CYCLISME – Thomas Voecker : « Je suis persuadé que les Français sont parmi les meilleurs du monde »

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Présent à Amiens en tant que parrain de l’édition 2019 de la soirée des Talents du sport organisée par le département de la Somme, Thomas Voeckler est revenu pour nous sur son actualité et celle du cyclisme.

Qu’est-ce qui a favorisé votre venue à Amiens pour cette soirée ?

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C’est du fait que Thierry (Adam, ndlr) m’ait dit « J’anime une soirée, est-ce que cela te dirait de venir ? » C’est de par les relations que j’ai avec Thierry que je suis venu. Mais au-delà de ça, c’est aussi le fait que j’aime bien de temps en temps honorer de ma présence les challenges ou les remises de trophées. Ça me plaît parce que ça me rappelle quand j’étais tout petit en Martinique. J’étais content quand une personnalité venait. Je me souviens très bien d’avoir fait une remise de récompenses en Martinique avec Muriel Hurtis.

Et puis, cela permet de voir des sportifs appartenant à d’autres disciplines que le cyclisme….

Exactement. C’est la chance qu’on a quand on arrête le vélo, c’est de voir un peu plus large que le seul spectre du cyclisme. Je me suis toujours intéressé à tous les sports, mais c’est vrai que, depuis que j’ai arrêté le vélo, j’ai l’occasion de prendre plus connaissance de ce que sont les autres sports que le vélo. Et ça tombe bien puisque ce soir c’est une remise de prix générale.

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Vous êtes-vous mis dans la peau de sélectionneur ?

Oui, cela fait quelques mois que l’on m’a confié cette mission. Je me suis mis dans cette peau. Ce n’est pas facile parce que j’ai été coureur avec ceux qui portent ou porteront les couleurs de l’Équipe de France. Mais je l’accepte. Et je le savais avant, je ne suis pas surpris. Et puis, j’ai un bon retour. Pour l’instant, ça n’a pas marché mais je suis convaincu que ça marchera tôt ou tard. Et j’espère que cela sera plus tôt que tard.

Vous serez sélectionneur pour les Jeux Olympiques de Tokyo…

Oui, oui. A moins qu’ils ne me virent avant mais je ne vois comment c’est faisable vu la façon dont on a discuté. Et puis, je pense que les gens à la Fédération savent très bien comment se passe le sport de haut niveau. Ce n’est pas parce qu’aux Championnats d’Europe et aux Championnats du Monde nous n’avons pas ramené une médaille que tout est à jeter. Au moment où l’on parle, bien sûr, je suis là ce soir avec grand plaisir, mais je ne vous cache pas que quand j’étais dans le train, j’étais en train d’échanger des mails avec des personnes de la Fédération pour mettre en place les Jeux Olympiques de Tokyo.

Il y aura des coureurs Picards ?

Arnaud Démare, c’est un coureur en qui j’ai extrêmement confiance.

Sur la route, je ne vais pas vous vendre du rêve, honnêtement, le circuit est trop dur pour Arnaud Démare. Pourtant, c’est un coureur en qui j’ai extrêmement confiance. Preuve en est l’équipe que j’ai bâtie autour de lui aux Championnats d’Europe. Même si ça n’a pas marché, mais c’est du sport, je ne lui en veux aucunement.

En ce qui concerne Corentin Ermenault, je lui ai fait confiance aussi pour les Championnats d’Europe. C’est un garçon pour lequel j’ai vu qu’il se consacrait entièrement à la piste. Et vu les records qu’il a fait tomber, en poursuite par équipe… Et même si c’est un sport d’équipe, la locomotive, c’est quand même Corentin. Clairement, je pense que c’est un gros objectif.

Le fait d’avoir déjà pris l’équipe en main, c’est une meilleure manière d’aborder les JO ?

