigeants et le staff technique ont vraiment été très compréhensifs. Ils ne m’ont jamais mis la pression. J’ai eu le temps nécessaire pour revenir m’entraîner. Quand je n’étais pas bien en février, l’entraîneur m’a laissé quatre jours pour me décider sur mon avenir. C’est la première force de ce club, ils parviennent à être à l’écoute de leurs joueurs.
Le bon début de saison de l’équipe a amené une nouvelle attention des médias sur le club. Comment appréhendez-vous cela ?
J’ai l’habitude de refuser les sollicitations médiatiques. Je ne suis pas fan de ces attentions-là, même si je sais que cela fait partie du jeu. Je me suis rendu sur le plateau de Canal+ parce que l’entraîneur souhaitait que je le fasse, mais jusqu’au dernier moment je souhaitais ne pas y aller.
« Le mois de janvier va donner le ton de la deuxième partie de saison »
Gardez-vous un regard attentif sur le parcours de l’AJ Auxerre ?
Je regarde et je ne comprends pas toujours les choix des dirigeants. Pour autant, ce qui se passe dans le club n’est pas de mon ressort. J’ai passé sept belles années à Auxerre, maintenant cela appartient au passé. J’ai un pincement au cœur pour certains entraîneurs, joueurs ou kinés que je connais, mais tout cela est derrière moi.
Vous reprenez le chemin de la compétition avec Strasbourg, ce samedi. Un match particulier…
Je sais que cela va être un gros match mais je ne pense pas que ce soit un match si particulier que cela. Ce qui s’est passé à la Meinau l’an dernier appartient au passé. Nous y sommes allés en août, tout s’est bien passé. Entre joueurs, nous nous connaissons tous, il n’y a aucun problème entre nous.
Un premier match d’une série qui s’annonce aussi difficile qu’excitante…
Le mois de janvier va vraiment donner le ton de notre deuxième partie de saison. Il sera indispensable de faire de bonnes performances contre Strasbourg et Lens. Pour autant, il ne faut pas occulter le match contre Niort. Ils sont bien remontés, ils ont trouvé des automatismes et le bon équilibre. Ce sera un match très difficile à accrocher.
Sur les huit derniers matches, l’Amiens n’a pris que huit points, un parcours digne d’un relégué. Faut-il s’en inquiéter ?
Je pense que chaque club a eu sa bonne période et son moment difficile. Nous avons eu un très bon début de saison, avant de connaître un recul sur le dernier mois de compétition. Une bonne série va nous permettre de se relancer et de se mettre un peu plus à l’abri.
« La pizza chèvre de France Football a été affichée dans le vestiaire »
Pour certains observateurs, le maintien est déjà acquis. Il peut s’avérer dangereux d’appréhender la deuxième partie de saison de la sorte…
Ce serait même une erreur. Le maintien va se jouer à 42 points et non pas à 29. Dans le vestiaire, on n’appréhende pas les choses de la sorte.
A l’inverse, l’hebdomadaire France Football a désigné, au début de la saison, l’Amiens SC comme la pizza chèvre du championnat. Cela a-t-il été un motif de motivation supplémentaire ?
La page en question a été affichée dans le vestiaire. On n’en a jamais parlé entre nous, mais cela nous a peut-être inconsciemment motivés. Quoi qu’il en soit, nous étions conscients de nos forces et du fait que nous ne serions pas la pizza chèvre de la Ligue 2.
Le retour de Georges Gope-Fenepej peut amener du sang neuf…
C’est un joueur de percussion, un profil que nous n’avions pas trop dans l’effectif. Il peut nous faire beaucoup de bien. D’autant plus que Strasbourg reste un très bon souvenir pour lui. De mémoire, il avait délivré deux passes décisives l’an dernier. Nous souhaitons qu’il fasse la même performance ce week-end.
Propos recueillis par Romain PECHON