Oui, bien sûr. Le plus tôt possible, c’est le mieux. Après, ma politique, c’est de ne rien promettre, de ne rien garantir. Un parcours comme les JO, c’est un parcours très difficile. Je ne suis pas là pour faire plaisir à untel ou untel, je suis là pour essayer de mettre la meilleure équipe qui soit. Et la meilleure équipe qui soit, ce n’est pas forcément l’addition des meilleurs. Après, s’il y en a qui ne sont pas contents, c’est normal. Encore heureux qu’ils ne soient pas contents parce qu’il y a plein de coureurs qui méritent. Mais sur les JO, il n’y a que 5 places. Il y aura des déçus, mais c’est mon travail.

Plus généralement, qu’as-tu pensé de la saison des coureurs Français ?

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C’est une bonne saison du point de vue du potentiel, mais du point de vue du résultat, je pense que légitimement, si on met à part le cas Alaphilippe qui a tout explosé et à qui on ne peut pas faire de reproches, le cyclisme français vaut encore mieux. C’est aussi et notamment pour ça que j’ai accepté de prendre la tête de l’Équipe de France. Parce que je suis persuadé que les Français sont parmi les meilleurs du monde et qu’on va le prouver dans les années qui viennent.

Laurent Brochard disait il y a quelque temps qu’il aurait sûrement un successeur français plus tôt en tant que champion du monde que Bernard Hinault en tant que vainqueur du Tour de France. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ça dépend à qui vous posez la question. Si c’est au consultant France Télévisions, j’espère qu’il a tort, si c’est au manager de l’Équipe de France, j’espère qu’il a raison. Très honnêtement, je pense en effet, qu’il y a plus de chance qu’on gagne un Championnat du Monde qu’un Tour de France parce qu’un Championnat du Monde, c’est plus aléatoire. Qui aurait pu croire cette année que Pedersen serait Champion du Monde ? Si Laurent disait ça, c’est parce que lui-même, au départ de la course, ne pensait qu’il finirait Champion du Monde. Et c’est ce qui en fait le charme, cela ne doit pas changer.

Romain Bardet a-t-il raison de ne pas faire le Tour de France la saison prochaine ?

Ce n’est pas à moi de répondre, mais j’en suis très content. Je ne vous cache pas que je voulais au moins un des meilleurs grimpeurs français qui soit apte à répondre à la sélection et qui ne soit pas usé par le Tour de France. Et il se trouve qu’un des deux meilleurs grimpeurs français a décidé de ne pas faire le Tour de France, ce qui lui permettra d’arriver longtemps avant là-bas. Donc, je n’ai influencé son choix en aucune manière, mais oui, ça me ravit.

Que pensez-vous de l’émergence du cyclisme africain ?

Ça fait quelques années que je le suis. J’ai fait la Tropicale Amissa Bongo pendant des années. Peut-être qu’ils n’ont pas assez de crédit auprès des équipes européennes pour s’y faire de la place mais c’est un très bon continent du vélo. Après, il y a un petit déficit au niveau de la tactique de course et du matériel. Parce que c’est un sport qui coûte de l’argent. Mais il y a des compétences.

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Le fait d’être en Asie pour les JO, ça pourrait aussi donner une visibilité et un élan supplémentaire sur ce continent ?

Bien sur. Mais, avec la Japan Cup, le Tour du Qinghai Lake, il y a déjà pas mal de courses qui y mettent en avant le cyclisme. Au niveau des courses, il y a peut-être plus de travail en Afrique, même si c’est déjà bien entamé. Un Championnat du Monde au Rwanda en 2025, ça pourrait être bien.

Le mercato a donné lieu aux arrivées de Quintana et Bouhanni chez Arkéa-Samsic, c’est une bonne nouvelle ?

Quintana, il faut ne pas connaître le vélo pour croire qu’il est fini. Il n’a que 29 ans. Il n’est pas là pour faire le touriste. Et puis Bouhanni, cette saison, je n’ai pas pensé à lui parce qu’il n’était pas en état, mais c’est pour moi un des deux seuls sprinters français à pouvoir gagner une grande course, un grand championnat.

Propos recueillis par Lionel Herbet et Morgan Chaumier

Crédit photo : Kevin Devigne – Gazettesports